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Réfléchir à l'École, c'est penser le monde demain. L'art de la politique c'est partager un rêve. Afin de mieux préparer l'avenir pour vivre mieux le présent, le débat  "Comment le politique peut-il être en adéquation avec les problématiques numériques de l’éducation ?", nous invite à partager réflexions, pratiques et propositions au Salon de l'Education, en ligne et sur les réseaux.

Comment le politique peut-il être en adéquation avec les problématiques numériques de l’éducation ?

La politique est un pari sur l’avenir, une manière de voir le monde. Dans les années 1880, penser l'École pour Jules Ferry me semble être plutôt penser l’Humanité de demain. Il s’agit de normes, de valeurs à transmettre mais aussi quelque chose de nous. C’est un art difficile la prospective car il ne s’agit pas d’être Nostradamus mais plutôt celui qui entend les signaux faibles. Il nous faut faire preuve d’une humilité ambitieuse car l’autre est indispensable.

Penser l'avenir et à la fois construire notre présent m'amènent à la question : “comment le politique peut-il rêver la société de demain ?”.

Utopie, dystopie, quelles visions de l’avenir ?

L’interrogation est stratégique en ces temps où parfois j’ai le sentiment que l’utopie et la dystopie scolaire l’emportent sur la raison. Les changements radicaux, juste sous nos yeux, insécurisent une France en crise de confiance. La prospective n'est pas toujours là pour nous rassurer. Dans cet article de France info, Jérôme Colombain annonce que près de 50% des emplois aux Etats-Unis et 42 % France sont menacés par la robotisation. Heureusement le phénomène des listes “à la Prévert” nous fait parfois sourire. Le Dayligeekshow annonce que 60 % des meilleurs métiers des 10 années à venir n’ont pas encore été inventés (je vous le conseille pour passer un bon moment).

Chacun va de sa version de l’avenir comme cette entreprise qui nous donne sa version de  2050. Pourquoi se l'interdire pour l'École ?

Imaginons l'humanité de demain

Alors, une fois que nous avons dit tout cela, quid ? On s’enferme dans une chambre à regarder MacFly dans un nouvel opus de Retour vers le Futur ? C'est aussi à la communauté éducative de partager son idéal scolaire et de participer, avec le politique, à tracer le chemin. Pascal Picq dans un entretien accordé à la Tribune invite même à réinventer l’Humanisme. Au-delà de l’article, les choix qui seront faits aujourd’hui auront des implications pour demain, que nous ne sommes pas toujours à même de mesurer. Demain demandera l'implication de tous puisque c’est un acte citoyen. Réenchantons le monde ensemble en nous mettant en capacité de faire avec l’autre.

L'engagement n'est pas une affaire de dogmatisme, c'est la volonté de participer, avec les autres, au changement. C'est une culture du compromis, de l'écoute et de la créativité.

Culture pub ?

Si nous avons inventé le numérique, celui-ci nous réinvente un peu plus tous les jours. Je suis un enfant de l’émission “Culture Pub”, ce mode de narration a participé à la construction de mon imaginaire. Je suis frappé par cette “réclame” qui met en scène une petite fille malade qui peut vivre en immersion le concert de son idole. Tout le monde se rêve dans ce héros du quotidien qui va filmer pour le plaisir de sa fille. Au-delà de l'anecdote, imaginons la force de cet outil numérique couplé à un robot au service de l’inclusion scolaire. Le digital est un atout pour une démarche efficiente. La technologie donne de l’ubiquité aux élèves et à la classe. Elle permet une inclusion progressive, sur site ou en dehors. Les champs des possibles facilitent les rapports humains et la mise en connexion à la vie de la classe.

"Le numérique n’est qu’un instrument au service des apprentissages. En effet, il s’agit bien  de construire, de discuter, de critiquer… bref d'interagir avec les autres. Être un acteur légitime de la société des élèves, même à distance : n’est-ce pas déjà réenchanter demain ?"

Biomimétisme ?

Je suis tombé au hasard de ma timeline sur un article de @XavierCoadic/lexigence-du-pair-sur-les-chemins-des-communs-part-2- Médium écrit par Xavier Coadic. Il rêve le monde par le biomimétisme, la coopération au travers d’un pèlerinage numérique. La génération qui vient se vit autrement. Elle est dans le “co”, coworking, collaboration… La notoriété n’est pas forcément leur moteur. Ce passage illustre la démarche : “Le plus marrant dans cette histoire réside dans le fait que la plupart des personnes présentes n’a pas retenu nos noms “d’intervenants”. Je trouve cela intéressant et d’un certain côté assez sain”.

Le blogueur est un peu à cette image et nous ouvre une fenêtre sur les axes à donner pour ces prochaines décennies. La mobilité et la rencontre de l'autre nourrissent sa réflexion. Les attentes ont évolué et cela doit y participer. Ce billet est inspirant pour imaginer la société qui vient.

L'éducation est un bien commun et donc est affaire de représentation et d'émotion. Tout comme Xavier, le politique devra prendre son bâton de pèlerin pour convaincre.

S'appuyer sur des valeurs

Avant de penser le numérique éducatif, il nous faut des objectifs partagés. Les débats, depuis septembre, montrent à quel point aujourd’hui nous sommes très conscients du pouvoir de la technologie, de ce qu’elle nous apporte mais aussi des risques qu’elle représente. L’émission softporwer permet de comprendre cette nouvelle génération dite des Millénians. C’est une génération du “co”, de la quête de sens. La génération Z, qui grandit sous nos yeux, sont des makers qui s’ignorent. Ils produisent et souvent beaucoup sur youtube, partagent sur les réseaux-sociaux, inventent un nouveau langage : le parlimage.

Les jeunes ont développé des capacités à nous de les transformer en compétences !

Bientôt, ils produiront le fruit de leur imagination sur une imprimante 3D. A l’image des jeunes mods anglais de la seconde moitié du XXème siècle,  ils révolutionnent les codes culturels. Pour construire l'Éducation de demain, il faudra métisser nos valeurs avec celles des générations qui arrivent. Nous ne construisons pas pour nous mais pour les autres. Catherine Légaré, dans médium, nous dresse une typologie des missions de  l'École. Elle doit permettre de socialiser, d’éduquer à être un bon citoyen, d’acquérir… découvrir le monde. Elle constitue un endroit d’épanouissement où l’on vit avec la et sa différence... Le numérique peut nous aider mais à quelques conditions.

Créer la confiance...

Le passage au digital doit être acceptable pour l’enseignant. Il doit être au centre de toutes les préoccupations. Comment faciliter son expérience afin qu’ils adoptent le numérique comme une des nombreuses options pédagogiques ? Aujourd'hui pour nombre de professeurs, la relation à l'outil se détériore car elle est souvent synonyme de panne, de temps perdu et finalement de perte de contrôle de la classe. Son intégration aux scénarii pédagogiques nécessitent une forme de lâcher prise et donc de confiance. La bienveillance consiste parfois à dire que le numérique n'est pas une réponse à tout mais une couleur de plus à la palette pédagogique.

Dans un contexte numérique fiable

L’un des axes forts est de penser que rien n’est de l’ordre de l’évidence quand rien ne semble marcher. Avant de poser la vitrine, il faut s'intéresser à l’infrastructure. La fiabilité est la question centrale. Le système nerveux est le coeur de la réussite : pensons à construire des réseaux qui permettent des connexions rapides. Le défi pour faire entrer l'école dans le numérique est de connecter l'ensemble du matériel d'un établissement à la même heure. Il faut, aussi, accepter le temps de la construction des réseaux dans un contexte économique difficile pour les collectivités. Écrire le monde de demain, l’inscrire dans le temps, c’est créer les conditions du désir. Se réinventer n’est jamais facile, le changement est acceptable souvent quand il est facile et seulement s’il nous apporte une valeur ajoutée.

Pour une éducation durable

Une éducation durable investit aujourd'hui tout en pensant à après-demain. Les contextes économiques et écologiques difficiles, nous obligent à une éthique de responsabilité. Á l’obsolescence programmée pourquoi ne pas inventer une longévité assumée. C'est renoncer au dernier cri pour exploiter l'ensemble des possibilités d'un outil. Le low tech est une occasion de montrer une autre manière de penser le monde à nos jeunes. Organiser des repairs cafés est un acte Économique mais aussi citoyen. Un équipement numérique peut avoir plusieurs vies en passant d’un OS à l’autre…. Injectons-nous un peu d’esprit jugaad afin d’apprendre à s’adapter au monde dans des conditions difficiles..

Penser en grain plutôt qu’en grappe

Finalement ne faut-il pas être résilient ? Avec la révolution culturelle qui vient, il faut apprendre à nos jeunes la capacité à garder un équilibre de fonctionnement en dépit des contraintes extérieures. A l'École comme dans la vie, la fiabilité n’est pas absolue. Il faut donc être un bidouilleur, un garagiste amateur agile et mobile. Le changement, l’imprévu peuvent être vécus comme un frein mais aussi comme une occasion de mettre en oeuvre sa créativité. En pédagogie, comme dans la vie, ne cessons pas d’être omnivore. Il n’y a pas une bonne manière d’enseigner, d’apprendre ou même de vivre sa citoyenneté. Il faut donc diversifier ses approches de l'École comme de l’avenir.

L’école comme Communs

Les établissements sont un des éléments qui constitue l’environnement personnel d’apprentissage. Ils appartiennent à un environnement de la société et doivent se considérer comme tel. Faire de l'École un commun, c’est lui rendre son rôle d’interface entre les élèves, les familles, la commune et le monde.

Nous pourrions nous constituer un tiers-lieu et faire communauté.

L’apprentissage des jeunes, comme l’élaboration d’un projet éducatif est une construction collective. L'École est un temps et un espace interface qui favorise l’échange et l’interaction. C’est la communauté éducative qui fera l'Éducation de demain. Peut-être qu’un jour une rencontre parent professeur sera l’occasion de co-construire les parcours d’apprentissage, de mettre en place des compromis afin de définir une vision partagée et différenciée pour chaque élève. Faire de l'École un tiers-lieu permettra de sortir de la sanctuarisation pour laisser chaque citoyen en faire son espace. Dans un //medium.com/@pareto35/les-tiers-lieux-et-le-territoire->blog, Raphaël Suire évoque deux types de flux.

  • Le premier, social, est l’aménagement des espaces.
  • Le second, cognitif, représente les activités qu’on y trouve.

Pourquoi faire de l’école un espace modulaire de formation à disposition des familles sur des sujets délicats comme l’éducation aux médias et à l’information. Cette montée en compétence est l’occasion d’échanges informels, de favoriser la confiance et finalement de donner une autre image de l'École.

Transmettre un message

L'École est là pour transmettre un message aux générations futures. Je rêve pour ma part d’une Smart Ecole à l’image des Smarts cities dont la démarche dépasse largement le cadre du numérique. La société, les jeunes, changent, il nous faut aussi évoluer.

Nicolas Le Luherne

Sources :

Les robots, le chômage et  les emplois de 2030, Jérôme Colombain, France Info, 10 mai 2015.

20 métiers étonnants qui pourraient exister dans le futur, Daily Geeks Show,

Il est temps l’heure de réinventer un nouvel humanisme, Pascal Picq, par Denis Lafay, La Tribune, 13 octobre 2016.

//medium.com/@XavierCoadic/lexigence-du-pair-sur-les-chemins-des-communs-part-2-c101d8e99663#.g7mz6s8di">L'exigence du pair sur le chemin des communs, Xavier Coadic, Médium, 29 octobre 2016.

Les millenials une génération ?, Soft Power, Frédéric Martel, France Culture, 30 octobre 2016.

L’école du 21 siècle : ça commence maintenant, Catherine Légaré, Médium,, 3 novembre 2016.

Jugaad : une méthode surprenante pour booster l’innovation, Navi Radjou, Huffington Post, 23 avril 2014.

//medium.com/@pareto35/les-tiers-lieux-et-le-territoire-b2ec5c093c81#.n2jjwc85o">Les tiers lieux et le territoire, Raphaël Suire, Médium, 31 octobre 2016.

Dernière modification le lundi, 10 juillet 2017
Le Luherne Nicolas

Nicolas Le Luherne est directeur des Ateliers Canopé de Beauce, blogueur, chroniqueur pour le Thot Cursus, Ludomag et Educavox. Il est administrateur de l’Association Nationale des Acteurs de l'École. Professeur au lycée professionnel Philibert de l’Orme à Lucé jusqu’en août 2016, il a intégré différents outils numériques tels que les tablettes, les jeux sérieux, la réalité augmentée, la cartographie numérique en diversifiant les approches pédagogiques. Il s'intéresse l’impact de la culture numérique sur nos sociétés, notre citoyenneté et nos démocraties notamment à l’esprit critique et au complotisme.