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L’Université de Montpellier a organisé un colloque le 26 juin 2025 sur l’Intelligence Artificielle (IA) et ses impacts sur l’évaluation, les compétences et les évolutions des pratiques pédagogiques. Un partenariat a été noué pour le développement d’applications IA dont certaines vont grandement faciliter le travail des professeurs.

L’université a pour rôle de favoriser la pensée critique

Le premier intervenant Christophe Batier - ingénieur spécialiste du numérique et chargé de veille IA à l’Université Claude Bernard Lyon 1 - a rappelé le contexte, les défis et enjeux. L’IA inquiète, car le procédé s’appuie sur des serveurs et contenus existants, son succès est fulgurant. L’université a pour rôle de favoriser la pensée critique, et les étudiants ont à développer des compétences individuelles, or l’IA modifie les méthodes d’apprentissage, la posture même de l’apprenant. 

Cet outil statistique fonctionne en tokens (jetons) - unités de données traitées par les modèles d'IA pour la prédiction, la génération -, chaque token nécessite des milliers d’opérations et génère d’importantes dépenses énergétiques. 

Une étude indique que tous les étudiants de Master 1 STAPS ont un compte ChatGTP, et 30 % d’entre eux payent pour obtenir des analyses et des réponses. L’IA n’est plus cantonnée à un moteur de recherche mais est sollicitée pour récupérer des synthèses. « Un vrai risque de dévolution totale », précise Christophe Batier, car l’IA fait décroitre l’agentivité.

Les universitaires n’ont pas systématiquement recours à l’IA mais les pratiques évoluent. Les utilisateurs de l’IA génèrent des contenus, font des capsules vidéo, créent des assistants virtuels images et sons.

Nejma Beklhdim, co-fondatrice de la EdTech Nolej spécialisée dans l’IA sur l’éducation, a présenté des exemples concrets – le stand de cette application a eu énormément de succès. Selon cette intervenante, Nolej préserve la fonction d’agentivité : « Il faut garder l’humain dans la boucle, et que l’expert puisse interagir avec l’IA. » Les enseignants disposent d’un Espace inaccessible aux étudiants. Le contenu appartient au concepteur du cours et reste modifiable, sujet à de nouvelles activités pédagogiques. Le conférencier choisit des variables (l’historique, le parcours, des exemples…), des niveaux de difficulté.

Une quinzaine d’activités sont générées : un cours, un quizz, des vrais faux, un plan pour le contenu choisi, un PowerPoint, les points clés, un script ou des notes, un glossaire, un résumé avec points clés… Le cours peut être imprimé en classe, diffusé notamment par le partage d’un lien web, d’un QR Code.

Evaluation du processus plutôt qu’une évaluation du travail final

Cette application est désormais accessible aux enseignants de l’Université de Montpellier – ce partenariat a été encouragé par le Ministère de l’Enseignement supérieur. Les fonctionnalités de cette application sont très complètes et se substituent à des étapes majeures du travail d’élaboration pédagogique. La co-fondatrice de Nolej souligne la richesse du procédé en termes de créativité pédagogique, de gain de temps car « il y a une réflexion sur le scénario pédagogique et des scénarios différents en fonction des élèves. (…) On peut faire une capsule e-learning avec tous les exercices pour évaluer avant et après la classe. »

Jean-François Van de Poël, expert IA à l’Université de Lausanne, a traité des difficultés d’évaluer. Il rappelle que la notion d’agentivité est primordiale et qu’il est essentiel de conserver le déroulé de toute démarche. Pour le Mémoire d’étude et même la dissertation, il indique que l’IA peut biaiser les résultats. Il préconise une évaluation du processus plutôt qu’une évaluation du travail final.

Parmi des représentants d’applications venus faire une courte présentation, il a été rappelé qu’il ne faut pas déléguer une décision sensible à l’IA. Il est proposé de définir les règles de citations - manière dont l’étudiant a réalisé son travail.

En deuxième partie, Jacques Tardif, professeur émérite de l’Université de Sherbrooke et expert de l’approche par compétences, a introduit ses propos par une citation de Michel Serres : « L’humain perd en mémoire mais gagne en intelligence. » L’IA nécessite de mettre l’accent sur le savoir agir complexe pour évaluer les compétences, et plus seulement sur les ressources : « L’étudiant n’a pas le choix d’expliciter les contributions de l’IA dans sa production », insiste Jacques Tardif. Le portfolio tel qu’un blog permettrait de suivre la progression des étapes avec explicitation des compétences mobilisées – pratique venue des Etats-Unis.

L’IA agentique avec des dispositifs de rétroaction et un partenariat numérique « local » sont à privilégier. Bien sûr, une vigilance sur les données n’est pas à négliger.

Un maître de conférences a défini l’IA comme un compagnon d’apprentissage, un « chef d’orchestre qui va orienter les étudiants ». Il serait aussi possible d’aller plus loin, si la confiance est instaurée entre élèves et professeurs, avec des approches inédites. 

Fatma Alilate

Journée PédagoNUM IA et Evaluation – Université de Montpellier

Dernière modification le lundi, 04 août 2025