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I – Premiers repérages

I – 1 Légalité et légitimité (petite histoire des CEMEA)

A cette époque (décennies 1960 à 1980), les CEMEA[1] constituaient une association (loi 1901) au niveau national. Son objectif principal étant de former les cadres (animateurs, directeurs, économes…) des centres de vacances ou de loisirs, les membres actifs étaient des formateurs (on les nommait et ils se nommaient instructeurs) qui encadraient les stages de formation. Le contrat tacite qui liait les instructeurs à l’association était qu’en retour de leur force de travail gratuite (encadrement des stages), leur formation était prise en charge (en permanence). Les responsables de l’association (délégué général au niveau national, délégués régionaux au niveau des académies — niveau qui devient en gros celui des régions à leur création), aimaient à distinguer le mouvement et l’association. En termes de théorie de l’institution, l’association représentait bien sûr le déjà institué de l’organisation, le mouvement impulsant la capacité instituante [2].

Dans les décennies 60 et 70, les trois délégations régionales (on parlait aussi d’unités de travail) de Bordeaux, Toulouse, Montpellier (dirigées respectivement par Raoul Joie, Georges Barrès, Aimé Tailleux — que tout le monde appelait Lou) travaillaient ensemble pour la formation des directeurs (stages inter-régionaux). Leur choix stratégique, en ce qui concerne la formation des instructeurs, était de tenir compte des avancées de la recherche universitaire en sciences humaines et sociales, notamment en ce qui concerne les groupes — qui étaient plus en vogue qu’aujourd’hui.

Outre l’équipe d’instructeurs permanents (dont faisait partie le délégué régional, qui la dirigeait), l’unité de travail régionale comportait des instances de pilotage (comité régional et collectif des responsables de stage). Au niveau national, c’était le comité national (délégués régionaux, des permanents nationaux, délégué général) qui pilotait l’association — il y avait (forcément) un CA, mais on n’entendait guère parler de son fonctionnement, qui devait être “administratif“, comme il se doit…

Notre première histoire se déroule lors d’un comité national. Il s’agit de “dé-coopter“ quelqu’un (un instructeur) — terme pudique pour évoquer un processus d’exclusion. Je ne sais comment les statuts de l’association prévoyaient la perte de la qualité de membre pour une personne, mais vraisemblablement ce ne pouvait être envisagé que pour “faute grave“. Une discussion a lieu, elle est clôturée par un vote, qui entérine la décooptation. En principe, “l’affaire“ s’arrêtait là. C’est alors que Georges Barrès se lève et dit simplement “ce n’est pas possible“. Au grand dam de tous les légalistes, le comité national doit “avaler“ (remettre en question) son vote et reprendre la discussion ! Une façon de décrire ce que Georges Barrès agit ainsi, c’est la distinction entre “légalité“ (le fonctionnement statutaire d’une instance) et légitimité (qui renvoie aux principes sur lesquels se fonde la création et l’action de l’association). On va retrouver une apnée, une épochè analogue avec Antigone s’opposant à Créon — dans une situation plus tragique !

Cette histoire se répète au niveau régional à Bordeaux, après le départ à la retraite de Raoul Joie. Les permanents régionaux, à un moment, veulent dé-coopter le collectif d’instructeurs du Lot-et Garonne (accusés de trop s’appuyer sur la théorie psychanalytique). Les permanents, appuyés par le collectif d’instructeurs de la Gironde, obtiennent un vote majoritaire du comité régional. C’est alors que Jean Elhorga et moi-même (instructeurs non permanents) nous opposons à cette chasse aux sorcières, mettons en cause cette pseudo-légalité et lançons un processus régional de réflexion et de concertation qui aboutira à la non décooptation du collectif 47 [3].

I – 2 Éthique et morale (Sophocle, Héraclite…) 

Aillaud, Bailly, Grüber (1989) présentent en parallèle la pensée des présocratiques et celle des tragiques grecs. Le premier projet était celui d’un spectacle de plein air à Ségeste et dans les théâtres grecs, quasi intacts, de Sicile. Le spectacle a été finalement créé à Milan (au Piccolo Teatro), en 1988. Plus précisément, des extraits de l’Antigone de Sophocle fonctionnent « à la manière d’un accident survenu à la lisière d’une Cité » (p.8). « Dès lors, à partir de cette rupture dans le tissu consensuel qu’est la tragédie, la philosophie … venait s’imposer pour ainsi dire d’elle-même en tant que témoignage… »[4]

Si on résume ce que dit Antigone (qui vient d’assurer les rites funéraires pour son frère, proscrit par Créon), c’est qu’il y a une loi plus fondamentale que les lois des hommes. Héraclite (fragment 114) ne peut qu’être sur la même position qu’Antigone : « … car elles se nourrissent toutes, les lois des hommes, d’une loi une, de la divine. Car elle domine autant qu’elle veut, et elle suffit à toutes, et elle les excède (leur survit). »[5] Nos trois auteurs commentent : « La loi divine fonde la tolérance en renvoyant les lois des cités à la merde de leur désordre, partialité et particularité, la loi divine étant la seule et unique loi de la nécessité (Spinoza) et fondant la tolérance comme respect des complexions particulières parce qu’elles ne gênent personne. »(p.14)

Plus près de nous, la voix de Lévinas résonne en convergence : « L’éthique n’est pas le corollaire de la vision de Dieu, elle est cette vision même. » (1963, p.37)

Voilà qui fonde la différence entre éthique et morale — alors que l’étymologie tendrait plutôt à les rapprocher[6]. La morale est de l’ordre des règles (niveau de l’organisation, le plus souvent) ou des lois (niveau sociétal) — règles et lois dépendant des contextes spatial et temporel[7]. L’éthique est de l’ordre des valeurs fondamentales (universelles et éternelles).

I – 3 Éthique et esthétique (Les troubadours, Marrou, Wittgenstein…)

Les troubadours ont inventé une nouvelle conception de l’amour et une nouvelle représentation de la femme (Roux et Sallaberry 2012).

Précisons d’abord l’appellation troubadour (de l’occitan ‘trobar’, trouver), en évoquant les noms d’Arnaut Daniel, de Bertran de Born, de Bernard de Ventadour, d’Arnaut de Mareuil[8]… « Parlons donc des troubadours maintenant, entendus au sens propre, et tels qu’ils ont été : nous désignons par ce mot les poètes et musiciens, originaires presque tous de la moitié sud de la France, qui, utilisant un dialecte littéraire de langue d’oc, ont été les initiateurs de la poésie lyrique — entendez : effectivement chantée — en langue vulgaire dans l’Europe du Moyen Age… et, ce qui importe plus encore, ont mis leur art au service d’une nouvelle conception de l’amour qui a profondément modelé la structure de la psyché occidentale. » [9](Henri-Irénée Marrou, 1971, p.11-12)

Ce qui nous intéresse ici, c’est que création artistique et conception d’un mode de vie et de conduite vont de pair. « Il apparaît donc qu’une esthétique est porteuse d‘une éthique[10] qui modifie l’ordre social des cours du Sud. » (Guy Penaud, 2001, p.10)

Ce lien éthique-esthétique, que j’ai depuis longtemps senti, éprouvé, sans avoir trouvé le moyen de l’argumenter[11], est ici “exemplifié“, justifié par le lien entre choix de vie et création artistique. Wittgenstein, quant à lui, l’énonce clairement : « L’éthique et l’esthétique sont une. » (Tractatus - 6.421).

Ce lien souligne que la notion centrale ici est celle de valeur fondamentale (rien à voir avec la valeur marchande, qui n’en est que l’inversion maligne[12]). On peut ici s’appuyer encore sur Wittgenstein :  « Ainsi, au lieu de dire : « L’éthique est l’investigation de ce qui est bien » (citation qu’il prend dans les Principia Ethica de Moore), je pourrais avoir dit qu’elle est l’investigation de ce qui a une valeur, ou de ce qui compte réellement, ou j’aurais pu dire encore que l’éthique est l’investigation du sens de la vie, ou de ce qui rend la vie digne d’être vécue, ou de la façon correcte de vivre. » (1992, p143-144)

Ce lien entre éthique et esthétique signifie qu’une valeur fondamentale a toujours quelque chose à voir avec le Bien et le Beau.

II – Interaction

Depuis ma thèse (1986), je propose de concevoir la représentation en tant que “véhicule“ de l’interaction (entre deux êtres)[13] . Cela exige de préciser la notion d’interaction.

Interaction en Physique

La notion d’interaction étant courante en physique, la moindre des choses est d’en tenir compte avant d’importer une telle idée dans le domaine humain-sociétal[14].

Rappelons donc, à partir de la Physique, plusieurs caractéristiques de l’interaction [15]:

  • La réciprocité (si A exerce une action (une force) sur B, B exerce une action en retour (une réaction) sur A).
  • Le principe de l’égalité (de l’action et de la réaction) qui, s’il peut sembler inadapté aux échanges entre humains, mérite d’être médité.
  • Le lien (ou même l’identité) entre champ et interaction — dès qu’il y a action à distance, la Physique fait intervenir la notion de champ.
  • Le caractère “incontournable“ : il s’agit d’action (ou de force), qui produit un effet.          

Interaction et communication

Je m’appuie sur le dernier caractère pour affirmer que l’interaction n’a rien à voir avec la communication — ou tout au moins avec le caractère euphémisé qu’on lui donne trop souvent : un responsable politique qui annonce des mesures (des décisions) qui sont mal reçues aurait commis une erreur de “com“, ou aurait “mal géré sa com“.

L’interaction entre deux sujets humains peut prendre la forme d’un coup de poing ou d’une gifle (ou bien pire !). Et lorsqu’on respecte les interdits de la civilisation, remarquons qu’une représentation peut faire autant de mal, sinon plus, qu’un coup de poing ou de pied — même lorsqu’elle n’est pas énoncée ! Dans le cas de figure de la représentation, le temps de propagation peut être aussi bref que celui d’un coup de poing, mais il peut être beaucoup plus long (le temps qu’elle soit comprise, dans tous ses attendus et prolongements éventuels). Un concept ou une notion d’interaction en sciences humaines et sociétales ne peut être pertinent qu’à la condition — entre autres — d’inclure cette possibilité de violence (physique (concrète) ou symbolique).

Nous retrouvons de fait la même difficulté qu’en physique avec l’interaction à distance (sans contact). Et là encore, on peut considérer le contact comme un cas limite de l’interaction à distance.

Rappelons que, pour passer de l’idée de structure à celle de système, Lerbet (1986) indique qu’aux trois critères de Piaget (1968) — totalité, transformation, autoréglage — il faut ajouter celui d’énergie. On pourrait caractériser ainsi la césure, la nuance radicale entre communication et interaction : la première fait l’impasse sur l’énergie, que la seconde ne saurait nier.

Interaction en sciences humaines et sociétales

En renvoyant à Sallaberry & Claverie (2018) pour une exploration au sujet de cette notion en SHS, rappelons le travail de Goffman, qui structure “l'approche interactionniste“, notamment avec la notion de place (dans la conversation) et toute une approche qui, tenant compte du contexte, des normes sociales, montre qu'une démarche purement linguistique (fût-elle “pragmatique“) reste incomplète[16].

La reprise récente de ce travail, en considérant l’identité comme résultat des interactions (Bagur et Portocallis, 2017), présente un double intérêt. D’une part, elle converge avec l’un des derniers textes de Vernant (1997) [17]. D’autre part, manifester ce choix de l’interaction plutôt que celui de l’identité, c’est choisir une approche continue, par opposition à une approche par les éléments (par les sujets humains), c’est-à-dire une approche discontinue. Ce choix me semble le plus pertinent (le seul possible ?) [18].

Caractéristiques repérables

Si je propose de nommer interaction l’échange qui peut s’établir entre deux êtres humains, c’est que lorsque l’intensité de cet échange est forte, chacun peut en “sortir“ abimé ou grandi.

Bien entendu, nous vivons bien souvent des échanges à faible intensité, dans lesquels l’engagement est minimum. Un achat de pain assorti de quelques mots échangés avec une vendeuse ou un autre client, le plus souvent ne prête pas à conséquence, comme on dit. Même des rencontres plus longues et plus régulières peuvent s’établir avec un investissement d’énergie (psychique) relativement faible. Le risque précédent semble alors écarté. C’est seulement lorsque l’engagement, lorsque l’investissement en énergie est important que l’on risque prendre des coups réels ou abstraits puisque fondés sur des représentations — mais rappelons qu’ils peuvent faire aussi mal. A propos du niveau d’investissement énergétique engagé par un sujet humain, Leclaire (1975, p.35) souligne que le champ de forces de l’inconscient est sans commune mesure avec le champ de forces du conscient.

En résumé, un échange à intensité faible ((à investissement énergétique faible) constitue une rencontre “mineure“, à risque mineur. Une rencontre à intensité forte (à investissement énergétique fort) constitue une rencontre “majeure“, le risque est lui aussi majeur : l'être humain peut en “sortir“ abimé ou grandi.

Ces “effets“ possibles renvoient à ce qui a été nommé plus haut le “caractère incontournable“, qui est celui de la confrontation à des forces.

Le caractère de réciprocité est bien présent lui aussi. Dans une interaction (dans une rencontre), même celui qui est immobile et se tait “envoie des messages“.

La dynamique de la représentation — et sa plasticité — fait qu’elle est à la fois le vecteur (le messager, le processeur…) de l’interaction (moment de la confrontation) et son produit (moment de l’après, de l’intériorisation — de la “digestion“ ou du rejet).

III - Interaction et éthique

En rappelant la perspective qu’a esquissée Wittgenstein, on peut songer que Le risque, dans la vie d’un homme, c’est d’avoir oublié les valeurs fondamentales — d’avoir confondu (vraie valeur et fausse valeur).

Il ne s’agit pas d’un débat théorique. Tout échange interpersonnel, entre deux sujets humains, étant une interaction — on parle de communication parce que c’est la mode, et surtout parce que prendre conscience du réel de l’interaction nous fait peur. Car cela veut dire que tout échange est risqué. Chacune, chacun, peut en “sortir“ abimé ou grandi. Vis-à-vis de ce risque, l’éthique commande de faire tous ses efforts pour que l’autre n’en sorte pas abimé. Ce n’est pas toujours facile. Truffaut disait (à propos de son film La femme d’à côté) :  « On se donne des coups terribles en amour » [19]. Autrement dit, il est bien sûr plus facile que l’autre n’en sorte pas abimé lorsque l’intensité de l’échange n’est pas trop grande…

Avec ce propos, je me retrouve en familiarité avec Lévinas (1963), pour qui la rencontre de l’autre est essentielle, avec cette importance accordée au visage : « Le visage est un mode irréductible selon lequel l’être peut se présenter dans son identité. » (p.23) Avec aussi cette évocation du risque : « Est violente toute action où l’on agit comme si on était seul à agir : comme si le reste de l’univers n’était là que pour recevoir l’action ; est violente, par conséquent, aussi toute action que nous subissons sans en être en tous points les collaborateurs. » (p.20)

Nous retrouvons aussi la Grèce antique, non plus avec les tragiques et les philosophes, mais avec l’un des aèdes précurseurs, Hésiode. A propos de ses textes (Les travaux et les jours, ainsi que la Théogonie) Vernant, dans une approche qu’il qualifie de structurale, fait remarquer :

  • qu’on peut discerner deux plans — deux grandes époques (passées) ; celles des hommes d’or puis des hommes d’argent d’une part, celle des hommes de bronze puis des héros d’autre part ; l’époque des hommes de fer concernant les vivants.
  • qu’à chacune des étapes on peut repérer la mise en regard de deux valeurs, ou de deux attitudes opposées, l’hubris et la dikè [20].

Au niveau macro (niveau sociétal ou niveau planétaire), l’hubris néo-libérale consiste à ne penser qu’en termes d’augmentation du capital — peu importe les effets sur la vie des habitants de la planète comme sur la survie de la même planète. La dikè conduit au contraire à répartir les revenus de façon moins inégalitaire, ainsi qu’à préserver la planète.

Au niveau méso (celui de l’organisation), on retrouve ces deux valeurs dans les principes de fonctionnement.

Au niveau micro (niveau individuel), l’hubris peut consister à partir du principe que la fin justifie les moyens. Or l’éthique, c’est le contraire du principe “la fin justifie les moyens“. Pour le dire d’une autre manière, il faut dire haut et fort que la fin ne justifie jamais les moyens. Il faut le dire même face au “dédain des brutes“, comme dirait Eluard [21]. La dikè, au contraire de l’hubris, exige de faire très attention aux moyens. La dikè suggère de ne rien faire de “moche“ — ou du moins d’essayer…

Références

Aillaud G., Bailly JC, Grüber K M, 1989, La Medesima strada, Paris, Bourgois

Bagur T. &Portocalli G., 2017, L’individu et l’interaction, entre rôle social et identité, in Revue européenne de Coaching, n°2, Avril 2017.

Bailly, J.C., 1997, L’apostrophe muette. Paris : Hazan.

Barel, Y., 1987, La quête du sens. Paris : Seuil.

Bec, P., 1979, Anthologie des troubadours, Paris, 10-18.

Castoriadis, C. (1975). L’institution imaginaire de la société. Paris : Seuil.

Crescenzo de L., 1988, Les grands philosophes de la Grèce antique, Paris, Julliard.

Eluard, P., 1968, Le dit de la force de l’amour, Œuvres, Paris, Gallimard

Empédocle, 1988, Fragments, in Les écoles présocratiques, édition établie par Jean-Paul Dumont, p.182-247, Paris, Gallimard 1991.

Frontisi-Ducroux F. & Vernant JP., 1997, Dans l’œil du miroir, Paris, Odile Jacob

Héraclite, 1988, Fragments, in Les écoles présocratiques, édition établie par Jean-Paul Dumont, p.32-49, Paris, Gallimard 1991.

Leclaire, S., 1975, On tue un enfant, Paris, Seuil

Lefebvre, H. 1980, La présence et l’absence : contribution à la Théorie des représentations, Tournai, Casterman, (Synthèses contemporaines).

Lerbet G., 1986, De la structure au système, Maurécourt, Ed.Universitaires.

Lewis, C-S , 1936, The Allegory of Love. A study in medieval tradition (1936) (réédition Oxford Paperbacks 1985)

Lourau, R., 1970, L'Analyse institutionnelle, Paris, Ed. de Minuit.

Marrou, H.I., 1971, Les troubadours, Paris, Seuil.

Nizet J. &Rigaux N., 2005, La sociologie de Erving Goffman, Paris, La Découverte

Piaget J., 1968, Le structuralisme, Paris, PUF.

Penaud, G., 2001, Les troubadours périgordins, Périgueux, Editions de la Lauze.

Piketty, T., 2013, Le capital au XXIe siècle, Paris, Seuil

Roux, J., 1993, “Les troubadours“, Paris, Christine Bonneton éditeur

Roux, J., 2002, Cortesia e fin’amor : un nouvel humanisme, in Actes du colloque de Chancelade : Troubadours et cathares en occitanie médiévale (24 et 25 août 2002).

Roux J. & Sallaberry JC., 2013, Les troubadours et la mutation de l’amour aux XIIe et XIIIe siècles, in L’amour au château, s/d Cocula Anne-Marie & Combet Michel, Pessac, Ausonius, p. 143-148.

Sallaberry JC, 1996, Dynamique des représentations dans la formation, Paris, L’Harmattan (Cognition et Formation).

Sallaberry JC, 1998, Groupe, création et alternance, Paris, L’Harmattan (Cognition et Formation).

Sallaberry JC, 2003, Théorie de l'institution et articulation individuel-collectif, in Actualité de la théorie de l'institution, s/d Ardoino, Boumard, Sallaberry, Paris, L'Harmattan, (Cognition et Formation), p.75-110.

Sallaberry JC, 2013, Représentations et “contexte culturel“, Contextualisations didactiques — approches théoriques, s/d Anciaux F., Forissier T. &Prudent L F., Paris, L’Harmattan (Cognition et Formation), p.225-247.

Sallaberry JC, 2015b, La représentation : une synthèse (un concept) possible ? — Note de synthèse, L’Année de la recherche en sciences de l’éducation, n° 2015, p.213-256.

Sallaberry JC &Claverie B. 2018, Introduction aux sciences humaines et sociétales, Paris, L’Harmattan (Cognition et Formation)

Spinoza, B. de, 1954, L’Ethique, tr.fr. Paris, Gallimard.

Steiner, G., 1984, Les Antigones, tr.fr. Paris, Gallimard 1986

Steiner, G., 1989, Réelles présences, tr.fr. Paris, Gallimard 1991

Tournier, M. 1975, Le roi des aulnes, Paris, Gallimard (Folio).

Vernant, JP. & Vidal-Naquet, P., 1965, La Grèce ancienne —T1 Du mythe à la raison, Paris Maspero, reéd 1990, Seuil.

Wittgenstein L., 1922, Tractatus logico-philosophicus !, London, Routledge & Kegan Paul

Wittgenstein L 1992, Leçons et conversations (tr.fr.), Paris, Gallimard.

 


[1] Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Education Active. Faisant référence à l’Education Nouvelle et créée à partir des Francas, cette association se spécialise dans la formation des cadres de centres de vacances.

[2] Cf. par exemple Sallaberry 2003, ou pour une approche plus rapide 2013a :

 Fonctionnement d’une règle

Comme j’ai pu le mettre en évidence (2003), le schéma en trois moments de la théorie de l’institution décrit le fonctionnement d’une règle — et montre une modélisation possible de l’articulation individuel-collectif. En effet, le moment de l’Universel, en tant que moment où la règle s’énonce en tant que la même pour tous, est caractéristique du niveau logique collectif. Symétrique en quelque sorte, le moment du Particulier, se spécifiant de ce que je suis en situation d’appliquer la règle, correspond bien au niveau logique individuel.

La flèche descendante représente l’influence, la pression (mais aussi la structuration) du déjà institué. C’est ce qui résume la situation de tout humain. Où qu’il aille, il y a déjà du sens, une façon de dire et de concevoir le monde. La flèche ascendante représente la capacité instituante. Chacune et chacun peut interpréter une règle, négocier, exprimer son point de vue, proposer des modifications, de nouvelles solutions…

Le troisième moment, celui du Singulier, ou de la Singularité, produit par l’interaction des deux premiers, peut alors être conçu comme le moment de l’émergence des formes[2] collectives : nouvelle formulation de la règle, nouvelle façon de la vivre et de l'appliquer, nouvelle représentation collective.

 

                                                                              (schéma I)

Bien entendu, le caractère nouveau n'a rien d'automatique. Le fonctionnement en trois moments peut fort bien reproduire du même. La "nouveauté" ressemble alors au déjà-là comme deux gouttes d'eau. C'est le changement 1, ou faux changement, repéré par la théorie des systèmes.

Ce modèle permet de décrire le fonctionnement d'une règle, d'une norme, et plus généralement d’une forme, comme cela va apparaître plus clairement avec l’exemple de la langue.

[3] Nous sommes fortement appuyés, au niveau théorique mais aussi à celui de l’action, par Jean-Paul Abribat, qui “équilibre“ l’action de “l’expert“ missionné par la direction nationale, en démontant sa soi-disant compétence. In fine, au niveau de l’unité de travail régionale, il s’agira d’une victoire à la Pyrrhus, car par la suite, comme par hasard, les stages qui devaient être encadrés par une équipe complète du Lot et Garonne seront supprimés. C’est à partir de ce constat que je me suis retiré de l’association — sans faire de bruit. C’est aussi à ce moment que les instructeurs des Pyrénées Atlantiques, qui avaient créé une association (le GERMEA) pour organiser un centre de vacance et des activités d’animation (ce qui n’entrait pas dans l’activité des CEMEA — l’accueil au Festival d’Avignon constituant une exception), sont “passés avec armes et bagages“ au GERMEA.

[4] Ce témoignage est constitué par l’ensemble “des réactions des témoins philosophes“, soit ici Héraclite, Parménide et Empédocle.

[5] Ce qui est cohérent avec le propos de Spinoza, pour qui l’éthique procède de Dieu. On retrouve là l’hypothèse de Steiner (1989) selon laquelle le sens est lié à la transcendance : « … Cet essai soutient la thèse opposée. Il pose que toute compréhension cohérente de la nature et du fonctionnement du langage, que tout examen cohérent de la capacité qu’a le langage humain de communiquer sens et sentiment, sont, en dernière analyse, fondés sur l’hypothèse de la présence de Dieu. » (p.21-22) Barel (1987) pense qu’une société (ou une cité dans la Grèce antique) doit se fonder, pour trouver, pour produire le sens, à la fois sur la transcendance ou hétéroréférence (sur la religion, sur le mythe) et sur l’immanence ou autoréférence (sur l’argumentation et la construction d’une pensée raisonnée).

[6] En grec ancien, eqos (éthos) signifie coutume, usage (l’adjectif éthikos signifie habituel). En latin, le substantif mos (gén. moris — ce terme a donné le mot mœurs) signifie : 1 volonté de quelqu’un ; 2 usage coutume ; 3 genre de vie, mœurs (l’adjectif moralis signifie relatif aux mœurs). Cf. le Bailly pour le grec, le Gaffiot pour le latin.

[7] La notion de contexte spatial permettant de concevoir la variation repérable d’une culture à l’autre (on se réfèrera à l’anthropologie), celle de contexte temporel amenant à penser l’évolution des règles — cf. le schéma de fonctionnement de l’institution (Lourau 1970, Sallaberry 2004b).

[8] Steiner, dans son ouvrage Les antigones (1984), fait référence à Arnaut de Mareuil (p.214).

[9] Souligné par nous.

[10] Id.

[11] Il n’est pas justifié par l’étymologie. Esqhs, htos (esthès, esthètos) signifie : 1 vêtement, habit ; 2 tout ce qui enveloppe. Aisqhsis, ews (aisthèsis) signifie faculté de percevoir par les sens, sensation ; aisqhtikos, h (aisthètikos) qui a la faculté de sentir ou de comprendre.

[12] Tournier, dans une belle fulgurance, propose cette notion. L’inversion maligne, c’est que le Diable produit ou invente, à partir de quelque chose de bon qui existait dans la Création. Par exemple, l’innocence est ce qui permet à chacun (à chacune) de nous de jouir en toute simplicité de ce qu’on peut trouver dans la Création. L’inversion maligne de l’innocence, c’est l’idée de pureté, qui bien sûr est inséparable de son contraire, l’impureté ! Le critère pur/impur mériterait de figurer à l‘inventaire du contenu de la boite de Pandorre ! Il est sûr que c’est très bien trouvé pour empoisonner la vie quotidienne, pour justifier des massacres… Pour plus de détails sur la notion d’inversion maligne cf. Tournier 1975 et Sallaberry 2013.

[13] Cf. Sallaberry 1996, 2015, ainsi que Sallaberry & Claverie, 2018.

[14] Cf. Sallaberry & Claverie, 2018, chap II (p. 48-59)

[15] Ibid. p.52.

[16] A première vue, ce travail, malgré son intérêt, reste trop “prisonnier“ de la mise en scène (de la vie quotidienne) : si cela correspond à l'un des sens de la représentation, la difficulté demeure la prise en compte de tous les autres. Cela dit, la centration sur l’interaction va dans notre sens, surtout quand elle se différencie de la communication (cf. La communication en défaut, 1993). Mieux, Nizet & Rigaux, commentant l’œuvre de Goffman, soulignent que son travail vise à “mettre en évidence les règles sous-jacentes qui structurent les interactions sociales“ (2005, p.35)

[17] Cf. Frontisi-Ducroux & Vernant, 1997.

[18] Cf. Sallaberry et Claverie 2018.

[19] Il ajoutait : je ne pourrais plus aujourd’hui tourner “Jules et Jim“.

[20] En se référant au Bailly, ubris (hubris) signifie “tout ce qui dépasse la mesure“ : orgueil, insolence (comme sentiment), fougue, emportement (comme attitude), outrages, sévices (comme action) ; dikh  (dikè) signifie règle, droit, justice…

[21] Dans le texte “Le dit de la force de l’amour“, Eluard en vient aux recommandations — un peu comme Neruda avec son leit-motiv « Et maintenant, il faut m’entendre… ». Le leit-motiv d’Eluard, dans ce texte, s’énonce « Criez “je t’aime“ … ». Et il précise : « … contre toute contrainte… contre le dédain des brutes… »

Dernière modification le vendredi, 02 septembre 2022
Sallaberry Jean-Claude

Professeur émérite à l'université Montesquieu-Bordeaux IV.  Professeur de sciences physiques en lycée (20 ans), puis professeur des universités (sciences de l'éducation et science de la cognition) durant 20 ans, Directeur de l'IUFM d'Aquitaine pendant 7 ans 1/2.

Centrés sur une théorie des représentations, ses travaux explorent les phénomènes de la cognition et de la culture en modélisant l'articulation du niveau logique individuel et du niveau logique collectif.  Il publie notamment sur les thèmes “représentation et cognition“, “didactique des sciences“, “dynamique des groupes“, “théorie des système et théorie de l’institution“.

Co-rédacteur en chef de la revue L’Année de la recherche en sciences de l’éducation, il co-dirige, chez L’Harmattan, la collection “Cognition et Formation“.