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Certes, l’attrait irrésistible que nous éprouvons pour ces liens numériques semble nouveau. Mais il ne fait que refléter l’expérience du nouveau-né dans le carré parental et la durable nostalgie organique et psychique que nous éprouvons inconsciemment depuis la séparation de la naissance, lorsque le cordon ombilical a été coupé.
Chacun ressent le désir d’être rebranché, au point où cette connexion évoque le cordon ombilical du fœtus par rapport au placenta. Nous l’appellerons « ombilical numérique ». Le web devient alors un ersatz du corps maternel. La croissance personnelle, la satisfaction physique et psychique passent par lui.
 
La métaphore organique de la nature vaut aussi pour la communauté humaine, à laquelle on ressent ce besoin sécuritaire d’appartenance, et dont on ne supporte pas d’être exclu.
 
Le succès des réseaux sociaux amplifie l’importance de cet imaginaire. Les hyperliens qu’on évoque métaphoriquement à propos de la navigation sur le web sont des liens électroniques de point en point sur les réseaux, certes, mais ce sont aussi des liens affectifs, car ils participent eux-aussi de ce besoin psychique, de cette soif inextinguible de solidarité organique et non pas seulement mécanique, selon la différence proposée par Durkheim, que nous ressentons comme atome social isolé dans la masse. 
Le mythe élémentaire de l’unité perdue est déterminant dans l’image du monde que crée chaque enfant. Il perdure et suscite encore chez l’adulte de fortes représentations compensatrices qui détermineront ses comportements et ses désirs fondamentaux. 
 
Publié par Hervé Fischer
Dernière modification le lundi, 05 janvier 2015
Fischer Hervé

Artiste-philosophe, né à Paris, France, en 1941. Double nationalité, canadienne et française. Hervé Fischer est ancien élève de l'École Normale Supérieure (rue d'Ulm, Paris, 1964). Il a consacré sa maîtrise à la philosophie politique de Spinoza (sous la direction de Raymond Aron), et sa thèse de doctorat à la sociologie de la couleur (Université du Québec à Montréal). Pendant de nombreuses années il a enseigné la sociologie de la culture et de la communication à la Sorbonne-Paris V (Maître de conférences en 1981). A Paris il a aussi été professeur à l'École nationale Supérieure des Arts décoratifs (1969-1980). On lui doit de nombreux articles spécialisés, participations à des ouvrages collectifs et conférences dans le domaine des arts, de la science et de la technologie, en rapport avec la société. Parallèlement il a mené une carrière d'artiste multimédia. Fondateur de l'art sociologique (1971), il a été l'initiateur de projets de participation populaire avec la radio, la presse et la télévision dans de nombreux pays d'Europe et d'Amérique latine, avant de venir s'installer au Québec au début des années 80.
http://hervefischer.com