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Question d’Education France info
Elles se sont ouvertes hier à Cenon, à côté de Bordeaux, elles se terminent ce soir, ce sont les "Boussoles du numérique", un événement dédié au numérique éducatif. Emmanuel Davidenkoff en revient.

Événement organisé par l’Association nationale des acteurs de l’école dont la présidente, Michelle Laurissergues, était hier notre invitée sur France Info. Il a réuni plusieurs centaines de professionnels de l’éducation.

Et la star, notamment en primaire, c’est la tablette.

Incontestablement. Reliée au tableau interactif qu’on ne présente plus. Les applications à usage éducatif se multiplient, dès la maternelle. Exemple avec les jeux de Marbotic, c’est très malin : les enfants de maternelle commencent à se familiariser avec les nombres et avec l’addition grâce à un système qui mêle les bonnes vieilles formes en bois et la tablette. Vous posez un 3, en bois, sur l’écran, il le reconnaît et vous pouvez ensuite jouer avec les nombres, additionner, soustraire, etc. Ce mélange entre numérique et outils classiques revient d’ailleurs côté lecture avec ces applications développées par Bayard Education à partir de héros des journaux pour enfants du groupe. On lit, sur papier ou sur écran, puis on réalise une petite série d’exercices, c’est très vivant.

Pourtant à ce jour aucune étude ne prouve que la tablette ou le tableau interactif permettent d’apprendre vraiment mieux...

C’est vrai. On manque de recul et les résultats des enquêtes sont assez hétérogènes. L’une d’entre elles, réalisée sur 6000 élevée, vient de sortir au Québec - vous la trouverez le site Le Café pédagogique. Elle porte sur l’usage des tablettes. Elle indique que 56% des élèves mais seulement 23% des enseignants sont satisfaits de l’expérience. Et elle confirme la nécessité de prévoir des environnements spécifiques. Un tiers des élèves admet en effet qu’il lui arrive de jouer, et en règle générale les enseignants trouvent que cela accroît les risques de distraction. Mais les éditeurs d’applis travaillent sur le sujet et on voit de plus en plus d’offres, y compris grand public, de tablettes éducatives avec des univers fermés.

Beaucoup d’initiatives sont aussi portées directement par des enseignants.

Oui, comme ce cours inversé mis en œuvre dans au collège Argote d’Orthez, à côté de Pau, qui accueille beaucoup d’élèves en situation de grande fragilité sociale, cours de français en l’occurrence. L’enseignante, Marie Soulié, a enregistré des petites capsules vidéo de 5’ maximum dans lesquelles elle présente une notion. Les élèves doivent la regarder le soir à la maison, ou au collège en 16h et 17h pour ceux qui n’ont pas d’accès à internet chez eux. La vidéo est assortie de petits quizz très simple : il faut dire de quoi ça parle, indiquer si on a des questions. Le soir, l’enseignante peut savoir quels élèves ont regardé, ce qu’ils ont compris, identifier ceux qu’il faudra suivre particulièrement. Le lendemain la notion est reprise en cours, d’abord collectivement - les élèves reformulent ensemble - puis par l’enseignante.

Entre l’enregistrement des capsules vidéo et la préparation des cours chaque soir, cela change complètement le métier...

Oui, et elle espère d’ailleurs le renfort d’autres enseignants pour venir à bout de toutes ces notions, l’idée étant de partager les ressources pédagogiques. Il est trop tôt pour dire si ça change les choses en matière d’apprentissage, mais ça les a déjà changé en termes d’engagement des élèves, de motivation, et c’est énorme. Autres dispositifs amusants, qui mêlent objets physiques, électronique et numérique, ceux que propose le site secouezlecours.fr. Il propose de démonter des objets contenant de l’électronique puis de les modifier avant de les remonter ; il utilise aussi les propriétés conductrices du corps ou de la matière pour détourner des objets familiers...

L’institution soutient ces efforts individuels ?

Officiellement oui. Tout cela est censé s’inscrire dans le cadre de la "stratégie numérique" de l’Education nationale. Et quand on voit la profusion d’initiatives présentées aux Boussoles du numérique on se dit que les choses avancent. Mais en marge des présentations officielles beaucoup d’acteurs témoignent de leurs difficultés quotidiennes. Ici un collège se demande comment s’équiper en haut débit quand cela coûte 2000 euros par mois et que le budget ne suit pas, dans beaucoup d’endroits on déplore le manque de personnels pour assurer la maintenance, pour résoudre les bugs. Les inégalités d’équipement sont flagrantes. Là c’est un inspecteur qui n’a pas envie de comprendre le message officiel et qui fait tout pour mettre des bâtons dans les roues aux professeurs des écoles en multipliant les tracasseries administratives

Donc on est vraiment au milieu du gué...

Oui. Ça bouge, c’est incontestable et d’ailleurs les Boussoles du numérique ont accueilli plus de monde que la manifestation jumelle qui s’était tenue l’an passé. Il y a aussi désormais des référents numériques dans les académies. Et puis le discours général de l’institution a évolué. Mais il faudra encore beaucoup de patience et sans doute de courage aux enseignants qui se sont lancés dans l’aventure.
Emmanuel Davidenkoff France info
Dernière modification le vendredi, 03 octobre 2014
An@é

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