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Grève générale, projet de loi 23 du ministère de l’Éducation du Québec, création de l’Institut national d’excellence en éducation : le texte qui suit présente un regard partiel sur la situation de l’éducation primaire et secondaire au Québec en ce début d’année 2024. Après avoir rappelé le contexte historique du système scolaire québécois, ce fourre-tout vous informera en quelques phrases sur la grève générale de plus de 4 semaines des enseignants fonctionnaires de l’état, sur le projet de loi 23 et sur l’Institut national d’excellence en éducation, nouvelle création du MEQ.

Le système scolaire québécois

Les informations suivantes sont des extraits de l’ouvrage de 1989 de Richard Leclerc, Histoire de l'éducation au Québec

https://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/bs2106902

Le système scolaire québécois a souvent été un pionnier en Amérique du Nord…

C’est à l'automne 1635 qu'est instituée à Québec, par les Jésuites (Compagnie de Jésus), la première école élémentaire et, par le fait même, l'ancêtre des institutions d'enseignement nord-américaines. En effet, le collège Harvard n'est crée aux États- Unis qu'un an plus tard.

Sous le Régime français … Les éducateurs avaient à leur disposition un petit ouvrage intitulé «L'école paroissiale ou la manière de bien instruire les enfants des petites écoles»rédigé à Paris en 1654 par le pédagogue Pierre Targa. Fort complet, ce recueil pédagogique, le premier sûrement à avoir été utilisé en Amérique du Nord.

Le retour au travail

Au retour en classe les élèves du secteur public auront manqué six semaines d’école.

Ce n’est que mardi le 9 janvier que le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, présent era les détails de son plan de rattrapage pour les élèves, le jour même du retour en classe de ces derniers. Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a rencontré les différents syndicats concernés de même que des comités de parents et des directions d’école pour proposer un plan de rattrapage. Celui-ci pourrait, entre autres, modifier le calendrier scolaire en retirant certaines journées pédagogiques, tandis que le gouvernement pourrait décider de revoir la date de remise des bulletins afin de s’adapter aux effets de cette grève.

L’année 2023 s’est achevée sur de grands déchirements du monde de l’éducation. Pour certains élèves, les parents auront fait appel à des tuteurs pour assurer la poursuite des apprentissages de leurs enfants. Par contre, pour les enfants des familles pauvres qui réussissent à peine à assurer l’essentiel, ces élèves pourront-ils bénéficier du support pédagogique utile au maintien d’un niveau scolaire acceptable, pour assurer leur réussite ?

À leur retour, les enseignants recevront-ils de la part de leurs services scolaires l’essentiel soutien à la gestion de ce déséquilibre au sein de leur groupe classe? L’une des principales demande de la récente négociation du renouvellement des conditions de travail des enseignants est «la composition des classes».

Cet enjeu sera-t-il respecté ?

0n inaugure en 1655 à Québec le collège des Jésuites … qui se compare aux meilleures écoles supérieures de France. … Pour les plus talentueux des moins fortunés, on institue un programme de bourses, le premier d'ailleurs en Amérique du Nord.

Après la conquête (Traité de Paris de 1763) Le clergé protestant … exerça des pressions importantes sur le gouverneur afin d'obtenir des maisons d'enseignement qui transmettent les valeurs anglo-saxonnes. … Le premier maître de la colonie, dénommé Patrick Mc Clement, qui enseigne la langue anglaise, arrive à Québec en septembre 1765 et la première école anglo-protestante (du Canada) ouvre ses portes un an plus tard dans la Vieille Capitale (Québec)….

Les élus de l'Assemblée législative ont voté en 1829 la Loi des écoles de syndics, ….Cette loi qui confirme la fonction de l'État comme intervenant de premier plan en matière d'éducation est particulièrement révolutionnaire, car le Québec est doté avant certains pays européens d'un système d'écoles élémentaires soutenu par une autorité gouvernementale.

Dans l'intention de favoriser la formation d'une élite francophone et un enseignement supérieur de qualité, les évêques québécois prônent la création d'une université catholique. En 1852 on assiste à la création, par le biais d'une charte royale émise le 8 décembre par la reine Victoria, de l'université Laval, la Première université franco-catholique du continent américain.

le parlementaire Hector-Louis Langevin (1826-1906), présenta en Chambre un projet de loi garantissant les droits scolaires de la minorité québécoise … elles débouchèrent sur le fameux article 93 … les anglophones devenaient la seule minorité nord-américaine à disposer d'écoles autonomes sur lesquelles ils exercent une autorité absolue …

Le système scolaire québécois est développé sous la domination de l’Église catholique romaine

Les écoles sous le Régime français … les programmes d'études sont plutôt dépouillés …les leçons de religion occupent une partie importante de l'horaire quotidien de ces élèves. L'objectif premier du cours primaire est de former de bons citoyens catholiques.

Tout au long du Régime français, le secteur scolaire a relevé essentiellement des instances ecclésiastiques … c'est à l'évêque de la colonie que revient la pleine souveraineté en matière d’éducation.

Le roi George III (1738-1820), édicta la Proclamation royale du 7 octobre 1763 … On assiste ainsi à la formation de la province of Quebec”, où l'on permet aux habitants du Canada de pratiquer la religion catholique … on édicte que toutes les écoles qui seront dorénavant construites devront dispenser un enseignement protestant en langue anglaise,… Le collège des Jésuites ainsi que l'École de mathématiques et d'hydrographie durent suspendre leurs activités dès 1759, et ce, jusqu'en 1871 …

Le gouverneur général, Guy Carleton (1724-1808), qui porte le titre de Lord Dorchester, constitua en mai 1787 une commission d'enquête dont le mandat est d'étudier et de recommander des solutions afin de rehausser le niveau de scolarisation des habitants de la colonie. Les commissaires déposèrent leur rapport en novembre 1789. Révolutionnaires par leurs suggestions,… Ce système … serait à la pleine et entière charge de l'État et dispenserait un enseignement gratuit accessible à tous, tout en étant non confessionnel…. Ce rapport ne crée par l'unanimité au sein du clergé catholique…. l'institution que l'on propose serait neutre, donc dirigée selon ses propos par “des hommes sans préjugés”, laïques et sans moeurs, ce qui est inacceptable pour l’Église. Rejeté … par une majorité d'ecclésiastiques québécois ainsi que par Rome, ce projet d'organisation scolaire sera relégué à la fin de 1790 aux calendes grecques par Lord Dorchester … cette période fut généralement défavorable pour le développement de l'éducation au Québec, notamment pour les franco-catholiques.

L'Acte pour l'établissement d'écoles gratuites et l'avancement des sciences (1801) connu également sous le titre: «Institution Royale pour l'avancement des sciences», prévoit l'établissement dans chaque paroisse d'une école élémentaire gratuite, dans chaque comté d'une école dite modèle et d'une institution d'enseignement supérieur pour chapeauter le tout…. Mal reçu par les francophones, le nouveau régime ne reçoit pas leur aval et fut un échec…. Le clergé décourage ses ouailles à réclamer des écoles royales sur lesquelles il n'a point juridiction, ce qui ne permet pas d'orienter, selon les valeurs catholiques, les cours qui y sont dispensés… les autorités ecclésiastiques par la voix de Mgr Plessis ont réclamé continuellement un système scolaire confessionnel … Suite aux pressions intenses exercées par le clergé catholique, le Parlement du Bas- Canada adopte en 1824 la Loi des écoles de fabriques … Par cette loi sont consacrées la confessionnalité des écoles primaires.

On met en branle en décembre 1859 le Conseil de l'Instruction publique crée par la loi de 1856 … le clergé y voyant sa chance en profite pour récupérer à son avantage ce système qui lui avait échappé quelques décennies plus tôt et l'infiltra rapidement afin d'exercer sa mainmise sur l'ensemble du réseau scolaire québécois… Le clergé voyant les instituteurs s'organiser et prendre en main leur profession, veut les soumettre dans leur milieu à l'autorité du curé.

La loi de 1869 introduisait une séparation intégrale et verticale de la structure scolaire…Elle s'est traduite au palier local par la création pan-québécoise de municipalités scolaires et d'écoles confessionnelles catholiques ou protestantes… où le clergé catholique accroît ses pouvoirs face aux civils tout en obtenant d'importants privilèges.

Ce n’est qu’avec la réforme Marois de 1997 que les Commissions scolaires organisées selon un système confessionnel avec des commissions catholiques et protestante, seront désormais constituées en fonction de la langue d'enseignement des établissements qui la composent, soit principalement du françaisou de l’anglais.

Et la politique … 13 ministères de l’éducation

Dès 1867, la formation de la Fédération canadienne introduisit de nouvelles règles du jeu qui ont modifié profondément le visage du système scolaire québécois…. L'éducation constitue un champ de compétence exclusivement réservé aux provinces en vertu de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Chacun des 13 provinces et territoires gère donc son propre système scolaire. Au Québec, la légifération en matière scolaire est sanctionnée par laLoi sur l'instruction publiquedu 18 septembre 1841. Le Conseil de l'Instruction publique sera désormais, et ce jusqu'au début des années 1960, le véritable maître en matière d'éducation au Québec. Le ministère de l’éducation du Québec, créé en 1964 a remplacé le département de l’Instruction publique.

Patrice Garant écrivait en 1968, Réflexions sur le statut des enseignants du secteur public au Québec [i]

La grève des enseignants fonctionnaires de l’automne 2023

Seuls les enseignants fonctionnaires de l’état ont fait la grève.

Le Front commun syndical a annoncé que les 95000 enseignants des écoles publiques du Québec seraient en grève une journée, le 6novembre. Son mandat prévoit le recours ultime à la grève générale illimitée. Pour la ronde 2023 des négociations, les organisations formant le Front commun sont la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ) (LeDevoir).

L’organisation du travail, la charge de travail, la composition de la classe, l’autonomie professionnelle et l’échelle salariale forment l’essentiel des revendications des grévistes qui dénoncent les conditions de travail difficiles dans lesquelles les profs du Québec disent exercer leur métier : Il faut dénoncer les directions toxiques, il faut arrêter de travailler après le nombre d’heures prévues et transférer les courriels des parents et la correction non terminée à la direction. Il faut dénoncer la gestion des budgets faite dans un bureau loin des enfants et de leurs besoins, dénoncer les gestionnaires qui gèrent juste des cases Excel, dénoncer la gestion comptable et déconnectée des centres de services et de l’État. (LeDevoir) Le Front commun intersyndical s’est donné comme mandat d’améliorer concrètement le quotidien des enseignantes et enseignants.

C’est le 28 décembre que La Fédération autonome de l’enseignement (FAE) a annoncé être parvenue à une proposition de règlement globale avec le gouvernement du Québec après 22 jours de grève générale illimitée (LeDevoir). Le règlement porte sur des éléments liés à la rémunération et à l'organisation du travail, comme l'aménagement des tâches et les conditions d'emploi.

Il n’y a pas eu grève des enseignants des écoles privées subventionnées par le ministère de l’éducation dont la subvention par élève est égale à 60% de celle versée aux écoles du secteur public pour les services éducatifs et dont les élèves ont continué leur scolarité. https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/804277/libre-opinion-prives-education-education-prive-grand-fosse?

Le retour au travail

Au retour en classe les élèves du secteur public auront manqué six semaines d’école.

Ce n’est que mardi le 9 janvier que le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, présentera les détails de son plan de rattrapage pour les élèves, le jour même du retour en classe de ces derniers. Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a rencontré les différents syndicats concernés de même que des comités de parents et des directions d’école pour proposer un plan de rattrapage. Celui-ci pourrait, entre autres, modifier le calendrier scolaire en retirant certaines journées pédagogiques, tandis que le gouvernement pourrait décider de revoir la date de remise des bulletins afin de s’adapter aux effets de cette grève.

L’année 2023 s’est achevée sur de grands déchirements du monde de l’éducation. Pour certains élèves, les parents auront fait appel à des tuteurs pour assurer la poursuite des apprentissages de leurs enfants. Par contre, pour les enfants des familles pauvres qui réussissent à peine à assurer l’essentiel, ces élèves pourront-ils bénéficier du support pédagogique utile au maintien d’un niveau scolaire acceptable, pour assurer leur réussite ?

À leur retour, les enseignants recevront-ils de la part de leurs services scolaires l’essentiel soutien à la gestion de ce déséquilibre au sein de leur groupe classe? L’une des principales demande de la récente négociation du renouvellement des conditions de travail des enseignants est «la composition des classes». Cet enjeu sera-t-il respecté ?

PROJET DE LOI 23

Dans ce projet de réforme des structures, on voit surtout poindre une immense soif de centralisation (LeDevoir). «Grâce à cette nouvelle loi, on vient améliorer l’efficacité du réseau» affirme monsieur le ministre Drainville. Cette réforme concentre plusieurs pouvoirs entre les mains du ministre de l’Éducation, notamment celui de casser les décisions des centres de services scolaires et de nommer et destituer leurs directeurs généraux — sauf dans le cas du réseau anglophone. Le ministre veut aussi avoir son mot à dire sur la formation continue des enseignants (LeDevoir). Un projet qui, selon les oppositions à l’Assemblée nationale est piloté par un «politburo».

Le ministère de l’Éducation a le bras de plus en plus long. La gestion du haut vers le bas se trouve renforcée à plusieurs niveaux. PL23, avec son approche «taille unique», risque d’envenimer plusieurs des problèmes de l’éducation publique québécoise en faisant rimer «excellence» avec «ingérence».

Le ministre veille à la qualité des services éducatifs dispensés par les centres de services scolaires. Pour l’exercice de cette fonction, il peut établir des modalités d’application progressive des dispositions des régimes pédagogiques relatives à la liste des matières et aux règles d’évaluation des apprentissages et de sanction des études.

Le ministre établit, à l’éducation préscolaire, les programmes dactivités et, à l’enseignement primaire et secondaire, les programmes d’études dans les matières obligatoires ainsi que dans les matières à option identifiées dans la liste qu’il établit en application de l’article 463 et, sil l’estime opportun, dans les spécialités professionnelles qu’il détermine. Ces programmes comprennent des objectifs et un contenu obligatoires et peuvent comprendre des objectifs et un contenu indicatifs qui doivent être enrichis ou adaptés selon les besoins des élèves qui reçoivent les services.(PL23)

Institut national d’excellence en éducation

Cet institut qui remplace le Conseil supérieur de l’Éducation devra entre autres déterminer les meilleures pratiques en éducation et faire la synthèse des connaissances au sujet de la réussite scolaire des élèves. L’acquisition de plus de «données probantes»par le ministère aura des effets positifs sur la réussite scolaire des élèves.

Les données probantes occupent un espace important dans les discussions en éducation.

L’un des risques entourant le mouvement des données probantes en éducation consiste à réduire la recherche à une seule vision de la recherche, excluant ainsi les autres formes de connaissances, méthodes de recherche et épistémologies…Un autre risque consiste à utiliser ces données sans que le jugement des praticiens ne soit sollicité; de faire une application directe «top down» de la science vers la pratique. [iii]

En bref, ne s’agit-il pas d’une conception de l’éducation qui s’éloigne de l’élève alors considéré comme un objet à former et oubliant toute la complexité de l’être humain en devenir ?

[i] Patrice Garant, Réflexions sur le statut des enseignants du secteur public au Québec - Volume 23, numéro 1, 1968 - URI : https://id.erudit.org/iderudit/027868ar DOI : https://doi.org/10.7202/027868ar

[ii] Bilan Québec, Site encyclopédique sur l'histoire du Québec depuis 1900, Université de Sherbrooke - Obtention du droit de grève par les enseignants québécois - https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/quebec/evenements/22621

[iii] Les données probantes en éducation - https://www.ctreq.qc.ca/les-donnees-probantes-en-education/

 

Dernière modification le mercredi, 10 janvier 2024
Ninon Louise LePage

Sortie d'une retraite hâtive poussée par mon intérêt pour les défis posés par l'adaptation de l'école aux nouvelles réalités sociales imposées par la présence accrue du numérique. Correspondante locale d'Educavox pour le Canada francophone.