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Il est une question qui agite le microcosme, c’est celle de la mise en œuvre de l’enseignement du numérique et de ses modalités.
Depuis qu’en haut lieu on a enfin décidé de s’y mettre, volonté que le ministre a encore réaffirmée récemment, voir cet article,
il semblerait bien — dans le cas contraire, il s’agirait d’une information qui a échappé à ma vigilance — qu’on n’ait encore rien décidé à propos de la manière de s’y prendre… Une certitude : le nouveau Conseil des programmes, qui ne fonctionne toujours pas, sera chargé de « … proposer les modalités concrètes d’intégration de l’éducation aux médias et à l’information partout dans les programmes et dans le socle commun de compétences, de connaissances et de culture commune » Fort bien, me direz-vous. Mais cette annonce appelle un certain nombre de questions, restées pour le moment sans réponses :
  • L’éducation aux médias et surtout l’éducation à la culture informationnelle (et non l’éducation à l’information) sont pour l’essentiel prises en charge jusqu’ici par les professeurs documentalistes. Que deviennent ces enseignements et les missions de ces professeurs ?
  • Que devient dans une telle hypothèse le nécessaire enseignement du numérique ? Qui le prend en charge ? Pourquoi ne croise-t-on pas les littératies numérique, médiatique et informationnelle qui se complètent si bien ?
En réponse cette dernière question d’enseigner le numérique, qui semble en effet intéresser pas mal de monde, les réponses ont toujours été de deux ordres.
Première hypothèse qui a souvent été évoquée, c’est celle de la création d’une nouvelle discipline, dont les contours restent à définir. L’Académie des sciences et le Conseil national du numérique qui relaie servilement les propositions de la première réclament à cors et à cris la création d’une discipline scientifique informatique prise en charge par des professeurs informaticiens. Sans m’attarder sur ce sujet car je subodore que je vous lasse, je répète qu’il s’agirait là d’une grave erreur historique. D’autres acteurs ont évoqué la création d’une discipline aux contours plus larges où serait enseigné tout ce qui relève du numérique, au-delà des seules références scientifiques. Quoi qu’il en soit, cela a déjà été dit à plusieurs reprises, l’Inspection générale y est très fermement opposée. À y réfléchir, je crois aussi que c’est une mauvaise idée.

Deuxième hypothèse qui semble a priori largement plus séduisante, c’est l’idée que, comme bien d’autres compétences transversales, celles qui sont induites par le numérique rejoignent à terme l’ensemble des disciplines existantes C’est plus facile à mettre en œuvre au premier degré, bien sûr, le cloisonnement disciplinaire étant plus facile à franchir sinon à briser. Mais acquérir une culture numérique suffisante pour intégrer des apprentissages spécifiques est aussi compliqué au premier qu’au second degré. Et les réflexes strictement disciplinaires sont si fortement ancrés dans les gènes des enseignants qu’il faut de longues années voire des décennies avant d’imaginer observer des modifications significatives. On voit bien, pour se convaincre de ces difficultés, le triste sort qui a été fait à l’éducation aux médias pourtant inscrite dans tous les programmes disciplinaires depuis belle lurette. Pour ma part, je n’y crois pas, même si je pense que c’est souhaitable à — long — terme. D’ici là, le numérique aura peut-être fait tomber quelques barrières disciplinaires…

Car il y a urgence !

Alors, comment faire ? 
L’association OVEI « On vous explique Internet » vient de faire récemment une proposition originale et nouvelle pour l’enseignement de la culture numérique. Je vais être honnête avec vous, comme co-administrateur de cette association, j’ai soufflé quelques-unes de ces bonnes idées à OVEI. De quoi s’agit-il ? 
OVEI propose la création, dès la rentrée prochaine à titre expérimental en attendant une généralisation, d’un enseignement de la culture numérique, donc transversal et imprégné de tous les champs disciplinaires, à l’image de ce qui se fait déjà pour l’histoire de l’art.

Son horaire hebdomadaire pourrait être fixé à 1 h à l’école et au collège, à 1 h 30 au lycée, horaire qui devrait être pris sur le volume global, donc sans augmentation de ce dernier pour ne pas alourdir les enseignements. Il serait confié, propose OVEI, à des professeurs volontaires et engagés, dont éventuellement des documentalistes, qui se verraient offrir une formation accélérée et un accompagnement personnalisé. 

Ce que ne dit pas OVEI de manière explicite mais qui est sous-entendu, c’est qu’il s’agirait d’une mesure transitoire pour aboutir peut-être, dans quelques longues années, à la deuxième hypothèse décrite ci-dessus d’une irrigation numérique lente mais inéluctable des champs disciplinaires existants.
Car l’Internet et le numérique concernent bien l’école et les enseignants n’est-ce pas ?

À dire vrai, on peut douter parfois d’une telle assertion, tant les réflexes de l’école, mus parfois par des chefs d’établissement peu scrupuleux, les infirmiers ou médecins scolaires, ont été jusqu’ici d’appliquer grosso modo à l’Internet les mêmes recettes qu’au Sida ou aux maladies vénériennes ! Lamentable ! Ou de payer à grands frais les interventions calamiteuses d’officines douteuses de mercantis anxiogènes… Récemment, on me demandait sans rire si Hadopi accepterait d’évoquer le droit des auteurs devant des collégiens !
Un médiateur numérique s’adressait il y a peu en ces termes aux professeurs qui faisaient appel à lui pour parler « des dangers d’Internet » : « Le danger, c’est vous. Vous qui vivez terrés dans la peur d’une cyber-menace indéfinie. »

Faut-il répéter que la valorisation des réussites et la résolution des éventuels problèmes liés à l’utilisation d’Internet et du numérique sont des préoccupations hautement éducatives qui concernent au premier chef l’école et les enseignants, en étroite collaboration bien sûr avec les parents ?

Faut-il répéter que l’une des premières missions de l’école est de former de jeunes citoyens autonomes et responsables, dans la société d’aujourd’hui ?
OVEI l’a bien compris, qui ne propose pas comme d’autres associations militantes, d’apporter la supposée bonne parole aux élèves, mais rappelle qu’enseigner est un métier et accepte de participer, à la mesure de ce qu’elle peut faire, à la formation des enseignants, tous les enseignants, tous degrés confondus, en charge d’enseigner le numérique ou pas.
Enseigner, un métier ? Qui s’apprend ? Oh la bonne nouvelle que voilà !
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Crédit:photo : mainblanche via photopin cc
Dernière modification le vendredi, 10 octobre 2014
Guillou Michel

Naturaliste tombé dans le numérique et l’éducation aux médias... Observateur du numérique éducatif et des médias numériques. Conférencier, consultant.