Du lien social, il faut aujourd’hui en recréer pour poursuivre notre tâche, car, il faut le rappeler, l’Homme est avant tout un animal social (Aristote).
Ce lien social distendu, parfois mis à mal, parfois même disparu dans le confinement dont nous sommes devenus des « intermittents » depuis le début de la pandémie, ce lien social est notre moteur pour faire vivre les valeurs qui sont les nôtres dans l’action que nous menons grâce à tous ceux qui nous apportent leurs témoignages et leurs idées.
Il nous faut pour cela échapper à la galaxie des influenceurs, annonciateurs de complots planétaires et porteurs de « fausses nouvelles, d’infox » dont certains se délectent pour découvrir une vérité cachée, en pensant qu’ « on ne nous dit pas tout » et qu’on sera plus malin que la moyenne des spécialistes-experts pour déjouer les manipulations dont nous serions victimes de la part du pouvoir, non pas le vrai, l’officiel, mais de celui, obscur, qui dirigerait le monde.
Nous avons besoin de comprendre, et pour cela Educavox donne la parole, notamment à François Dubet qui explique pourquoi on finit par croire à peu près n’importe quoi, en montrant ce que la pandémie et le confinement ont fait à l’esprit critique. «Le doute et l’esprit critique se transforment en défiance et (…) cette défiance complotiste atteint tous les citoyens, y compris ceux qui ont été longuement scolarisés, ce qui exclut l’idée qu’ils seraient le seul produit de l’ignorance.» Désormais, « plutôt que de se confronter à d’autres idées qu’aux siennes, chacun cherche à renforcer ses croyances en ne parlant qu’à ceux qui partagent ses opinions, en ne parlant qu’avec lui-même.» François Dubet conclut ainsi : «Dans ce combat pour le doute raisonnable et l’esprit critique, l’école est en première ligne, même quand nous savons que les diplômes ne sont pas forcément un vaccin efficace contre la déraison. »
Il y a urgence à sortir de sa bulle et à se retrouver pour discuter, expliquer, s’expliquer : c’est ce que fait Educavox en offrant un lieu d’échange, d’information et de réflexion. Nous l’écrivions alors, au mois d’octobre, après un débat interne au cours du séminaire annuel de l’An@é, la pandémie nous a beaucoup appris à propos de notre système éducatif. Au cours des États Généraux du Numérique pour l’Éducation, nous avons alors présenté nos analyses et propositions dont un grand nombre ont en effet été actées par les conclusions de cette consultation nationale.
Si « le numérique a complexifié la donne et n’apportera pas toutes les solutions », comme l’écrivait Michelle Laurissergues, nous devons pourtant résolument poursuivre notre réflexion sur ce que signifie aujourd’hui une éducation active et libératrice. Le doute fécond qui nous habite s’appuie sur des valeurs fortes mises en exergue lors de la conférence interactive menée par la Région Nouvelle Aquitaine sur la laïcité, laïcité qui constitue l’un des fondements de notre République, héritage des Lumières pour la liberté de pensée, liberté d’expression, liberté de la presse, exercice de la raison comme principe de vie et tout particulièrement à l’École.
En 2020, de nombreux témoins sont venus apporter leur pierre à l’édifice en proposant des analyses éclairantes sur les réalités de l’École aujourd’hui :
« Quelle place donner au numérique dans le monde d’après » s’interrogeait Louis Derrac en mettant en exergue l’aspect pervasif du numérique qui traverse, irrigue et bouleverse toute les lignes. Sylvie Storti témoignait de la vie des enseignants « confinés et surinvestis » et de leurs élèves au sortir du confinement, Jennifer Elbaz témoignait et s’interrogeait sur le vécu des familles confrontées à l’impossible mission d’être parent en 2020, Anthony Riou dévoilait les multiples approches pédagogiques du projet EUMAX - EUropean MAthematics challenge porté par la plateforme eTwinning selon « une approche pluridisciplinaire, au croisement des mathématiques, des langues vivantes, de la culture numérique et de l’enseignement moral et civique, et s’appuie sur des situations réelles de communication. » Ne pouvant citer tous les auteurs nous mentionnerons encore Bruno Magliulo qui apporte régulièrement un décodage expert des changements structurels qui affectent le système scolaire et universitaire. Que toutes et tous en soient remerciés.
La moisson est riche de centaines d’articles offerts cette année, comme les précédentes, par les auteurs qui ouvrent pour nous des perspectives éclairantes sur les réalités du monde de l’École et de l’éducation. Qu’il s’agisse d’évolutions liées au numérique, à la pédagogie ou qu’il soit tout simplement question de comprendre les situations actuelles et les enjeux futurs de l’École, nous trouvons dans Educavox matière à exercer notre libre pensée et à agir en toute connaissance de cause.
Dans un monde désormais voué au confinement intermittent, placé en état de réanimation numérique et en l’absence de grands événements à vous proposer, tels qu’en leur temps le Carnaval numérique ou les Forums Educavox, nous voulons poursuivre en 2021 la tâche que nous nous sommes assignée : celle de témoigner et de donner la parole à tous ceux qui font et inventent aujourd’hui l’École de demain.
Au nom de l’An@é et en attendant de vous retrouver, je souhaite à toutes et à tous une année 2021 placée sous le signe de la créativité, de l’échange et du renouveau dans une amitié de valeurs partagées.
Michel Pérez
Président de l'An@é
Dernière modification le dimanche, 03 janvier 2021