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Les journées européennes « Soutien aux parentalités », se sont tenues les 1 et 2 Octobre 2018 à Anglet France. Ces journées organisées par Caminante formation s’inscrivent dans un cycle de conférences et d’échanges de pratiques qui comprennent « Rendere familiare la citta » Vérone Italie, « Roumania’s Developpement with european context through parental education », Roumanie 19-20 avril 2018, « Parental guidana and child protection » Barcelone Espagne  I4-15 juin 2018.

Ce compte rendu est l’expression des rapporteurs et ne doit pas être considéré comme la restitution des discours des intervenants.

Son but est de faire partager le savoir acquis avec ses imprécisions et ses découvertes.

Nous remercions Jean Rolando, Directeur général de Caminante Formation, de son chaleureux accueil.

Professeur Alain Jeannel - Docteur Martine Valadié-Jeannel.

Présentation des journées par Jean Rolando, Directeur général de Caminante et conférence du Professeur  Sylvain Missonnier.

Après la présentation du Directeur général de Caminante, le Professeur Sylvain Missonnier débute son intervention par une métaphore rugbystique : le soutien à la parentalité est comme un soutien dans une mêlée.

Il précise sa conception de l’humain : son trésor est souvent sa créativité et sa force s’enracine dans sa vulnérabilité. Cette vulnérabilité engage des actes intellectuels et collectifs.

Il demande que les quelques pièces du puzzle des parentalités qu’il va présenter s’inscrivent dans cette conception de l’humain.

Le premier traite de la place de la parentalité dans la société et plus particulièrement la décision de devenir parent, le second de l’institution.

Devenir parent en pré-natalité pose trois référentiels.

  •  Il n’existe pas de modèle unique de parentalité.
  • La parentalité est un comportement humain qui se manifeste par exemple dans l’assistance immédiate à l’autre. Ces manifestations intériorisées ont des modèles multiples.
  • Un sentiment d’incertitude existe au moment de l’anticipation  puisqu’il s’agit d’un être virtuel, tel que « le rêve de l’enfant parfait ». 

Dans ce contexte, la parentalité n’est pas un fait, mais un processus qui prend en compte l’environnement et qui s’appuie sur  quatre postulats :

  • L’institution en pré natal est un lieu de diversité où la maternité heureuse côtoie la maternité à risque comme l’anomalie fœtale. « C’est un lieu de tension entre Eros  et Thanatos ».
  • Elle est un système interactif, comportemental émotionnel et fantasmatique par rapport à l’embryon, au fœtus, et au bébé et aussi au soignant. Ce système s’inscrit dans les relations parent/enfant/soignant.
  • Tous ceux qui participent à ce système interactif sont importants au même niveau. Exemple la puéricultrice qui présente les vêtements de l’enfant à la future mère juste avant l’accouchement.
  • La périnatalité est indissociable d’une interdisciplinarité voir d’une transdisciplinarité entre plusieurs professionnels : Pédiatre, obstétricien, sage femme, puéricultrice, psychologue, médecin  échographiste[1], secrétaire d’accueil….
  • L’attachement post natal est en continuité avec ce qui s’est passé en pré natal.

Les approches qu’elles soient sous la forme de référentiels ou de postulats montrent que la parentalité est un processus

A partir de ces approches que représente la co-parentalité ?

Le dénominateur commun des parentalités est un ensemble de comportements, d’affects, de représentations. La position du sujet comme homme et femme en relation avec leurs enfants qu’ils soient nés, en cours de gestation ou non encore conçus est un processus qui « traverse toute la vie » et qui est indissociable du contexte générationnel.

L’incertitude, l’anticipation dépendent des structures individuelles conjugales et sociales avec des formes tempérées, pathologiques,  traumatiques.

Le Professeur Sylvain Missonnier illustre sa conférence en s’appuyant sur sa pratique à l’hôpital universitaire Necker et répond aux questions des participants.

La seconde conférence porte sur la présentation des «  Regards croisés sur les pratiques quotidiennes de soutien aux parentalités : qu’en disent les professionnels ?».

Elle permet aux participants de mettre en perspective les propositions du Professeur Sylvain Missonnier.

La troisième conférence « Intérêts et portée de la recherche-action dans le champ de la parentalité

Elle réunit les représentants des universitaires, chercheurs participant au cycle des journées européennes sur la parentalité ».

Une rapide présentation énonce les différentes pratiques de la recherche action comme la recherche collaborative, la recherche participative. Sous ces différentes formes, la recherche action a pour objectif de créer une communauté réunissant les chercheurs et les intervenants dans les situations liées à la parentalité.

La synthèse des différentes pratiques dégage trois paramètres : le professionnel comme acteur de la recherche, la production d’une nouvelle connaissance qui fait consensus entre le cognitif et l’instrumental[2] et l’élaboration d’un programme de diffusion et formation.

L’intervention souligne l’importance de la prise en compte du rapport entre la recherche et les sources de  financements possibles et montre l’efficacité de cette pratique de la recherche action pour évacuer l’idéologie dans un domaine tel que la question du genre et de l’identité sexuelle.

Un débat s’instaure avec la salle sur le devenir des intervenants qui ont acquis de nouvelles connaissances, de nouvelles compétences et une qualification quand ils ont participé à une recherche action.

Plusieurs situations peuvent être envisagées :

Un retour dans son institution mais quelle place va-t-il occuper ?

Une insertion dans l’Université mais son institution ne risque-t-elle point de perdre un ou une professionnelle qui jouait un rôle dynamique et qui avait la fonction d’un relais avec l’extérieur ?

Une indépendance par rapport à ces deux structures, la formation acquise  lui permet de créer son propre cabinet ou sa propre entreprise, quel apport pour l’une et l’autre structure ?

Ne faut-il pas se poser ces questions qui révèlent les orientations économiques et politiques de ces choix?

La quatrième conférence « Ruptures et transformations dans le champ de la parentalité » est proposée par le Professeur Bernard Golse.

Il nous invite à distinguer la parentalité émotionnelle et la parentalité rationnelle puisqu’elles prennent en compte l’environnement humain de l’enfant.

Cet environnement contemporain peut insécuriser les parents : la culture de la rapidité disqualifie les processus de développement, la culture du résultat ignore les étapes qui ont précédé une proposition, la culture de l’expertise donne l’impression de se sentir «  moins bon parent » par rapport aux experts.

Il conclut cette première partie en soulignant la nécessité pour les parents de reprendre confiance en eux.

La seconde partie de son intervention porte sur les caractères propres au bébé.

Le bébé est immature du point de vue physiologique et psychique, il est vulnérable : un bébé laissé seul meurt, la parentalité est donc une nécessité. Mais le bébé est aussi en permanence en évolution.

Les avantages d’une sélection aussi fragile, le rôle de l’épigénèse, l’influence de l’environnement sur le fonctionnement des gènes, agissent sur la formation jusqu’à l’adolescence et  favorisent la richesse des différences humaines.

Ainsi l’inachèvement initial et l’épigénèse, comme le développement du cerveau qui se poursuit créent une grande diversité et participent avec la parentalité à la construction psychique et physique de l’enfant.

La rencontre du bébé et des adultes se fait dans une situation dissymétrique vu la vulnérabilité de l’enfant.

Le vécu de la peau de l’enfant à la fois contenant et limite n’est pas immédiat, il s’inscrit dans un processus au cours duquel il va prendre conscience qu’ « il touche par la peau et qu’il est touché par la peau ».

Cette fragilité de l’enfant qui survit au moment de sa naissance parce qu’il est protégé par l’environnement humain situe la question de la parentalité.

La parentalité : soutien, accompagnement prévention/soin?

Il faut penser la parentalité dans ce cadre à partir  de trois grands axes : l’axe symbolique qui est l’imaginaire … , l’axe émotionnel qui est le subjectif, l’affectif … , l’axe de la mise en œuvre qui est « l’ensemble des tâches qui incombent aux adultes mandatés ».

Si la dissymétrie entre l’enfant et les adultes développe « l’amour de la différence », l’évolution familiale actuelle fragilise la parentalité tant aux plans social et économique qu’en amont, sur le versant du couple conjugal. Cette fragilité (Gérard Neyran, la parentalité aujourd’hui fragilisée, Yabaka-be 102 Parentalité) renforce les caractères d’une « filiation paradoxale » (Monique Schneider dans le trauma et la filiation paradoxale (Ramsay, 1988).

Le paradoxe de Narcisse, l’enfant est heureux le père est heureux. L’enfant est heureux l’intervenant est satisfait de son travail. Cet exemple situe la différence entre la posture narcissique du parent et celle de l’intervenant.

La filiation paradoxale : ce concept est développé par Monique Schneider dans le trauma et la filiation paradoxale (Ramsay, 1988). Tout est possible à imaginer et à penser sauf le fait d’être né de deux sexes, réalité inassimilable. Monique Schneider s’interroge : n’est-ce pas là qu’il faut situer le trauma ?

La transmission paradoxale : « Un tout penser sur des enfants » annule toute évolution mais l’élimination de ce tout ne permet pas de penser l’enfant. Donc il doit être toujours actif et incomplet, et il réussit en échouant.

Le paradoxe du trop bien faire.

Que dire des notions de soutien, d’accompagnement ?

Quand on pense aux liens entre la parentalité et la conjugalité, on évoque les réseaux qui se créent. Ils sont « imprégnés  par les bébés » et infiltrés par des clivages liés à nos théories, à nos pratiques.

Ces réseaux de parentalité induisent des liens mais très vite ils sont détruits par « la force d’attraction » de l’enfant.

Pour les maintenir, apparaissent à propos de la parentalité les concepts de soutien, d’accompagnement.

Le soutien risque de disqualifier les parents, l’accompagnement crée une ambivalence entre les intervenants et les parents.

Il serait donc préférable de concevoir que la parentalité est l’espace de la prévention et du soin.

Cette mise à distance des termes de soutien d’accompagnement s’appuie sur des références précises

Oscar Wilde énonce « donner des conseils est une mauvaise chose, en donner de bons est une catastrophe » Oscar Wilde.

Dans Lóczy ou le Maternage Insolite (Paris, Éditions du Scarabée, 1973), M.David et G. Appell insistent sur le fait que « L’attention donnée pendant les soins est la garantie d’un niveau d’échange indispensable, mais suffisant pour que l’enfant ne sombre pas dans l’inaffectivité ni dans le syndrome d’insatisfaction affective »  Ici l’important est le « suffisant » car il introduit les concepts de « motricité libre » et « motricité autonome » de E. Pikler.

Au travers de l’exercice de cette activité spontanée, le bébé est en vérité le moteur, l’animateur de la progression de son développement global, psychomoteur, cognitif, psychique. L’accompagnement de la parentalité est principalement dans les soins et la prévention.

Quand l’accompagnement et le soutien se substituent au processus de soins et de prévention, il y a le risque de la disqualification des parents. La tentation de l’Etat est de régler l’intime des parents avec les enfants, « main armée d’un pouvoir intrusif ».

L’image qui correspond le mieux à la pratique de l’accompagnement et du soutien dans la parentalité serait le tableau de Léonard de Vinci et ses esquisses : Sainte Anne ne touche pas l’enfant auquel la mère tend les bras, elle a le geste simple d’un contact dans le dos de la mère et la regarde, évitant toute intrusion dans l’attention portée par la mère à l’enfant.

Parmi les treize ateliers, nous rendons compte de celui qui est le plus proche du professionnel intervenant en milieu scolaire : L’atelier « le triangle ».

L’Université de Padoue propose des outils formatifs, réflexifs et opérationnels pour la compréhension, le repérage dans l’accompagnement de la parentalité.

Il s’agit de travailler sur le triangle : besoins de l’enfant, environnement de l’enfant, compétences des parents.

L’atelier comprend deux temps.

Un travail par groupes réunissant quatre participants qui mettent en commun leurs réponses dans le cadre proposé par l’outil.

Une mise en commun collective fait suite aux travaux des groupes et des pistes de réflexion se dessinent autour de cas plus spécifiques : « comment travaille-t-on avec cet outil quand il s’agit d’accompagner en parentalité des parents handicapés mentaux ? ».

La méthode du triangle permet d’envisager différentes applications en soutien aux parents et aux professionnels.

Professeur Alain Jeannel

Dr Martine Valadié Jeannel 

                                            


[1] Dominique Lanoix Rulleau témoigne de dix ans d’expérience dans le champ de l’imagerie médicale et compare les discours des différents spécialistes qui utilisent l’image en obstétrique et en diagnostic anténatal : Arrêt sur image ou la leçon d’anatomie, (Université Bordeaux 2, 1993), L’écographie obstétricale : l’image à l’épreuve du langage (Université Bordeaux 2, 1994). Note du Pr. Alain Jeannel.

[2] Les intervenants chercheurs et universitaires font le choix d’une référence à Jürgen Habermas. Cette posture ne prend pas en compte la proposition d’Edgard Morin sur le dissensus, elle élimine toutes les frustrations créées par le consensus, la dynamique créée par la contestation, elle conduit à proposer des programmes à appliquer et non à reconnaître que l’action humaine tend vers un processus.

Commentaire du Pr. Alain Jeannel.

Dernière modification le lundi, 28 janvier 2019
Jeannel Alain

Professeur honoraire de l'Université de Bordeaux. Producteur-réalisateur. Chercheur associé au Centre Régional Associé au Céreq intégré au Centre Emile Durkheim. Membre du Conseil d’Administration de l’An@é.