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La rentrée 2016 va se faire dans des établissements scolaires sous haute surveillance, haute et peut-être dérisoire…mais il est important d’assurer la sécurité des élèves et des personnels, ou, du moins la plus grande sécurité possible. Pourtant, une fois les portes des classes soigneusement refermées, une fois connaissance faite, il va être nécessaire de revenir sur le pourquoi des contrôles renforcés et de la présence des gens en arme à l’extérieur.

Il va alors être impossible de faire comme si rien ne s’était passé cet été en dehors de la coupe d’Europe de foot et des jeux olympiques. Il va falloir rassurer, expliquer…éduquer, dans les deux temps qui rythment les actes éducatifs : le présent et le court terme, le futur et le long terme sans oublier l’éclairage du troisième temps : le passé et l’histoire.

Rassurer renvoie indéniablement au premier temps : il faut d’abord vaincre la peur avant d’en combattre les causes. Or le surcroit de barbarie des attentats de cet été impose le combat de tous et donc le dépassement de la peur et de l’horreur y compris chez les plus jeunes. Il va falloir libérer leur parole pour la rendre à la vie. Expliquer renvoie à l’entre deux temps avec la difficulté de mettre des mots sur l’inexplicable mais ce ne sont que les mots qui peuvent le rendre supportable, vivable…les mots et sans doute aussi les images.

Tant mieux si la présence policière accrue et les mesures sécuritaires multipliées amorcent la reprise d’une confiance collective en l’autre et en l’avenir. Nous savons tous que cela ne suffit pas et que la véritable confiance passe par le dire et le dialogue, l’écriture et le texte. C’est ainsi que se fonde le vivre ensemble, c’est ainsi que prend corps et sens ce qui fait notre culture commune et ce qui nous conduit à accepter nos différences. On est  là, résolument dans le deuxième temps : celui, de l’éducation. IL n’est pas concevable de rentrer dans ce temps en faisant l’impasse sur le premier. Mais c’est pourtant ce dernier qui est propre à l’école : c’est un temps long, c’est un temps de respiration, c’est un temps de réflexion, c’est un temps de construction. Il doit donc être loin et le plus loin possible, nous en sommes  sûrs maintenant, de l’emballement médiatique, des formules à l’emporte pièce, des solutions toutes faites et que, pourtant, l’émotion a tendance à valider.

C’est lui qui va donner les outils aux acteurs des débats démocratiques de demain, c’est lui qui va permettre toutes les interrogations sur nos projets de société, c’est lui qui va donner à nos enfants les réponses qu’ils cherchent et la liberté de penser qui leur est due. C’est lui et lui seul qui évitera à terme que certains d’entre eux se radicalisent et partent faire le djihad, que d’autres fassent les plus dangereux amalgames, que trop créent, de manière grotesque, un problème de société avec une tenue de bain, que tel ou tel succombe individuellement ou collectivement à sa propre tendance à rejeter et à exclure que tous se laissent aller à la peur et ses mauvais reflexes.

C’est lui enfin qui peut convoquer le troisième temps : le passé. Cela peut s’avérer utile pour évoquer différemment les mots de l’actualité : attentat, guerre, état d’urgence, fanatisme…L’idée n’est pas de leur conférer la banalité que pourrait leur attribuer l’Histoire mais de les dégager au moins des passions du moment.

En cette rentrée, l’école, physiquement barricadée pour être préservée, autant que faire se peut, des fureurs de ce monde apparaît paradoxalement mieux que jamais comme le lieu qui ouvre de l’intérieur sur le savoir et sur la liberté.

Dernière modification le mardi, 23 août 2016
Puyou Jacques

Professeur agrégé de mathématiques - Secrétaire national de l’An@é