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“Le jeu vidéo devient peu à peu un objet d’étude scientifique légitime. Il y a aujourd’hui, pour prendre un exemple presque au hasard, plus d’écrits et de recherches sur ce nouvel objet que sur le jouet pourtant fort ancien[1].” 
La raison principale permettant d’expliquer cette popularité du jeu vidéo comme objet d’étude repose sur le fait que, loin d’être un simple effet de mode, ce média s’impose comme un des loisirs préférés des enfants, des adolescents et même des (jeunes) adultes. En effet, selon une étude réalisée par l’institut d’études GfK en 2010, 28 millions de français disent jouer régulièrement aux jeux vidéo, ce qui représente plus de 40% de la population de l’hexagone. De plus, d’après cette même étude, l’âge moyen des joueurs est en constante augmentation et atteint actuellement 33 ans. Aussi, le jeu vidéo est pratiqué par toutes les populations, sans distinction sociale. Plus qu’un simple loisir, l’objet vidéoludique est donc devenu une partie intégrante du quotidien des enfants et des adolescents. En ce sens, les Sonic, Mario et autres Link se sont, pour ainsi dire, hissés au rang de véritables icônes collectives fortes dans la culture de nos jeunes.
 
Partant de ce constat, il n’est donc pas étonnant que de nombreux chercheurs se soient interrogés sur les raisons et les conséquences de ce succès et que d’autres aient cherché à exploiter l’apport “motivationnel” inhérent au jeu vidéo et ce, plus particulièrement en sciences de l’éducation. Dans ce sens, l’étude de l’objet vidéoludique dans le domaine de la pédagogie n’est en réalité qu’un prolongement des nombreuses recherches menées notamment sur les apports du jeu (jouet, jeu de société, logiciel éducatif, …) dans des séquences d’apprentissage. À cela s’est ajouté les cautionnements apportés sur les bienfaits du jeu en éducation par les études menées en neurosciences cognitives, en particulier grâce à l’utilisation de l’IRM fonctionnelle. Ceci tend d’ailleurs à donner naissance à une nouvelle discipline : la neuropédagogie.
 
C’est donc au cœur de cette dynamique que “le mouvement des jeux sérieux a débuté en 2002 quand l’armée américaine a réalisé le jeu vidéo America’s Army […][2].” (2) Ainsi, il n’aura pas fallu beaucoup de temps pour que le jeu sérieux, défini par Alvarez comme étant une “application informatique, dont l’objectif est de combiner à la fois des aspects sérieux (Serious) tels, de manière non exhaustive, l’enseignement, l’apprentissage, la communication, ou encore l’information, avec des ressorts ludiques issus du jeu vidéo (Game)[3]”(3), s’impose, en une dizaine d’années seulement, comme un objet d’étude légitime en sciences de l’éducation.
 
Cependant, malgré cet engouement pour le jeu vidéo et son étude, force est de constater qu’il existe encore beaucoup de résistance, de la part des enseignants, à intégrer ce médium dans les pratiques de classe. Ceci est en grande partie lié à une méconnaissance des études menées sur ce sujet de la part du monde enseignant. De plus, de nombreux professeurs du primaire et du secondaire (notamment les plus anciens) font, encore maintenant, état d’une certaine peur de se trouver confrontés à l’utilisation des nouvelles technologies. Par conséquent, il existe une véritable fracture entre ces enseignants et les loisirs de leurs élèves. En effet, les enfants qui fréquentent les classes sont souvent initiés à la pratique du jeu vidéo par leur(s) grand(s) frère(s) ou leur(s) grande(s) sœur(s). Il existe même des parents qui ont connu, au cœur de leur jeunesse, l’avènement des consoles de jeux (notamment avec l’arrivée des NES et SNES de NINTENDO et de la MEGADRIVE de SEGA) et qui sont, encore actuellement, de véritables joueurs. Ils partagent ainsi cette culture vidéoludique avec leurs enfants. Le rapport au savoir s’en trouve donc profondément modifié et, dans ce contexte, il semble difficile pour l’école de faire l’impasse sur ce média.
 
Une autre limite qui peut être mise en évidence est celle qui tend à exister entre le jeu sérieux, objet à visée pédagogique, et le jeu vidéo, objet uniquement ludique. En effet, l’étude du rapport entre jeu vidéo et apprentissage s’oriente principalement vers un partenariat entre éditeurs et experts de l’éducation pour la conception de jeux sérieux. En ce sens, il s’agit donc de concevoir un outil pédagogique combinant intentionnellement des “aspects sérieux” avec des “ressorts ludiques”. Le problème qui se pose alors est de savoir si le produit ainsi conçu ne risque pas d’enlever la spontanéité inhérente à la situation pédagogique dans laquelle le jeu vidéo (purement ludique) est détourné afin de devenir, pour un temps donné, un objet d’apprentissage. Certains enseignants s’inscrivent d’ailleurs dans cette dernière démarche. Cependant, ils sont des exemples isolés et possèdent tous la caractéristique d’être des joueurs, c’est-à-dire, des connaisseurs en matière de jeux vidéo. La question sous-jacente est donc de se demander si l’on pourrait véritablement généraliser ce type de pratique ?
 
C’est dans cette ligne directrice que s’oriente ce travail. Il s’agit en effet, de ne plus se placer uniquement du point de vue de l’étude de l’objet vidéoludique en lui-même mais de s’adresser plus directement à l’enseignant qui devra l’utiliser. Dans ce sens, ce travail consistera à répondre à la problématique suivante : comment mettre en place une « pédagogie vidéoludique » dans sa classe ? L’étude de ce questionnement nous amènera logiquement vers une série d’autres interrogations : Quels sont les jeux vidéo pédagogiquement exploitables ? Pour quels objectifs les utiliser (pour ce qu’ils nous apprennent, pour leur approche originale, pour les compétences qu’ils développent) ? Comment articuler l’utilisation de ces jeux vidéo dans le contexte des autres apprentissages, de l’organisation de la classe et des programmes nationaux ? Avec quelles modalités ? etc ….
 
 
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[1]BROUGÈRE G., « Préface » dans FORTIN T., MORA P., TRÉMEL L., Les jeux vidéo : pratiques contenus et enjeux sociaux, Paris, 2006, p. 9.
[2]La traduction est de nous. “The Serious Games Movement got a start in 2002 when the U.S. Army released the video game America’s […]”, http://www.usatoday.com/tech/gaming/2006-05-19-serious-games_x.htm.
[3]ALVAREZ J., Du jeu vidéo au serious game, Approches culturelle, pragmatique et formelle, Thèse, Toulouse, 2007, p. 9.
Tresse Julien

De formation neuroscientifique, je suis actuellement professeur des écoles sur Varsovie. 
Mes réflexions portent plus particulièrement sur :
- les usages pédagogiques du numérique ;
- la différenciation pédagogique ;
- les apports neuroscientifques à la pédagogique.