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Guillaume Frantzwa publie un ouvrage sur la politique culturelle menée par le Ministère des Affaires étrangères, aspect souvent méconnu. La stratégie d’influence s’appuie principalement sur des organismes fondés à la Belle Époque comme les instituts français.

Après la Première Guerre mondiale apparaissent des contestations du statut de la France. Les pouvoirs publics et des partenaires privés dont des particuliers se mobilisent pour maintenir son rang. Le livre recense les différents outils déployés pendant le XXe siècle, les nombreux soutiens. L’auteur interroge également les défis actuels.

Diplomatie d’influence

Richement illustré d’archives du Quai d’Orsay, L’image de la puissance propose une couverture clin d’œil à l’aura de la culture française. Nous sommes en 1963, La Joconde a été exposée aux États-Unis, la photographie montre Jackie Kennedy de dos admirant la toile en présence d’André Malraux, Ministre des Affaires culturelles. A Washington, ce prêt historique accordé par Charles de Gaulle est couronné de succès et attire 1,6 millions de visiteurs. Ce geste diplomatique vise à détendre les relations avec les États-Unis car la France envisage de quitter l’OTAN – ce qui est effectif en 1965.

Guillaume Frantzwa, archiviste, conservateur et historien d’art, rappelle aussi le succès du projet muséal plus récent du Louvre Abu Dhabi initié par Jacques Chirac dès 2005 - soutenu par les présidents de la République qui lui ont succédé -, et qui s’inscrit dans la continuité du soft power - concept géopolitique développé en 1990 par Joseph Nye. Depuis 2010, c’est plutôt la notion de « diplomatie d’influence » qui prévaut pour désigner les activités culturelles sans l’imposition de la force.

L’auteur a étudié les ressources du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et d’institutions culturelles. A la fin du XIXe siècle, la langue française a un poids au niveau mondial. La culture est essentiellement définie par l’art, la musique, les lettres et les sciences – désormais elle couvre la mode, le design, les arts visuels... La défaite de 1870 provoque un fort traumatisme, l’influence de la France semble vaciller. L’Alliance française est fondée en 1883 par un collectif de bourgeois et de fonctionnaires pour permettre la diffusion du français et de la pensée française. A la Belle Époque, Paris est la capitale des arts. Cependant il y aurait une perte d’influence entre 1870 et 1920. Les élites et des citoyens se mobilisent et participent à la création d’outils soutenus par l’État. Pendant la première partie du XXe siècle, un ensemble de structures contribuent à la politique culturelle hors de nos frontières : « L’enjeu n’est pas seulement une question de prestige et de célébrité, précise Guillaume Frantzwa, c’est aussi un souci de diffuser des valeurs et une vision du monde. »

Le potentiel des réseaux culturels

L’ouvrage de Guillaume Frantzwa permet de prendre conscience du potentiel des réseaux culturels toujours actifs à travers le monde. La Mission Laïque (1902) développe des lycées. Les premiers instituts français (1907) sont des lieux d’accueil et permettent les échanges entre étudiants. L’Institut français de Florence joue un rôle favorable pendant la Première Guerre mondiale avec une propagande pro-française. Ce constat accentue l’implantation d’instituts français. En 1922, l’Association française d’action artistique (AFAA) – initiative des Ministères des Affaires étrangères et de l’Instruction publique - doit promouvoir les artistes vivants. L’institution devenue l’Institut français vient de fêter son siècle d’existence.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’essaimage des lycées français vise à contenir l’avancée de l’anglais mais le combat semble perdu. Malgré le manque de moyens, la politique culturelle est active sur la scène internationale : relance du Festival de Cannes, tournées d’artistes, exposition France come back à New York en 1946, engagement à l’ONU et à l’Unesco… La seconde partie du siècle reste mouvementée avec les conflits coloniaux, la guerre froide…

De nouveaux champs d’action sont explorés comme la Francophonie, des missions archéologiques, de grandes expositions, la coopération scientifique… Au Ministère de la culture, après Malraux, Jack Lang fait preuve d’inventivité - certaines de ses propositions sont reprises à l’international (Fête de la musique, Journée du patrimoine…). Le livre cite peu de ministres du Quai d’Orsay, excepté Jean-Yves Le Drian qui a soutenu le projet de La Villa Albertine (2021) – résidences de création dans dix villes américaines. Actuellement, les défis restent nombreux même si la France est une référence culturelle couronnée par des succès : la diplomatie des musées, le duo Daft Punk, l’ouverture à d’autres cultures... L’anglais domine et la position de la France est attaquée dans un contexte géopolitique mouvant. Guillaume Frantzwa alerte sur l’importance de rester un acteur de la diplomatie. Il est préoccupé par le sous-investissement du numérique, d’Internet, des réseaux sociaux. Il préconise un renforcement de l’éducation en France et dans le monde.

Fatma Alilate

L’image de la puissance, la diplomatie culturelle de la France au XXe siècle de Guillaume Frantzwa. Parution le 16.11.23 - 256 pages, Coéditions Perrin et MEAF, 29 €.

Dernière modification le jeudi, 29 février 2024