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Né en 1923 à Turin, Primo Levi est un jeune chimiste ayant rejoint les rangs des partisans italiens luttant contre Mussolini et Hitler. Arrêté à la fin 1943, il est déporté en tant que Juif à Auschwitz. Survivant au calvaire, cet écrivain de talent renoue avec la vie en écrivant dès 1946 un livre universellement connu, « Si c’est un Homme ». Celui-ci rend hommage aux morts et transmet la mémoire aux vivants à un double titre : pour ne pas oublier tout ce qu’il y avait d’humain chez les personnes que les nazis voulaient priver d’humanité ; pour affirmer que, dans leur inhumanité, les bourreaux étaient pourtant des hommes. 

Pour nous alerter afin que nous ne laissions jamais un tel monstre potentiel éclore en nous. L’actualité vient malheureusement rappeler la pertinence du message. La sénatrice à vie italienne, Liliana SEGRE, ancienne déportée à Auschwitz elle aussi, est menacée de mort à l’âge de 89 ans dans son pays.

Elle aurait eu le tort de déclarer à propos du drame des migrants en Méditerranée : « La politique qui investit dans la haine est toujours une médaille à double face. Elle ne nuit pas seulement à ceux qui sont choisis comme cibles, mais elle incendie aussi les âmes de ceux qui vivent dans la rage, le désespoir et le mal être. J’ai vécu dans ma peau combien il est facile de passer des paroles de haine aux actes. On m’a toujours appris que celui qui sauve une vie sauve le monde entier. C’est pour cela qu’un monde où l’on punit celui qui sauve des vies au lieu de le remercier me semble être un monde sens dessus dessous ».

Pour clôturer ce cycle de « Paroles de Déporté.e.s mises en jeunes voix », « Si c’est un homme », poème éponyme de l’œuvre magistrale de Primo Levi, lu par Laura PEROLARI, élève au Lycée Polyvalent Georges Leygues / Louis Couffignal de Villeneuve sur Lot.

Si c'est un homme

Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons,
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis,
Considérez si c'est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connaît pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui meurt pour un oui pour un non.
Considérez si c'est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu'à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N'oubliez pas que cela fut,
Non, ne l'oubliez pas :
Gravez ces mots dans votre cœur.
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant;
Répétez-les à vos enfants.
Ou que votre maison s'écroule,
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous.

Primo Levi

Dernière modification le jeudi, 04 juin 2020
Figeac Patrick

Proviseur honoraire, bénévole à https://radiobastides.fr/ en Lot-et-Garonne, président d’une association intermédiaire par l’activité économique, auteur. Pour retrouver les chroniques et autres actualités : https://radiobastides.fr/