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« Aujourd’hui, un enfant entre 0 et 20 ans aura passé autant de temps sur son smartphone qu’à l’école » selon Joël Chevrier, enseignant-chercheur en physique à l’université de Grenoble et au Centre de Recherche Interdisciplinaire de Paris. [1]

Certains s’en indigneront, d’autres pas. Mais ce qui est certain, c’est bien que nous avons été pris de vitesse par le phénomène smartphone dans le monde l’éducation, passant de Newton à Steve Jobs sans même s’en apercevoir et ce, en à peine dix ans et de façon planétaire.

Alors la démarche Byod en classe, autrement dit l’usage du smartphone ou de la tablette personnels à l’école, doit-il nous faire peur ou nous faire espérer une vraie plus-value pour nos élèves, nos enfants ?

Le potentiel sous-estimé de ces véritables laboratoires de poche ne mérite t-il pas la responsabilisation de la communauté éducative, dont au premier chef les enfants, pour un continuum éducatif et professionnalisant?

Que dit la CNIL au sujet du BYOD en France ? [1]

Dans le cadre professionnel, les outils personnels ne peuvent être utilisés qu’à titre subsidiaire. « Le droit du travail impose à l’employeur de fournir à ses employés les moyens nécessaires à l’exécution de leurs tâches professionnelles.

L’utilisation d’outils informatiques personnels à des fins professionnelles ne permet pas de s’affranchir de cette obligation. »

La sécurité des données : « L’employeur est responsable de la sécurité des données personnelles de son entreprise, y compris lorsqu’elles sont stockées sur des terminaux dont il n’a pas la maîtrise physique ou juridique, mais dont il a autorisé l’utilisation pour accéder aux ressources informatiques de l’entreprise.

Les risques contre lesquels il est indispensable de se prémunir vont de l’atteinte ponctuelle à la disponibilité, l’intégrité et la confidentialité des données, à la compromission générale du système d’information de l’entreprise (intrusion, virus, chevaux de Troie, etc.).

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Les écarts révélés par ce graphique sont d’autant plus surprenants que les autres pays semblent accorder moins d’importance à la sécurité que les entreprises françaises.

« Les répondants britanniques ont déclaré que la sécurisation des appareils n'était qu'au huitième rang de leurs priorités actuelles et au neuvième rang de leurs éventuelles priorités futures (sur un total de seize priorités concernant la sécurité) »

« Mauvaise nouvelle, les entreprises de l’Hexagone n’ont pas caché qu’elles accorderaient moins d'importance à la sécurisation des appareils mobiles dans le futur. Au regard de la situation actuelle, il n’y a donc pas de quoi être optimiste. » s’inquiète Nil Sanyas.

Petit tour du monde des usages du BYOD dans les entreprises[1]

Nil Sanyas est Journaliste web et  a vu l'émergence de bien des services sur la Toile et bien sûr des smartphones et tablettes ces dernières années. Dans ce blog, il traite avant tout du BYOD, de la sécurité et des produits mobiles en entreprise.

« Selon une étude réalisée l’an passé par Kaspersky sur le pays de Nelson Mandela, 75 % des entreprises sud-africaines considèrent que le BYOD est une menace pour elles, contre 57 % des compagnies russes, 62 % des sociétés d’Europe de l’Ouest, 65 % de celles situées au Moyen-Orient et 69 % des entreprises nord-américaines. Seul le Japon surpasse l’Afrique du Sud avec un taux ahurissant de 93 %. »

« La tendance BYOD est en pleine croissance au Kenya et en Afrique dans son ensemble et cela a conduit à une augmentation de la demande de terminaux technologiques utilisés en entreprise » résume un site internet africain. Et de conclure que les fabricants de smartphones, qui ciblaient auparavant les entreprises, devraient plutôt viser les particuliers afin d’intégrer indirectement le monde professionnel. » d’après Africa Business Partners.

La Côte d’Ivoire et l’Egypte encouragent quant à elles  le BYOD dans les entreprises et lors des recrutements.

« Si le BYOD connaît un succès important en Amérique ou encore dans la plupart des pays asiatiques, nous savons que deux territoires de ce continent résistent encore et toujours à l’envahisseur. Le premier est Taiwan et le second est le Japon. Il faut dire que pour les entreprises du pays du soleil, le BYOD ne rime qu’avec une seule chose : danger. »

Voici donc un véritable paradoxe sociétal : très technophiles, les Japonais avaient donc tout entre les mains pour faire du BYOD un succès. Leur très haut débile mobile et les nombreuses marques locales (avant l’arrivée écrasante d’Apple) étaient de plus des atouts supplémentaires pour accroître le phénomène. Mais la peur du danger rajoutée aux habitudes de fournir directement les terminaux ont fait du Japon un pays à la traine.

Cependant, la population nipponne ne se laisse pas faire et utilise le BYOD en force, d’ailleurs, l’enquête indique que même dans le cas où l’entreprise ne l’autorise pas, de plus en plus d’employés n’hésitent pas à apporter et utiliser leurs propres appareils. Une situation qui n’est pas propre au Japon et qui a pu se remarquer dans la plupart des pays du globe, où le BYOD s’impose de lui-même, que les sociétés soient d’accords ou non. Nous répétons d’ailleurs régulièrement qu’il vaut mieux accueillir et gérer convenablement le BYOD que de l’interdire purement et simplement.

« Cette progression du BYOD au Japon, pays historiquement réfractaire à cette « mode », prouve qu’il a tout pour s’imposer sur la planète entière, qu’on le veuille ou non. Il s’agit tout simplement d’une utilisation plus pratique pour les employés, et ces derniers n’ont pas de raison de changer d’avis du jour au lendemain, d’autant plus dès lors que les smartphones et tablettes sont chaque jour plus intéressantes à utiliser au travail. »

Les points d’accords

Nous nous accordons unanimement sur l’idée que le smartphone est riche de potentiels variés. Il s’agit d’un véritable ordinateur de poche très performant, un « pocket-lab » aux avantages évidents.

« Le plus important est certainement la disponibilité immédiate d’un « couteau-suisse numérique » pour les élèves, grâce auquel ils peuvent accéder au matériel rapidement et facilement. D’autres avantages touchent la collaboration, la motivation ou encore la personnalisation de l’apprentissage » selon Aurélien Fiévez, Chercheur en sciences de l’Education à l’Université de Montréal.

Malgré tout, selon plusieurs études récentes, l’utilisation d’un outil précis dans une salle de classe présente déjà des difficultés de gestion au quotidien.

Par conséquent, implanter une multitude d’outils et de plateformes poserait logiquement des problèmes pédagogiques plus importants.

Pourtant, certains établissements scolaires ont fait le choix du BYOD.

À titre d’exemple, le Peel District School Board, en Ontario, propose depuis 2013 aux élèves d’utiliser leur propre appareil. Afin d’intégrer au mieux le projet BYOD dans les écoles, le conseil scolaire a même mis en place des outils pour aider les parents et les élèves. Une vidéo explicative, un guide pour les parents, un code de conduite numérique et un ensemble de ressources pour les parents viennent ainsi aider l’intégration dans les classes. Par ailleurs, force est de constater que le BYOD demande à l’enseignant de redéfinir son rôle et de réfléchir sur la façon d’appréhender cette nouveauté.

Un autre argument de convergence concerne notamment le fait que l’usage précoce et accompagné des smartphones en classe, prépare l’élève à sa future vie professionnelle car « le BYOD a fait une entrée lente, constante et souvent efficace dans le monde du travail » toujours selon Aurélien Fiévez sur le site Ecole branchée [2].

« D’ailleurs, les employés spécifient que le fait d’utiliser leur appareil personnel permet d’avoir à portée de main un outil qu’ils connaissent, facile d’accès et qui combine les informations personnelles et professionnelles de leur quotidien (Garlati, 2011). Il a donc été nécessaire de mettre en place des règles, des mesures, mais aussi des outils afin d’aider les employés à travailler et à s’approprier efficacement ces technologies dans leur milieu de travail (Émery, 2012). »

Les points de désaccords

Alors candidat aux élections présidentielles de 2017, Emmanuel Macron soulignait, lisait-on dans l’article de Laurence Le FUR journaliste au Parisien le 2 mars 2017 sa volonté d’interdire les smartphones à l’école : « Je souhaite que l’usage du téléphone portable soit totalement interdit dans l’enceinte des collèges et des écoles primaires »[3] [4]

« Le BYOD apporte il est vrai son lot d’inconvénients, comme le manque d’équité entre les élèves et une surcharge de travail pour l’enseignant. D’un côté, autoriser l’entrée d’un appareil numérique personnel dans la salle de classe peut exiger des parents un investissement supplémentaire, entrer en conflit avec leur approche parentale des technologies ou encore exposer les élèves aux réalités socio-économiques de leurs familles » explique Aurélien Fiévez.

D’un autre côté, l’enseignant devra souvent gérer des outils dont les systèmes d’exploitation et versions divergent. Or, connaître chaque système d’exploitation et chaque outil peut s’avérer très difficile, voire impossible pour plusieurs. Pourtant, avec le BYOD, il sera nécessaire, à un moment, soit de dépanner les élèves avec ou sans l’aide d’un technicien, soit de désigner des élèves-experts qui pourront aider leurs camarades à régler les problèmes techniques rencontrés en contexte d’apprentissage. L’outil peut ainsi devenir à la fois un objet et un vecteur d’apprentissage collaboratif dans une approche de résolution de problème. 

L’avenir possible

Pourquoi l’usage du smartphone en classe suscite-t-il encore autant de réticence auprès des équipes enseignantes, de direction ou des parents ?

Parce que « les smartphones ne sont pas faits pour l’école, il faut les détourner » selon Joël Chevrier. Ils n’ont pas pour objectif d’être des outils pédagogiques, avec des objectifs d’apprentissage. Il faut donc les détourner, les hackers, c’est à l’école d’entrer dans le smartphone car l’inverse ne se fera pas.

Il faut redéfinir avec précision l’Interface utilisateur avec une focale et des objectifs pédagogiques. Faire du smartphone un outil d’apprentissage et en retravailler le design.

Ce travail avec les designers de smartphone s’avère capital pour cesser de faire oublier aux utilisateurs à quel point cet appareil est complexe, doté d’une véritable Intelligence Artificielle.

Le travail à réaliser doit être expérimental et prospectif, grâce à l’Intelligence Collective qui connectera différents acteurs : enseignants, chercheurs, psychologues, designers… afin que ce micro laboratoire qu’est le smartphone devienne un véritable outil pédagogique.

La Recherche comme l’IRCAM[5] du Centre Pompidou à Paris ou le projet « baguette magique » du Centre de Recherche Interdisciplinaire de Paris permettront certainement de mener à bien ce projet passionnant, mais colossal.

Delphine Roux

Principale-adjointe du collège Henri IV

Académie de Poitiers


[1] www.zdnet.fr › Blogs › Bring it on

[2] http://ecolebranchee.com/2015/02/27/dossier-le-byod-entre-perspectives-et-realites-pedagogiques/

[3] www.leparisien.fr/.../comment-macron-veut-interdire-le-portable-a-l-ecole-et-au-college...

[4] www.cafepedagogique.net › L'expresso

[5] https://www.ircam.fr


[1] https://www.cnil.fr/fr/byod-quelles-sont-les-bonnes-pratiques

 

Dernière modification le vendredi, 25 mai 2018
Roux Delphine

Deputy Head du collège EIB Monceau à Paris