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Dans notre article précédent nous avons présenté les politicals games, des jeux vidéos dits engagés qui peuvent être décomposés en deux grands groupes : les jeux à visée informative et les jeux militants. 
 Il s’agit d’aborder de manière plus approfondie un certain type de jeux que nous avions rapidement cité : les newsgames. Olivier Mauco, sur le site de France Culture, définit le newsgame comme "un dispositif ludique de mise en scène de l’information empruntant aux jeux vidéo ses codes cognitifs et procéduraux".
Sur le fond le principe est identique à celui des jeux dits engagés. L’intérêt n’est pas la victoire mais réside dans la mécanique même du jeu (le gameplay) qui vous délivre un message : le joueur mis en difficulté essaiera de jouer avec l’ensemble des outils dont il dispose pour faire évoluer la situation et testera les différentes combinaisons permises pour s’en sortir. Sur la forme, les créateurs vont partir d’un fait d’actualité et placer le joueur au cœur des événements en se basant sur des données factuelles d’après le dossier, établi sous la direction de Xavier Galaup, intitulé "Développer la médiation documentaire numérique". Le jeu Cutthorat Capitalism est cité en guise d’exemple. Il s’agit effectivement pour le joueur de partir d’un fait d’actualité qui le propulse à la tête d’un navire de pirates somaliens. Il s’agit d’amener le joueur, au travers d’une simulation, à comprendre les mécanismes de la capture et de la négociation.

Florent Maurin, sur France Culture, distingue trois grandes catégories de newsgames. Il expose dans un premier temps le jeu-infographie.

On a selon lui accès à de plus en plus à des bases de données (data journalism) que l’on peut traiter sous forme d’infographie interactive ou sous forme de jeux. Cela consiste à prendre et à mettre en forme des données statistiques et de proposer à l’utilisateur un objectif.

budget-heroj2799-c842fFlorent Maurin prend le cas de Budget-Hero, jeu publié par une société de radio aux Etats-Unis. Là l’utilisateur est amené à reprendre et à manipuler les bases de données du budget américain pour réaliser un objectif qui s’est fixé en début de partie (environnement, baisse de la dette publique, influence du pays dans le monde, etc.). Cela lui permet de faire des projections (déficit ou rentabilité en 2050 par exemple), de mesurer ses propres choix par rapport aux véritables chiffres du budget général américain, d’avoir une visualisation graphique des différents postes, de rendre beaucoup plus compréhensibles des chiffres qui semblent au départ difficiles à appréhender pour la plupart des gens. La mécanique du jeu pousse le joueur à explorer véritablement le système.

Dans la plupart des newsgames, il ne s’agit pas d’instaurer une histoire mais de créer un système cohérent, qu’il soit manipulable par l’utilisateur, de voir ce qui se passe quand on change un paramètre, de comprendre les choses en tant que système global. Il s’agit de ne pas tisser une situation globale autour d’un exemple comme le journalisme fait souvent. Au contraire il s’agit pour l’utilisateur d’explorer le système pour le comprendre en profondeur.

En deuxième lieu, il existe une deuxième catégorie de jeux : le jeu-reportage. Il s’agit de laisser au joueur l’occasion d’explorer une situation, de rassembler un max d’informations autour d’un événement comme le séisme en Haïti. Inside Haiti Disaster propose d’exploser la situation du point de vue d’un travail humanitaire, d’un journaliste ou d’une victime du séisme. A partir de là, on est face à tout un système de choix différents et la nécessité de prendre des décisions. En fonction de ces dernières, on va avoir plusieurs conséquences comme le risque de conflit à la suite d’une distribution sauvage de matériels de survie (décision proposée si on se met dans la peau du travailleur humanitaire). Cependant, comme l’indique F. Martin, il faut interroger la limite entre réalité et fiction. Ce n’est pas parce que cela s’est mal passé une fois que cela va forcément se passer systématiquement comme cela. Le jeu peut être un bon moyen pour impliquer l’utilisateur, le citoyen qui souhaite s’informer pour qu’il comprenne ce qui peut arriver et, notamment, face aux choix de certaines décisions.

On peut établir un troisième type de jeu : le jeu-éditorial. Il s’agit de parler de situations éditoriales en construisant des simulations (non réalistes car cela nécessite un budget trop important). Cela consiste à modéliser des situations très particulières et de les faire comprendre au joueur éditorialement par l’intermédiaire du jeu comme "Primaires à gauche". Là, les stratégies des candidats peuvent être modélisées sous une forme éditoriale. Le joueur se met dans la peau d’un candidat, voit différents schémas de décisions qui s’offrent à lui et également en fonction de ses convictions politiques. Cela lui permet de mesurer l’impact de certaines stratégies qui peuvent être payantes ou non.
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Cependant feu Alain Joannès soulignait le risque de propagande, sous couvert d’amusement, véhiculé par le jeu.
Effectivement Olivier Mauco confirme que tout jeu est porteur de messages, d’un point de vue dans la mesure où le travail de production reflète un point de vue particulier. Par exemple le jeu "Primaires à gauche" reflète la vision d’une partie des journalistes de la primaire. Un jeu éditorial peut être considéré comme "partisan" dans la mesure où on modifie une certaine variable pour donner plus de poids à un candidat dans le jeu et vice-versa.

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter cette présentation slideshare par Olivier Mauco sur la genèse et les enjeux liés à l’utilisation des newsgames :

http://fr.slideshare.net/OlivierMauco/le-newsgame-gense-dun-dispositif-vido-ludique-de-mise-en-scne-de-linformation

@NicolasBusquet1
Dernière modification le vendredi, 03 octobre 2014
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Nous sommes un collectif de dix futurs professeurs documentalistes (Iufm Aquitaine) en veille permanente sur des sujets tels que les serious games, les réseaux sociaux, les usages pédagogiques...