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Dans son nouveau rapport « Attractivité des métiers, attractivité des territoires : des défis pour l’industrie », l’Académie des technologies s’est focalisée sur les emplois en tension, voire en pénurie, qui forment un véritable goulot d’étranglement freinant la croissance et la modernisation de l’industrie sur les territoires. L’Académie émet plusieurs recommandations concrètes pour développer l’emploi industriel sur les territoires, notamment grâce à une politique sociale ambitieuse de la part des entreprises industrielles ; elle ne se réduit pas aux rémunérations où, du reste, elles sont, en moyenne, plutôt bien placées.

Faire de la mobilité sociale le premier facteur d’attractivité de l’industrie

La France, a noté l’OCDE, est en mauvaise place parmi les pays avancés en termes de mobilité sociale.

Notre société paraît figée. L’industrie française pourrait se différentier en créant des « ascendances sociales » (comme il existe des ascendances en aérologie qu’exploitent les pilotes de vol à voile).

Ceci serait bien dans l’esprit de la loi du 5 septembre 2018. Elles feraient écho aux besoins accrus de qualifications supérieures, technologiques et managériales, dans l’industrie 4.0 qui se met progressivement en place. La création d’écoles internes, de CFA d’entreprises (que permet ladite loi), la gestion individualisée des compétences, la redynamisation des parcours professionnels, permettraient, dans le contexte industriel des années 2020, de réinventer la « promotion supérieure du travail », par trop délaissée au cours des dernières décennies. Son existence même redonnerait un pouvoir d’attraction aux emplois industriels grâce aux perspectives sociales qu’elle permettrait d’envisager.

Affecter à la mobilité sociale une part des impôts de production

Cette ambitieuse politique de mobilité sociale appelle des moyens nouveaux.

La réduction significative annoncée des impôts de production pourrait constituer une ouverture. En y affectant une partie des ressources dégagées, l’industrie pourrait faire de la mobilité sociale, devenue alors un axe central de son développement, un moyen de différenciation et d’attractivité. Elle gagnerait ainsi en compétitivité (son objectif premier). Quant aux collectivités locales, actuelles bénéficiaires d’une part majoritaire des impôts de production, elles y trouveraient intérêt par la montée en qualification et en employabilité des actifs de leur territoire présents dans l’industrie, avec toutes les retombées induites notamment celle de la consolidation de l’emploi local.

Lancer un vaste plan « industrie et logement des jeunes »

Le futur de l’industrie passe également, souligne le rapport de l’Académie, par une ambitieuse politique de logement au profit des jeunes générations (en commençant par les internats et les résidences pour alternants) et d’aides à leur mobilité résidentielle.


La situation du logement des jeunes générations n’est pas satisfaisante : en 1984, environ 25 % des logements sociaux étaient occupés par des moins de 30 ans ; en 2014, cette proportion est tombée à 10 %. Le logement des jeunes (lycéens, apprentis, étudiants, actifs, célibataires ou en couples) doit devenir, dans la perspective d’une redynamisation industrielle des territoires, une priorité absolue. Les internats y contribuent, en permettant aux jeunes de suivre les formations auxquelles ils aspirent. L’État vient, fort à propos, d’engager une politique en faveur des internats, elle doit s’amplifier en bonne intelligence avec les collectivités locales. Ce n’est qu’un début et ce n’est qu’un maillon.

Il convient désormais de faire du logement des jeunes générations une priorité politique majeure sur tous les territoires de l’industrie en lançant un vaste plan « industrie et logement des jeunes » impliquant collectivités locales, État et Caisse des dépôts, opérateurs publics et privés.

Changer les représentations collectives de l'industrie et des entreprises industrielles

L’Académie des technologies met en avant d’autres points. Ainsi, souligne-t-elle, la représentation collective des entreprises industrielles doit changer. De premières avancées sont à saluer, elles sont insuffisantes. L’image d’une entreprise est, en effet, indéniablement un facteur d’attractivité. L’Académie recommande à cet égard aux entreprises industrielles de mettre leur « raison d’être » et leur engagement en cohérence avec les grands enjeux contemporains, la transition écologique en premier lieu.

Développer l’apprentissage dans les entreprises et dans les lycées professionnels

L’apprentissage, véritable passeport pour l’industrie, est un facteur d’attractivité des formations et des métiers industriels.

L’apprentissage commence une remontée dans l’imaginaire collectif. Cela se ressent dans l’évolution des flux d’alternants, pour le moment plutôt dans les formations supérieures. Des incertitudes demeurent cependant. Beaucoup d’entreprises industrielles n’accueillent pas encore d’apprentis. La loi du 5 septembre 2018 devrait réduire quelques freins à leur embauche. D’un autre côté, les lycées professionnels s’ouvrent à l’apprentissage, mais lentement, certaines oppositions rémanentes « de principe » paraissent surannées. Par ailleurs, à la suite de la promulgation de la loi évoquée, l’avenir de certains centres de formation d’apprentis (CFA) paraît mal assuré.

L’Académie souligne que la disparition ou l’affaiblissement de petits CFA à vocation industrielle nuirait à l’attractivité de métiers de l’industrie sur des territoires.

Pour rendre l’enseignement professionnel attractif et adapté, note le rapport, le rôle des entreprises industrielles est crucial, leur implication est nécessaire (apports en connaissances, en compétences, en moyens) et ce, dès le collège.

L’apport des technologies à l’attractivité des territoires de l’industrie

De nombreuses petites et moyennes villes et des territoires ruraux posent de difficiles problèmes d’attractivité pour les jeunes et pour les actifs. Pourtant, une part significative (au moins 20 %) du potentiel industriel y est localisée.

Aussi, pour conclure, le rapport souligne l’importance des technologies numériques qui contribuent, souvent avec un accompagnement humain, à réduire les handicaps de ces territoires. Sont cités notamment : le très haut débit qui, associé aux technologies 4.0, permet d’envisager de multiplier de petites unités de production hors des aires urbaines, l’implantation de mini-campus connectés, la télémédecine, l’émergence d’une économie de services qui joue aussi en faveur des aires non urbaines grâce, par exemple, au commerce en ligne ou à l’échange de services. Enfin, les technologies liées à l’écologie et au développement durable créent de nouvelles activités dans les zones rurales et les aires périurbaines. Cela les rend plus attractives pour ceux qui trouvent là un sens à leur vie professionnelle, en particulier les jeunes générations.

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Académie des technologies

Créée en 2000, l'Académie des technologies a pour mission d'émettre des propositions sur les questions relatives aux technologies et à leur interaction avec la société. Créée en 2000 elle devient en 2007 un Établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre en charge de la recherche ; elle est placée sous la protection du Président de la République depuis 2013. Son siège est situé à Paris.

Forte de l'expertise plurielle de ses 338 membres — technologues, ingénieurs et industriels, mais aussi chercheurs, agronomes, architectes, médecins, sociologues, économistes, avec une forte représentation des directeurs de R&D des entreprises industrielles — l'Académie promeut une innovation qui serve les besoins de la société, conformément à sa devise : « Pour un progrès raisonné, choisi et partagé ».

Elle contribue à la gouvernance des questions technologiques, par l’engagement de ses membres au sein d’instances de réflexion et de décision (Haut Conseil de la Science et de la Technologie, Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, Agence nationale de la recherche...).

Elle participe au développement des réflexions menées au niveau international ou européen. Elle assure le Secrétariat général d’Euro-CASE, qui fédère 23 académies européennes (soit 6 000 membres).

Sa mission est définie par la loi du 18 avril 2006 de la manière suivante : « L'Académie des technologies a pour mission de conduire des réflexions, formuler des propositions et émettre des avis sur les questions relatives aux technologies et à leur interaction avec la société ». L'Académie des technologies examine les questions qui lui sont soumises par les membres du Gouvernement. Elle peut elle-même se saisir de tout thème relevant de ses missions.

Plus d’informations sur l’Académie des technologies : www.academie-technologies.fr

Télécharger Attractivité des métiers, attractivité des territoires : des défis pour l’industrie. Rapport sous le dir. d’Alain Cadix. Académie des technologies, 2020, 130 p.

Télécharger la synthèse du rapport Attractivité des métiers, attractivité des territoires : des défis pour l’industrie, 4 p.

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Dernière modification le mercredi, 11 mars 2020
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