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Il est fréquent de lire ou entendre des jugements critiques concernant la plate-forme télématique Parcoursup, portail quasi obligé par lequel doivent chaque année passer plus de 900000 personnes (parmi lesquelles 640000 jeunes scolarisés en classe terminale des lycées) demandeuses d’une admission en première année de l’une des près de 20000 formations supérieures qui utilisent ce dispositif  pour réguler les admissions en leur sein.

Sans nier que cette plateforme puisse encore être améliorée, nous considérons qu’elle doit être maintenue, ne serait-ce que parce qu’elle parvient, chaque année, à gérer et réguler les candidatures de plus de 930000 candidats (931000 en 2021), soit un total de plus de douze millions de dossiers puisque les candidats de 2021 ont en moyenne exprimé près de treize candidatures par tête. Il est donc aujourd’hui impossible de se passer d’un système informatisé de régulation des flux d’entrée dans l’enseignement supérieur techniquement aussi efficace.

En outre Parcoursup est bien plus qu’un simple outil technique de gestion des candidatures en vue d’entrer dans l’enseignement supérieur. Ce portail télématique procure aux divers « usagers », et tout particulièrement aux familles, un véritable outil d’aide à la prise des meilleures  décisions possibles. Chacune des près de 20000 formations supérieures qui utilisent cette plateforme  pour gérer les candidatures qui les concernent doit obligatoirement  présenter une liste de connaissances et compétences pré-requises. Le but est de mieux éclairer les familles (élèves, parents d’élèves) sur les conditions de la réussite, mais aussi d’aider les enseignants et chefs d’établissements à rédiger leurs appréciations qualitatives et avis en meilleure connaissance de ce que les élèves devraient avoir acquis au regard de chaque formation supérieure pour laquelle ils sont susceptibles de se porter candidat.

1- Que sont les "attendus" ?

Concrètement, il s‘agit d’un ensemble de « pré-requis », prenant la forme d’une liste de connaissances et compétences diverses que les prétendants à l’admission devraient avoir acquises pour avoir des chances raisonnables de réussir. Cette obligation fait suite à la promulgation de la loi N° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (loi « ORE ») qui, dans son article 1er,  stipule que tout candidat à l’admission en première année de l’enseignement supérieur français « doit bénéficier d’un dispositif d’information et d’orientation qui, dans le prolongement de celui proposé au cours de la scolarité du second degré, doit être mis en place par les établissements d’enseignement supérieur », et ajoute que « les caractéristiques de chaque formation (supérieure) sont portées à la connaissance des candidats ».

Fixés dans un cadre national lorsque la formation considérée est déclinée sur plusieurs sites (par exemple, l’ensemble des 122 établissements universitaires dans lesquels il est possible de se porter candidat en vue d’entrer en première année de licence d’histoire affichent une même et unique liste nationale d’ « attendus »), ils peuvent aussi être déclinés sous forme d’ « attendus locaux » lorsqu’une formation présente un caractère spécifique le justifiant.

A titre d’exemple, nous vous présentons les « attendus » concernant le « bachelor universitaire de technologiqe » (BUT) Spécialité « génie biologique », tels que présentés sur Parcoursup en 2022.

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Les « attendus » du BUT génie biologique (en 2022)

Compétences générales :

Avoir une maîtrise du français permettant de communiquer à l’écrit et à l’oral de façon adaptée, de comprendre un énoncé, de l’analyser et de rédiger une solution.

Avoir une connaissance suffisante de l’anglais permettant de progresser pendant la formation : échanger à l’oral, lire et comprendre un texte, répondre aux questions écrites et orales.

Etre capable de mémoriser des connaissances.

Savoir mobiliser ses connaissances et développer un sens critique.

Etre capable d’évoluer dans un environnement numérique et détenir des connaissances de base en bureautique.

Compétences techniques et scientifiques :

Avoir des bases scientifiques en biologie, chimie, physique et mathématiques.

Avoir un intérêt pour les manipulations pratiques, en particulier en biologie et biologie/biochimie

Savoir mobiliser ses connaissances pour répondre à une résolution de problème.

Savoir élaborer un raisonnement structuré et adapté à une situation scientifique.

Qualités humaines :

Avoir une première réflexion sur son projet professionnel.

Montrer son intérêt pour les sciences et sa motivation pour les domaines relevant notamment de la biologie, chimie, mathématiques et physique.

Avoir l’esprit d’équipe et savoir s’intégrer dans les travaux de groupe via les projets et les travaux pratiques.

Avoir le sens pratiquez, être attentif, curieux, rigoureux et persévérant.

Savoir s’impliquer et s’organiser dans ses études (ou gérer sa charge de travail) pour fournir le travail nécessaire à sa réussite en autonomie ».

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Pour être bien comprise, une telle liste d’ « attendus » doit être considérée comme définissant une sorte de « portrait-robot » du candidat ayant des chances de voir sa demande d’admission retenue et qui devrait ensuite réussir dans cette formation. A l’évidence, concernant les « attendus » de cette formation, l’énoncé des diverses disciplines dont on examinera de près les notes et appréciations, fait état d’un profil scolaire fortement scientifique. Il y aura donc avantage dans ce cas à s’être doté, durant les années lycée,  d’un baccalauréat général avec en classe terminale, deux spécialités à choisir parmi les  SVT, la physique-chimie, les mathématiques.  Autre profil « attendu » : celui des bacheliers technologique STL (sciences et technologies des laboratoires) avec spécialité biochimie-biologie-biotechnologie. En outre, le bilan scolaire d’un(e) candidat(e) à l’admission dans ce « bachelor universitaire de technologie » aurait avantage à afficher un bon niveau en anglais. A ces compétences disciplinaires, s’ajoutent des « attentes » concernant diverses aptitudes techniques telles que citées, qu’il appartient aux professeurs des diverses disciplines de mettre en lumière lorsqu’ils rédigent leurs appréciations  qualitatives. Enfin, on ponctue cette liste d’ « attendus » par diverses « qualités humaines » qui sont de l’ordre non du bilan scolaire proprement dit, mais aussi du bilan personnel, et relèvent de ce que certains nomment les « compétences comportementales ».

2- A partir de quand est-il bon de s’en préoccuper ?

Chaque année, les « attendus » sont mis en ligne dès l’ouverture de la phase d’information de Parcoursup, aux environs de la fin décembre. Rien cependant n’oblige à attendre d’être scolarisé en classe terminale pour s’en inspirer car ils sont relativement stables d’une année scolaire à une autre, si bien  qu’il est fréquemment recommandé d’en faire bon usage au moins dès le premier trimestre de l’année de classe terminale, et même avant, lorsqu’on est scolarisé en classe de première, voire de seconde, et même de troisième. Pourquoi un tel conseil ?

Les familles dont un enfant est scolarisé en amont de la classe terminale doivent, en matière d’orientation, prendre diverses décisions qui auront ultérieurement un impact sur les possibilités de choix d’études supérieures. Se fonder pour cela sur les « attendus » des formations supérieures que l’on envisage de faire à l’issue du lycée est donc à l’évidence une bonne chose.

Cette logique d’anticipation peut s’avérer fort utile à plusieurs moments des études secondaires :

  • En fin de classe de troisième : choisir entre la classe de seconde générale et technologique (G/T) et ma seconde professionnelle ? Pour la seconde professionnelle : quelle « familles de métiers », sachant qu’il en existe près de vingt, débouchant sur plus de 80 spécialités professionnelles en classe terminale ? Le choix éventuel d’une option d’enseignement facultatif.
  • En fin de classe de seconde G /T :  choisir la classe de première générale ou technologique, et dans chacune de ces deux voies choisir ses enseignements obligatoires de spécialité et éventuellement optionnels facultatifs.
  • En fin de première générale : l’obligation de choisir deux des trois enseignements de spécialités suivis en classe de première, mais aussi  la possibilité d’ajouter un enseignement optionnel complémentaire.

Pour chacune de ces décisions d’orientation, les familles gagnent à se fonder, pour autant que faire se peut, sur les « attendus » des formations supérieures.

Toutefois, une telle logique repose sur l’hypothèse que l’élève soit porteur d’un projet d’études supérieures, voire de métier. Or, à 15/18 ans, peu nombreux sont les élèves capables de se fonder sur un  tel critère de décision. Il en existe cependant, minoritaires certes, mais pour lesquels fonder de telles décisions sur les débouchés d’études supérieures et éventuellement de métier, a du sens. Pour les autres, à défaut de pouvoir se fonder sur des critères de choix à long terme (les débouchés de chaque type de baccalauréat et des divers profils qu’il est possible d’élaborer tout au long des années lycée), on peut leur conseiller de se fonder sur des critères de choix à court terme tels les avis des enseignants, l’attraction plus ou moins grande qu’ exercent ces enseignements et leurs programmes, la capacité d’y réussir…

3- Prendre garde à l’effet de peur excessive que les « attendus » peuvent exercer sur certains candidats :

Dans leur présentation nationale, les « attendus » de chaque formation présentent comme il se doit une liste de compétences et connaissances qu’il serait bon d’avoir acquises durant les années lycée. Cette liste peut impressionner, au point d’exercer un effet de peur sur certains candidats manquant de confiance en eux, et pourtant armés pour y réussir. Vous devez donc considérer chacune de ces listes d’attendus comme une sorte d’idéal dont très peu de candidat(e)s sont intégralement porteurs.  Il y a plusieurs manières de réussir : un attendu faiblement développé peut être compensé par un ou plusieurs autres. Comme nous le déclare un membre du jury qui, à l’Université de Paris-Dauphine (établissement sélectif) est en charge du classement des candidats, « pour avoir des chances de voir sa candidature retenue, et ensuite de réussir, nul n’est tenu de remplir toutes les cases. Si un candidat est dans un tel cas, c’est la candidature parfaite. Mais la quasi-totalité de celles et ceux auxquels nous ouvrons nos portes ne ressemblent qu’en partie (aussi grande que possible) à cet portrait idéal. Dès lors que le bilan scolaire et comportemental d’un(e) candidat(e) est proche de la liste des attendus, l’espoir est permis, surtout si la motivation est très forte ».

Inversement, il ne faut pas tomber sur le piège de l’illusion qui consisterait à s’installer dans une sorte de déni des réalités : si le bilan scolarité et personnel d’un(e) candidat(e) est fortement éloigné de cette liste d’ « attendus », alors il (elle) a intérêt à renoncer à une telle orientation.

En matière d’orientation, comme dans bien d’autres domaines de la vie en général, la bonne décision est le produit d‘une sorte de synthèse entre le rêve et la réalité. Les « attendus » de Parcoursup se présentent aux familles, mais aussi aux professeurs et chefs d’établissements lorsqu’ils expriment leurs appréciations qualitatives et avis sur les diverses candidatures exprimées par leurs élèves, comme une sorte de miroir dans lequel  chaque élève est invité à se regarder en se posant la question suivante : dans quelle mesure est-ce que je ressemble à ce que j’y vois ? Si la réponse est franchement oui, alors cette formation devrait bien me convenir. Si la réponse est franchement non, alors mon intérêt est d’y renoncer, même si elle m’attire. Entre ces deux extrêmes, il existe bien sur toute une série de situations intermédiaires qu’il appartient à chaque famille, avec l’aide des équipes pédagogiques du lycée fréquenté, d’examiner avant toute prise de décision.

Conclusion

En mettant ainsi à la disposition des familles ce que nous considérons comme étant une véritable boussole pour les guider vers les bonnes décisions en matière d’orientation scolaire, Parcoursup a indéniablement rendu les familles plus actrices de l’orientation de leurs enfants qu’elles ne l’étaient auparavant. Mais dans le même temps, les « attendus » les ont rendus plus responsables des décisions prises, ajoutant au caractère très fortement anxiogène qui entoure ces questions. Il y a en cela une sorte de Janus à double visage : celui de la transparence quant aux informations et réflexions  sur lesquelles chacun peut se fonder pour prendre les meilleures décisions possibles, et celui de la responsabilité qui  pèse désormais sur les familles aux moments des nécessaires passages à l’acte.

 Bruno MAGLIULO

Dernière modification le jeudi, 03 novembre 2022
Magliulo Bruno

Inspecteur d’académie honoraire -Agrégé de sciences économiques et sociales - Docteur en sociologie de l’éducation - Formateur/conférencier -

(brunomagliulo@gmail.com)

Auteur, dans la collection L’Etudiant (diffusion par les éditions de l’Opportun : www.editionsopportun.com ) :

  • SOS Parcoursup
  • Parcoursup : les 50 questions que vous devez absolument vous poser avant de choisir votre orientation post baccalauréat
  • Quelles études (supérieures) sont vraiment faites pour vous ?
  • SOS Le nouveau lycée (avec en particulier toute une partie consacrée aux liens entre les choix d’enseignements de spécialité et d’option facultative, et le règles de passage dans le supérieur)
  • Aux éditions Fabert : Les grandes écoles : une fabrique des meilleurs, mode d’emploi pour y accéder

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