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Quand j’ai commencé à faire des formations Tice, j’étais en général l’un des plus jeunes dans la salle. Et avec les collègues formateurs, quand on voyait que les Tice avaient du mal à prendre, on se disait (pour se réconforter ?)  « Ça ira mieux dans quelques années, lorsque nous travaillerons avec des collègues plus jeunes que nous, déjà familiarisés avec les ordinateurs. »

Trente ans après, lorsque j’assure une formation sur les outils numériques je suis souvent le plus vieux dans la salle. Le numérique a-t-il pris son essor entre-temps dans l'enseignement

Disons que les participants ont déjà une pratique du numérique, au moins de la consultation de sites web et de l’utilisation de la messagerie, et ce n’est plus la peine de les convaincre que « ce truc qui s’appelle Internet, vraiment, ça a de l’avenir ». Mais il reste encore beaucoup à faire, peut-être même davantage, en raison de l’impact toujours plus grand du numérique.

Au-delà de mes impressions  très subjectives, le rapport Profetic  est très éloquent sur le sujet, même s’il permet des lectures très différentes voire contradictoires :

 Profetic  permet d'aller plus loin dans l'analyse, et n'incite guère à l'optimisme : 

  • Page 4 : 5 000 enseignants interrogés, 2 741 réponses soit un peu moins de 55 % 
  • Page 61 : 8% ont une pratique intégrée au quotidien

En faisant à la louche, ça nous fait moins de 5% des enseignants interrogés qui déclarent avoir une pratique au quotidien.

Aie ! C’est pas beaucoup. Peut-on avoir une pratique du numérique efficace autrement qu’au quotidien ?

« Tiens, aujourd’hui je remplis le cahier de texte au stylo, demain je le ferai sur l’ENT, et la semaine prochaine, ça sera au stylo. » 

En 30 ans, 1 enseignant sur 20, c’est vraiment mis au numérique. Ce n'est pas un succès !

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La liste des freins est connue, longue, si longue.
Mais le principal est largement sous-estimé : les compétences numériques de beaucoup d’enseignants ne sont pas suffisantes pour exploiter les potentialités pédagogiques des outils numériques.

Et le drame, c’est que pas grand-chose n’est fait pour les améliorer. Tout se passe comme si, il suffisait d’attendre : par imprégnation, à force de surfer sur le web et de fréquenter les réseaux sociaux, chacun arrivera à maîtriser l’essentiel. L’effort institutionnel consiste principalement à mettre en place des formations en ligne et des réseaux d’échanges.

Dans la synthèse Profetic, on trouve (page 25) un titre qui se veut encourageant : « Des ressources pédagogiques exploitées régulièrement par près de 6 enseignants sur 10 », (en fait 58% des 55% qui ont répondu). Mais les pages suivantes précisent que si 56% des répondants utilisent le numérique au quotidien pour préparer des cours, ils ne sont plus que :

  • 10% pour «Monter des séquences d’activités en classe avec manipulation de matériels TIC par les élèves »
  •  8% à le faire pour « Personnaliser l’apprentissage et faire travailler les élèves en autonomie »
  •  6% à le faire pour « Personnaliser l’apprentissage et faire travailler les élèves en mode dirigé »

Bref, utiliser le numérique chez moi, oui ! Avec mes élèves, euh… peut-être, mais la salle n’est pas libre, le matériel ne marche pas, il faut se déplacer et ça perturbe la classe.

Toutes ces raisons s’appuient sur une réalité. Elles  font cependant l’impasse sur un aspect essentiel : chez moi, je ne risque rien, mais en classe je ne veux pas me mettre en danger.

Pour se décider à affronter un danger, il n’y a qu’une seule condition : avoir confiance en soi. Et cela demande du temps, de l’expérimentation, l’acceptation de certains échecs, la capacité à rebondir.

Maintenant que le numérique est dans toutes les bouches, dans tous les textes, qu’il est le levier incontournable de l’innovation, de la refondation, il est surtout devenu un enjeu de pouvoirs et de territoires. Les discussions portent sur les matériels à produire, les opérateurs à financer, les entreprises  à soutenir, les sommes à investir et leur répartition. Les décisions tombent d’en haut, accompagnées de recommandations, d’incitations facilement transformées en injonctions.

Ces injonctions infantilisent au lieu de mettre en confiance, freinent les initiatives des porteurs de projets pour peu qu'ils ne soient pas dans les clous.

La confiance en soi, ça passe par la maîtrise des outils, et donc par la formation, l’accompagnement.

Si en plus on obtient l’adhésion à un projet collectif en prise avec le terrain, avec le quotidien, alors c'est tout bon ! 

 

Thierry Marchand
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Dernière modification le mardi, 06 décembre 2016
Marchand Thierry

Enseignant de mathématiques en collège, puis formateur Tice, j’enseigne maintenant dans l’enseignement supérieur, pour développer les compétences numériques. Je participe à la conception, la mise en place et l’animation de plusieurs MOOC .