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En France, le secteur des études supérieures professionnelles courtes inclut des formations qui préparent aux BTS (brevets de techniciens supérieurs), les instituts universitaires de technologie (qui préparent aux DUT), les écoles supérieures d'art qui préparent aux diplômés des métiers d'art (DMA) ou à des titres de l'école, les licences professionnelles, les diplômes d'études universitaires scientifiques et techniques (DEUST), les bachelors, les préparations au diplôme de comptabilité et de gestion (DCG) et des centaines d'écoles professionnelles de toutes sortes...

Quelques points communs cependant : ce sont toutes des formations professionnelles, sélectives à l'entrée, proposant des parcours d'études ponctués par la délivrance d'un diplôme ou d'un titre de niveau bac + 2 ou 3 (exceptionnellement quatre pour certains bachelors).

On peut donc dire qu'une des caractéristiques de ces formations est qu'elles sont extrêmement diverses : leur durée peut être d'une, deux, trois ou quatre années; les diplômes délivrés être d'Etat, reconnus par l'Etat, ou encore de simples titres pouvant être inscrits au répertoire national des certifications professionnelles ou pas; leur reconnaissance académique et professionnelle, tant en France qu'à l'international, est fort variable; certaines de ces formations sont gratuites, d'autres plus ou moins coûteuses (en 2019, cela va des 190 euros de droits universitaires à près de 10000 euros par an pour certains bachelors); une partie d'entre elles ont choisi de viser une spécialisation et donc sont centrées sur un métier précis, d'autres se veulent nettement plus polyvalentes et préparent à des "familles de métiers"; certaines se font par l'alternance, d'autres "sous statut étudiant", les deux sont parfois proposés ; etc.


Il est donc assez difficile pour les familles en amont, comme pour les employeurs en aval, de s'y retrouver. Il en résulte une demande croissante d'harmonistion de ce secteur de formation, dans le but d'en améliorer la lisibilité, mais aussi de l'adapter aux besoins en recrutement des employeurs d'aujourd'hui.

Afin de réfléchir à ce que pourrait être une réforme de certaines de ces formations, la Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche - Madame VIDAL - a confié à Rodolphe DALLE - Président de l'Association nationale des directeurs d'IUT - et François GERMINET - Président de l'université de Cergy-Pontoise, le soin de mener une vaste concertation auprès des responsables de formations de ce type et des employeurs, avec mission de rendre un rapport courant février 2019, ce qui a été fait, le dit rapport ayant été remis le 3 février 2019. Fort étonnamment, on en a fort peu parlé et encore moins évoqué les principales propositions. Or, bien que le gouvernement soit libre d'en suivre les recommandations ou pas, ce rapport est porteur de pistes de rénovation qui pourraient bouleverser le paysage de ce secteur de formation, et ce à court terme.

1) Le première étape pourrait consister en une profonde refonte des IUT et du DUT auquel ces établissements préparent :

 

Il y a bien longtemps que les directeurs d'IUT dénoncent le problème posé par le fait que le DUT est un diplôme de niveau bac + 2, alors que l'architecture internationale des études supérieures ne reconnait plus ce niveau d'études depuis l'an 2000, lorsque s'est progressivement installé le système "L/M/D" ("L" comme licence, "M" comme master, "D" comme doctorat). Les  diplômes délivrés à bac + 2 se sont progressivement effacés au profit de diplômes de niveau bac + 3. Ce fut par exemple le cas pour l'ancien "diplôme d'études universitaire générales" (le DEUG, de niveau bac + 2) qui a disparu au profit du grade de licence, de niveau bac + 3. Force est de constater que malgré cette évolution, certains diplômes délivérs à bac + 2 ont con tinué d'exister : c'est le cas pour le DUT, mais aussi le BTS et quelques autres diplômes de ce type.


Un tel positionnement n'a longtemps guère posé de problème sur le territoire national, le statut de diplôme d'Etat du DUT, et le fait qu'il délivre automatiquement 120 crédits internationaux d'études (les fameux ECTS, "european credit transfer system"), a jusqu'ici permi aux détenteurs de ce diplôme de se positionner s'ils le souhaitent en tant que candidats à la poursuite des études, en vue d'une licence (puis éventuellement un master) ou d'une "admission parallèle" en grande école. En outre, force de constater que pour ceux que la quête d'un premier emploi motive le plus, les employeurs français apprécient les "DUTiens " et les recrutent volontiers.


Cependant, du fait de l'ouverture internationale croissante, tant du marché du travail, que de celui des études supérieures, ce positionnement à "bac + 2" est devenu problématique, le DUT n'étant pas reconnu officiellement au niveau international. Cela explique sans doute en grande partie de fait que 90% des "DUTiens" d'aujourd'hui prolongent leurs études vers le niveau licence ou plus, et donc ne se contentent pas du niveau bac + 2, et ce au grand dam de nombre d'employeurs qui apprécient le profil polyvalent de ces diplômés et ont un mal croissant à en recruter, du moins dans plusieurs secteurs d'activité professionnelle. Un problème semblable se pose pour certains "DUTiens" lorsqu'ils demandent à prolonger leurs études dans des formations de niveau bac + 3 et plus à l'étranger.


Le DUT va donc très probalement passer au niveau bac + 3, et délivrer le grade de licence. Les directeurs d'IUT appellent visiblement une telle réforme de leurs voeux et se disent prêts à le faire. Cela pourrait conduire à changer le nom de ce diplôme qui pourrait désormais être une "licence technologique" (ou toute autre appellation équivalente).


Mais le rapport dit clairement qu'il ne suffira pas pour cela de se contenter d'ajouter une troisième année aux deux années exitantes. Une telle mesure devra s'accompagner d'une remise à plat des programmes et d'une nouvelle architecture en trois ans venant renforcer la polyvalence de ces formations et leur ouverture internationale, conformément aux besoins croissants des recruteurs qui peinent à satisfaire leurs besoins en recrutement de personnels qualifiés de niveau intermédiaire, ce qu'il est convenu de nommer le "middle management" et les "cadres techniques intermédiaires".


Par ailleurs, soucieux de mieux répondre aux besoins des employeurs, le rapport propose que l'on se fixe pour objectif de faire passer de 90% à 50%, d'ici 2030, la part des "DUTiens" qui choisissent de prolonger leurs études et se détournent donc du marché de l'emploi de niveau intermédiaire. Disons le tout net : notre point de vue est qu'on n'y parviendra pas.

Autant nous comprenons la position des employeurs qui souhaitent cela, autant c'est mésestimer la puissance de la tendance à la prolongation des études qui caractérise l'ensemble des niveaux de formation, plus particulièrement en France. On peut certes le regretter, mais il faudra bien plus que de simples recommandations si on veut véritablement atteindre un tel objectif pour les "DUTiens" et bien sur pour tous les diplômés de niveau bac + 2/3.


2) Quid des actuelles licences professionnelles si on transforme les DUT en licences technologiques ?

 

Certains considèrent qu'il n'y a nul besoin de créer des licences technologiques car elles feraient doublon par rapport à ce qui existe déjà : les licences professionnelles. Rappellons qu'en effet, il existe en France un vaste réseau de licences professionnelles (plusieurs centaines), la plupart installées en universités (y compris en IUT), mais aussi parfois en lycées du fait d'un partenariat noué avec une université ou une école supérieure de statut universitaire. Il peut donc sembler discutable de vouloir créer un grade de licence technologique s'ajoutant à celui de licence professionnelle. Cependant, ces deux formations ne sont guère comparables.

La licence technologique (ou son équivalent par transformation du DUT ainsi que nous venons de le voir) sera une formation polyvalente et à vocation internationale étalée sur trois années, alors que les actuelles licences professionnelles sont officiellement des formations post deuxième année de licence générale, permettant à ce type d'étudiants de se professionnaliser rapidement (en une année complémentaire uniquement) et dans une logique de forte spécialisation.

Il est certes vrai qu'actuellement, nombre de "DUTiens" ou "BTSiens" frappent à la porte de ces licences professionnelles, mais ils viennent manifestement y chercher le label licence qui leur fait défaut, bien plus qu'une "plus value qualificative". La plupart des licences pros ne procurent pas ou peu d'amélioration du niveau de qualification des élèves issus de DUT/BTS, mais permettent par contre d'améliorer leur niveau académique. Cas particulier cependant : il existe une minorité de licences professionnelles qui ne sont pas conçues pour des étudiants issus de deuxième année de licence générale, mais pour un public strictement composé d'élèves issus de DUT/BTS, et donc qui permettent à ces derniers de bénéficier d'une année de formation professionnelle complémentaire leur permettant d'acquérir une deuxième compétence complémentaire de la première, ou de se spécialiser dans le domaine d'activité abordé dans le cadre de leur DUT ou BTS.

Dès lors, quel serait le devenir des actuelles licences professionnelles ? Le rapport pré cité ne s'étend guère sur ce sujet, mais il nous semble qu'il va falloir distinguer trois cas de figure :

  • Certaines d'entre elles pourraient survivre en tant que "formations professionnelles post L2"(deuxième année du cycle licence). Leur accès devrait logiquement être strictement réservé à des élèves issus de deuxième année de licence générale.
  • D'autres vont probablement disparaître, leurs moyens actuels pouvant alors pour tout ou partie être transférés vers les IUT pour accompagner leur politique de mise en place des futures licences technologiques.
  • Resterait en suspens la question du sort qui sera réservé aux licences professionnelles actuellement préparées en lycées. Certaines d'entre elles vont sans doute disparaître. Autorisera-t-on quelques lycées à proposer le cursus licence technologique qui se mettrait en place en se substituant à certaines filières BTS+ licence pro ? La réponse est évidemment très fortement liée à celle de l'avenir des BTS.

3. Quel avenir pour les sections de techniciens supérieurs (STS) ?

 

En France, le Brevet de technicien supérieur (BTS) est le diplôme de l'enseignement supérieur professionnel court le plus délivré : en 2018/2019, les STS accueillent 256000 étudiants, soit 10% de l'ensemble de la population étudiante et plus de deux fois plus que les IUT (117000 étudiants). Il serait donc inconcevable qu'alors que se prépare une profonde rénovation des IUT et du DUT qui s'y prépare, on ne s'attache pas à repenser les STS et le BTS. Or, force est de constater qu'autant le rapport Dalle/Germinet pré cité se répand en propositions concernant l'avenir des IUT et des licences professionnelles, autant il se montre peu dissert concernant le devenir des STS/BTS.

Il faut sans doute y voir la conséquence du fait que la commande a été exprimée par la Ministre de l'enseignement supérieur et adressée à deux universitaires, alors que le secteur des BTS est installé dans les lycées, sous la responsabilité du Ministre de l'Education nationale.


Il serait à nos yeux inacceptable que l'on réforme les IUT/DUT et licences professionnelles ainsi que nous venons de l'évoquer, et laisse en l'état le secteur des STS/BTS.

Une telle décision reviendrait à faire des BTS une sorte de "sous DUT", et donc à créer dans ce secteur de formation un système à deux vitesses : le BTS en deux ans principalement réservé aux bacheliers professionnels et offrant des formations plus ou moins spécialisées, et le DUT devenu licence technologique en trois ans, principalement ouvert aux bacheliers généraux et technologiques, proposant des formations très polyvalentes.

Pourquoi pas répondent certains, qui arguent que les employeurs ont besoin des deux profils et que cette variété d'offre de diplômés répond mieux à leurs besoins que l'homogénéisation autour du système de formation polyvalente en trois ans. En outre, ils avancent un autre arguement qui est que le passage systématique du BTS à bac + 3 ferait doublon par rapport au format licence technologique. Ils prônent donc l'idée que les actuels BTS devraient ne pas changer.

C'est tout juste s'ils consentent à reconnaître que certains BTS, du fait du choix de la polyvalence qui les caractérise, ressemblent fortement aux DUT (c'est par exemple le cas des BTS commerce international, assistance technique d'ingénieur, et quelques autres). Seuls ces derniers pourraient être élevés à la dignité d'obtenir le label licence à bac + 3. Bien plus, ils avancent l'idée qu'on retire ce type de BTS des lycées pour les transférer dans les futurs IUT.

La question de l'avenir des BTS est donc loin d'être tranchée, et pourrait être repoussée à plus tard.

Si par contre on décide de s'y atteler, alors on peut penser que les actuels BTS vont probablement se scinder en deux sous familles : les plus spécialisés d'entre eux (les plus nombreux) pourraient demeurer en leur état actuel, quitte à ce que soit créé une passerelle qui permettrait à certains futur diplômés de rejoindre la troisième année de licence technologique. Quand à la minorité des actuels BTS qui sont fortement polyvalents, donc proches des DUT, ils pourraient soit demeurer en lycée, soit être transférés dans les IUT. A suivre !

4. Que vont devenir les bachelor ?


En France, les bachelors sont apparus dans les années 1980, par importation des diplômes qui, dans le monde anglo-saxon, ponctuent ce qu'on nomme le cycle "undergraduate", correspondant à notre niveau bac + 3, donc licence. Ces diplômes furent longtemps peu connus. Créés dans une poignée d'écoles privées tertiaires, il a fallu attendre le début des années 2000 pour que, dans la vague de la mise en place du système "L/M/D" commun à la plupart des pays du Monde, ils puissent tirer bénéficie de leur positionnement au niveau bac + 3.

Les familles se sont mises à beaucoup les demander, malgré des droits de scolarité plus ou moins importants et le fait que ce diplôme ne bénéficiait le plus souvent d'aucune reconnaissance académique officielle (un bachelor n'est pas un grade de licence), appréciant très positivement le fait que ces formations sont porteuses de bonnes garanties en matière d'ouverture internationale et d'accès à l'emploi. Même succès croissant auprès des employeurs qui se sont progressivement mis à apprécier positivement le profil polyvalent et international de ces jeunes diplômés et les embauchent volontiers.

Après une première vague de création de bachelors du secteur tertiaire (management des entreprises, gestion, marketing, publicité, ressources humaines, tourisme, hôtellerie/restauration, communication, finance), on a vu apparaître une deuxième génération de ce type de formation dans le secteur industriel et scientifique, les arts, les sciences politiques... Aujourd'hui, il se crée en France une quarantaine de nouveaux bachelors chaque année, et le site de L'Etudiant en récence plus de 600 , de toutes sortes.

Ce développement débridé a eu pour conséquence de réduire la "lisibilité " de ce secteur de formation, au point que la Conférence des grandes écoles (CGE) demande à l'Etat de mettre un peu d'ordre en octroyant à certains bachelors le droit de délivrer en plus le grade de licence. Bien entendu, seraient bénéficiaires de ce label tous les bachelors hébergés dans les grandes écoles membres du cercle très étroit de la CGE, mais pas uniquement. Aux yeux des responsables de cette association, cela permettrait aux familles et aux prescripteurs (conseillers d'orientation, professeurs...) en amont, ainsi qu'aux employeurs en aval, de trier le bon grain de l'ivraie. Rappelons qu'il y a une vingtaine d'années, la CGE avait exprimé avec succès une même demande concernant les programmes grandes écoles, obtenant que certaines d'entre elles soient autorisées à délivrer le grade de master.

Forte de ce précédent réussi, et profitant de l'opportunité offerte par la concertation nationale précédemment évoquée, la CGE a relancé cette demande, et tout laisse à penser que, dans le cadre de la réforme globale de ce secteur de formation qui se prépare, satisfaction pourrait enfin leur être donnée.

Conclusion :


Ce qui se prépare pourrait aller beaucoup plus loin qu'une simple rénovation de détail. Les diverses composantes du vaste secteur des formations supérieures professionnelles courtes sont tellement inter reliées que c'est bien à un ample "Big bang" qu'il convient de s'attendre. Des décisions sont actuellement en cours de préparation. Les premières pourraient être connues dans les prochaines semaines, pour mise en œuvre à compter de la rentrée 2020.

Bruno Magliulo

https://www.linkedin.com/pulse/un-big-bang-se-prépare-pour-les-formations-courtes-bruno-magliulo/

Dernière modification le mercredi, 08 mai 2019
Magliulo Bruno

Inspecteur d’académie honoraire -Agrégé de sciences économiques et sociales - Docteur en sociologie de l’éducation - Formateur/conférencier -

(brunomagliulo@gmail.com)

Auteur, dans la collection L’Etudiant (diffusion par les éditions de l’Opportun : www.editionsopportun.com ) :

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