Imprimer cette page

Cet automne a vu la publication presque simultanée de deux rapports touchant le monde du numérique : le rapport du CNNum (conseil national du numérique)  « Jules Ferry 3.0 », celui du CNIRE (conseil national de l’innovation pour la réussite éducative) « pour une école innovante ».  Ce dernier  ayant pour objectif général « de répondre aux difficultés rencontrées aujourd’hui par l’Ecole pour faire réussir tous les élèves en identifiant les pratiques innovantes existantes, en mutualisant les meilleures et les plus efficaces et en aidant à la mise en œuvre de nouvelles pratiques pédagogiques. Force de proposition, le Conseil doit jouer un rôle d’aiguillon en matière de politique d’innovation et de changement. »

Le rapport du CNNum  exprime indéniablement une maturité de réflexion sur les actions à entreprendre pour développer et enseigner la culture numérique et modifier les pratiques éducatives en intégrant les outils et démarches permises par la formidable évolution technologique en cours. Ils s’appuient sur les réactions des acteurs de terrain, enseignants , chercheurs, élus, éditeurs…qui , d’ores et déjà , innovent, équipent, produisent des ressources, font part de leurs expériences, diffusent des contenus. En retour les recommandations figurant dans ces textes viennent conforter l’engagement de tous ceux qui, malgré souvent le manque de reconnaissance, se sont emparés des possibilités nouvellement offertes pour « faire bouger les choses » dans leur domaine, à leur niveau.

Ces rapports marquent une étape dans la construction d’un consensus autour des questions liées à des processus de changements et ont le mérite d’inciter à la collaboration de tous les acteurs et à la vulgarisation de « ce qui marche ». Ils sont résolument tournés vers l’avenir et expriment une vraie volonté de changement affirmée au plus haut niveau de l’état.

Il en faudra du volontarisme pour que se réalise le passage des recommandations aux actes.

 En effet ces textes occultent les freins quotidiennement constatés par tous ceux qui  sont en contact avec les réalités pédagogiques, économiques et sociales du terrain. Il ne sera pas longtemps possible de faire l’impasse sur un inventaire et une analyse de ceux-ci afin de les lever. A titre d’exemple, seuls 5% des enseignants utilisent dans leurs classe le numérique à visée pédagogique et nous avons tous à l’esprit des endroits où les matériels informatiques fournis par les collectivités locales sont peu ou pas ou mal utilisés. Plus grave encore, l’accès aux outils est géographiquement et socialement inégal et donc facteur d’inégalités : il est faux de penser qu’une génération entière baigne dans le numérique et qu’il suffit de claquer dans les doigts pour que tous  les élèves brandissent tablettes ou smartphones pour entamer une activité. Il est de nombreuses familles qui ne disposent pas d’ordinateur ou qui disposent d’un ordinateur désuet pour quatre ou cinq personnes. Parmi les enfants d’une même classe d’âge certains possèdent une tablette et participent à des « coding goûters » mais bien d’autres ont au mieux quelques minutes d’accès journalier à l’ordinateur familial pour leurs loisirs et leur travail scolaire. L’école ne pourra être vécue en réseau qu’après gommage de ces difficultés. Enfin il faut tenir compte (peut-être pour le modifier) de l’état actuel de l’opinion publique : certains parents d’élèves en France et ailleurs ne sont pas favorables à l’utilisation du numérique dans les classes (la presse s’en est faite échos) et une grande majorité des français reste attachée au support papier et à son côté contrôlable  et par conséquent rassurant.

Les acteurs de l’école sont, depuis de nombreuses années au cœur des mécanismes de l’évolution des pratiques  pédagogiques et de la création de la culture numérique et leur rôle est plus que jamais important dans ce contexte. Nous nous devons d’identifier et de valoriser tous les éléments qui vont permettre de créer une dynamique et nous avons à situer ces leviers parfois modestes et partiels dans une vision prospective et globale.

C’est avec ce regard que les « petits projets » d’un enseignant ou d’une équipe prennent du sens. C’est avec ce regard qu’il devient possible d’expliquer aux parents ce qui est fait en classe et d’obtenir leur indispensable adhésion. C’est avec cette vision que l’on peut structurer des contenus et des ressources à destination des professeurs.

C’est avec cette vision que l’on peut engager des partenariats avec des élus et des collectivités locales ou des créateurs et des entreprises.

Les acteurs de l’école sont au croisement de toutes les pistes offertes par cette culture en mouvement et il est bon qu’ils y demeurent avec le recul nécessaire pour que la technologie soit au service d’une pédagogie réinventée, pour que les fondements de cette culture (traitement de l’information, démarches collaboratives, travail en réseau,  travail sur projet…) soient mis en bonne place. La réforme territoriale en cours va déplacer et modifier les lieux de décisions et les pouvoirs mais les enjeux du numérique  restent  inchangés et déclinés dans les quatre même volets : politique, économique, pédagogique et social.

L’An@é suit et accompagne ces transformations et c’est à Cenon, en Gironde, les 10 et 11 décembre que nous vous invitons à participer aux Boussoles du numérique 2 : les navigations qui déclinent ces rencontres selon ces 4 axes cités ci-dessus, en communications,  tables rondes, ateliers, l@bs, world café avec rencontres professionnelles et productions in situ des élèves.

Jacques Puyou

Secrétaire national de l'An@é

Dernière modification le dimanche, 18 octobre 2015
Puyou Jacques

Professeur agrégé de mathématiques - Secrétaire national de l’An@é