Photographies gravées
Varengeville domine la Manche par une imposante falaise. La beauté de ce site majestueux est irrémédiablement liée à sa fragilité. Gorgée d’eau, la falaise s’effrite et connaît d’importants éboulements menaçant l’existence même de l’Église Saint-Valery, le cimetière marin qui l’entoure et certaines habitations. Cette eau omniprésente offre une végétation luxuriante, Varengeville est connu pour ses jardins paysagers.
Au Musée Michel Ciry – ouvert en 2012 et bâti dans la propriété du peintre face à sa demeure, Raphaëlle Peria (née en 1989) expose des photographies, des feuilles d’or gravées, des céramiques et des dessins. Sur tout un pan de mur, un papier peint reproduit Sans oser lui parler. Cette invitation à flotter sur l’eau est le décor réalisé pour la Drawing Society.
La plasticienne utilise la technique de la gravure qui a été un des médiums privilégiés par Michel Ciry (1919-2018). Le déclic pour la photographie est venu pendant ses études aux Beaux-Arts. Partie en voyage, elle a réalisé plus de 13 000 photographies. Elle ne savait pas comment traiter cet important corpus et s’est questionnée sur la photographie. Roland Barthes a notamment défini la photographie par le punctum, point témoin de ce qui a été vu, vécu à un moment précis. En constatant que ses souvenirs commençaient à s’effacer ; elle a décidé de déformer les photographies en les creusant comme des plaques de gravure. Le procédé se mêle à l’imaginaire, Raphaëlle Peria fait rejaillir des fragments et réinvente des paysages.
Au fil de l’eau
En résidence au FRAC Picardie, elle a installé son atelier sur une barque et a parcouru les Hortillonnages – jardins flottants d’Amiens -, s’intéressant à des plantes auxquelles personne ne porte attention. Native d’Amiens, elle a été marquée par les motifs floraux de la Cathédrale d’Amiens. Elle a conçu des céramiques sur lesquelles elle a appliqué le grattage d’image – les sept vases exposés au Musée Michel Ciry symbolisent les sept chapelles de la Cathédrale d’Amiens. En s’approchant, on découvre le travail minutieux qui met en relief toutes ces herbes qui se reflètent dans l’eau. Pour ciseler la matière, elle utilise la fraise des dentistes – sa mère est dentiste et en observant ses travaux, elle lui a fait cette suggestion. Elle travaille les textures, illumine le blanc qui peut devenir argenté pour les feuillages.
Raphaëlle Peria a suivi les cours d’eau jusqu’à Flaverolles près de Dreux, en Normandie. A Varengeville, elle s’est promenée dans les jardins et a découvert les mares qui l’ont fascinée : « Il y a tellement d’eau que les arbres sont parfois au milieu de l’eau. » Des photographies et le papier-peint montrent des éclats de lumière, les effets miroitants des arbres et des feuillages.
L’œuvre exposée au sol provient d’une approche inédite, Raphaëlle Peria fait apparaître des plantes sur un linoléum gravé. Pour la première fois, elle a aussi réalisé des œuvres à 80 mètres de haut, en utilisant un drone. Elle souhaitait « mettre à l’honneur l’arbre et les couleurs de Varengeville ».
Fatma Alilate
Exposition Vogue au creux des valleuses de Raphaëlle Peria
Musée Michel Ciry, Varengeville-sur-Mer
Commissariat : Aurélie Nourry, directrice du Musée Michel Ciry, Fanny Robin, directrice artistique de la Fondation Bullukian
Exposition réalisée dans le cadre du Festival Normandie Impressionniste, en collaboration avec le Musée Michel Ciry, la Fondation Bullukian et la Galerie Papillon.
Jusqu’au 16 juin 2024
Photos : Les arbres de Varengeville de Raphaëlle Peria, Musée Michel Ciry, Varengenville-sur-Mer © Fatma Alilate
Exposition "Vogue au creux des valleuses" de Raphaëlle Peria, Musée Michel Ciry, Varengenville-sur-Mer © Fatma Alilate