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« Le tout est plus que la somme des parties » affirmait Aristote. Les mathématiciens se sont depuis, saisis de la question pour y donner un sens « démontrable ».

Les sociologues ont posé la question sous une autre forme : « Une société peut-elle être plus intelligente que les individus qui la composent ? »

Des éléments de réponses sont apportées par l'éthologie des insectes sociaux comme les termites ou les fourmis.
Les mécanismes permettant aux insectes de coordonner et de réguler leurs activites au moyen d'interactions indirectes ont été étudiés par le zoologiste français Pierre Paul GRASSE qui, dans les années 80, publie Termitologia chez Masson, une compilation de toutes les connaissance disponibles sur les termites . Il introduit le concept de stigmergie qui se manifeste dans la termitière par le fait que "le travail individuel de chaque travailleur de la construction stimule et oriente le travail de son voisin".
L'insecte ne dirige pas son travail mais il est guidé par lui.

Les neurosciences et les sciences informatiques s'intéressent bien évidemment aux travaux menées par les éthologistes sur les sociétés de fourmis ; c'est en particulier un des objets de recherche du Centre de Recherches sur la Cognition Animale de l'Université Paul Sabatier à Toulouse dirigé par Guy THERAULAZ avec pour domaine de travaux : Intelligence dans les systèmes naturels et artificiels, auto-organisation dans les systèmes biologiques, des comportements collectifs et Intelligence Collective chez l'animal et des sociétés humaines, informatique et biologie des systèmes.

Les 200 000 fourmis d'un nid rapportent quotidiennement 30 000 proies qu'elles vont chercher à une distance moyenne de 45 mètres. Or elles sont pratiquement aveugles, ne sont pas organisées hiérarchiquement et ne disposent pas d'un mode de communication globale.

Alors comment font-elles ?
Pour coordonner la récolte de nourriture, les fourmis utilisent un signal chimique, les phéromones qu'elles déposent sur leur trajet, formant ainsi une piste qui stimule les autres ouvrières à la sortie du nid et les guide jusqu'à la source. Celles-ci, en marquant la piste, amplifient l'information. Mais si l'une d'entre elles utilise un chemin plus court, ramenant plus rapidement la nourriture au nid, la colonie privilégiera progressivement ce chemin.

Ces phénomènes d'intelligence collective propres aux insectes sociaux, sont de plus en plus étudiés en informatique et permettent par exemple en s'inspirant de la coopération des fourmis, d'écrire des algorithmes servant de base pour mettre au point des applications, qui concernent les réseaux de communication, comme le routage d'informations dans un réseau. En robotique, des systèmes de contrôle centralisés gagnent à être remplacés par d'autres, plus autonomes et plus flexibles, fondés sur les interactions d'éléments simples de commande pour des robots plus efficaces.

Dans le champ de l'intelligence artificielle, l'intelligence en essaim « consiste à étudier et à construire des sociétés d'individus artificiels simples qui sont capables collectivement de fournir une réponse complexe. Dans un tel système multi-agents, chaque agent n'a qu'une vue limitée du système, mais il décide de manière autonome de ses actions. De ce fait, le système est caractérisé par un fonctionnement décentralisé : aucun agent ne décide ni ne coordonne les actions des autres. »

L'analogie entre communication stigmergique des insectes sociaux et notre comportement sur le Web est soulignée par Pierre LEVY dans cet entretien réalisé à l'Université LYON 3 lors des journées du ELearning .
« On contribue a transformer la structure de connexion de la mémoire collective » dit-il, pour chaque « like », chaque achat sur le e-commerce..
Ce sont bien les algorithmes et les données générées par chacunes de nos actions qui configurent cette mémoire collective.

Dans l'un de ses plus célèbres ouvrages, L'intelligence collective, pour une anthropologie du cyberspace, Pierre LEVY définit ainsi ce concept : "C'est une intelligence partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences"

Mais pour que se développe une intelligence collective, il est nécessaire, affirme –t-il dans sa conférence d'ouverture aux JEL, qu'au préalable se  développent une intelligence personnelle et surtout une intelligence critique des sources. Il s'en explique dans cet entretien.

 

 

Claude TRAN

Dernière modification le mercredi, 09 septembre 2015
Tran Claude

Agenais de naissance Claude TRAN a été professeur de Sciences Physiques en Lycée, chargé de cours en Ecole d’Ingénieur, Inspecteur pédagogique au Maroc, chef d’établissement en Algérie comme proviseur du lycée français d’Oran ; en Aquitaine il dirigera les lycées Maine de Biran de Bergerac, Charles Despiau de Mont de Marsan et Victor Louis de Talence. Il a été tour à tour auteur de manuels scolaires, cofondateur de l’Université Sénonaise pour Tous, président de Greta, membre du conseil d’administration de l’AROEVEN, responsable syndical au SNPDEN, formateur IUFM et MAFPEN, expert lycée numérique au Conseil Régional d’Aquitaine, puis administrateurà l'An@é, actuellement administrateur Inversons la classe, journaliste à ToutEduc, chroniqueur à Ludomag.