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" L’introduction des technologies d’information et de communication au niveau de l’Ecole n’est pas aussi simple que l’introduction du téléphone mobile. Il ne s’agit pas d’une technologie qui intègre et amplifie les habitudes culturelles du moment. Il s’agit bien d’un changement fondamental des habitudes de l’école.

L’évaluation quantitative au niveau des équipements n’est pas suffisante même si elle est un indicateur précieux et significatif pour montrer des évolutions.  Il ne s’agit pas  en effet seulement de mettre en place de meilleures conditions techniques de construction des connaissances mais d’intégrer des dimensions qui permettent de socialiser les élèves, souci majeur actuel.

Les techniques actuelles permettent de concrétiser des projets dans une articulation fine de dispositifs d’échanges et de partage, de modifier le rapport au savoir qui ne peut s’appuyer seulement sur des contenus disciplinaires et sur des évaluations normatives. Complexité ? Oui mais défi majeur. " C’est ce que j’écrivais dans un édito de l'An@é en 2003

L’existence de nouvelles conditions – numérique, mobilité, travail – obligent élèves, étudiants et professeurs, ensemble, à un original et dynamique rapport aux savoirs

" Il ne s’agit pas seulement de mettre en place de meilleures conditions techniques de construction des connaissances. Il s’agit d’intégrer des dimensions qui permettent de socialiser les élèves, souci majeur actuel. Les techniques actuelles permettent de concrétiser des projets dans une articulation fine de dispositifs d’échanges et de partage, de modifier le rapport au savoir qui ne peut s’appuyer seulement sur des contenus disciplinaires et sur des évaluations normatives". Actes de l'An@é 2000

Le rôle de l’enseignant

"L’adulte enseignant demeure le pivot d’une première modélisation pour les élèves. L’importance de cette modélisation fait jouer des éléments inaliénables : richesse de la personnalité, sens de l’Autre, clarté d’un engagement sur des valeurs d’un consensus solide, volontairement lucide au service de la réussite individuelle et collective.

Cette exemplarité efficace reflète, dans les conditions propres à toute profession (difficulté occasionnelle, conflits, etc.) une précieuse sérénité et une conception jubilatoire de la « vie scolaire » (entendue ici comme l’ensemble cohérent des faits, gestes, postures, attitudes, conduites, qui constituent la vie dans l’école ou l’établissement).

Par la formation, par l’expérience professionnelle, par cet équilibre heuristique entre la vie personnelle et le métier, par une implication forte (le fameux et très juste « on enseigne ce qu’on est » de Jaurès) l’enseignant vit et fait vivre des valeurs irremplaçables. Sa personne y est entièrement sollicitée. Il reste à l’institution à veiller à conforter la personnalité de ses « agents », ses « acteurs », par une ré-affirmation claire des missions, rôles et fonctions mais aussi par une sollicitation de ces volontés que parents et enseignants appellent de leurs vœux au cœur d’une citoyenneté en partage, au sein d’une société de droits et de devoirs.

En déclinant les significations des notions et valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, par le métier même, au jour le jour, dans l’enseignement (par exemple le respect des opinions, l’éclairage effectif de la liberté par l’exercice des libertés scolaires etc.) et dans le rapport éducatif (respect des valeurs de justice, de tolérance, d’altruisme, de don de soi etc.) qui lie l’enseignant aux élèves sa modélisation se conjugue par :

  • L’expérience renouvelée par les enfants et adolescents d’une relation à l’adulte faite de confiance et de respect, porteuse d’une saine émulation.
  • Un vécu individuel et collectif de richesse en PARTAGE (les savoirs, les compétences, les attitudes, les conduites...) favorisant des habitudes elles-mêmes créatrices d’autres habitudes positives à moyen et long terme (des individualités fortes mais non égoïstes, des appartenances solides mais non exclusives des autres car fondées sur une pratique solidariste).
  • Une confrontation tonique et jubilatoire avec la connaissance (apprendre, vaincre les ignorances, se bâtir progressivement une identité cognitive mais pas au prix d’un individualisme restrictif autour de la seule réussite individuelle limitée aux acquêts intellectuels monnayables pour un positionnement élitiste, etc.)

Loin de toute candeur, ou d’un angélisme éducatif, l’illustration de ces valeurs, attitudes, conduites par l’exemplarité de l’enseignant, un tel processus de participation à la réussite de l’Ecole est toujours partagé et accepté par presque tous les enseignants. Pour « peu » toutefois qu’on identifie avec simplicité et rigueur ces points d’appui archimédiens qui permettent de réduire les grandes difficultés liées à l’infortune des naissances, à la fragilité de certains psychismes d’élèves, au stress réel que provoquent les très fortes attentes du corps social de la réussite sociale.

Parmi ces points d’appuis, ceux qui relèvent du respect des valeurs évoquées et de celui de soi-même, suppose un adulte avec l’épaisseur nécessaire, le détachement lucide et attentif, enfin l’ineffable bonheur de se révéler en révélant autrui à lui-même dans ce qu’il a de meilleur."

J’ai plaisir à publier cet extrait toujours d’actualité d’un article de Mokhtar KACHOUR Inspecteur d’Académie  publié en 2004.

La revalorisation et l’estime du corps enseignant ainsi que des pratiques scolaires de développement de l’estime de soi est un point important à développer (par) pour les enseignants, les parents et les élèves. Les pratiques qui se développent avec le numérique peuvent engendrer un autre rapport plus respectueux de l’élève avec les nouvelles formes d’évaluation et de rapport au savoir.

Il existe une  valeur de l’exemplarité dans les gestes, les conduites, les langages et  il existe une forte valeur ajoutée : la formation.

 

Le rôle de la  formation

Michel Grandaty, Professeur des universités en Sciences du langage dans cet extrait d’un article de 2002 insiste sur cette formation en évoquant la part des « processus identificatoires » :

« C’est le cas de l’implicite du travail, tout ce qui va de soi, tout ce « qui va sans dire » pour un sujet ou un groupe particulier. Ce registre inconscient de l’activité renvoie en grande partie aux processus identificatoires. Les processus identificatoires concernent entre autres l’appropriation des images, des modèles, des référents, véhiculés par les parents, les adultes rencontrés, les images médiatisées. Ils concernent les figures de « maîtres » intériorisées qui ont structuré les choix de vie, les attitudes, les valeurs, et les modes d’activité dont sont porteurs les enseignants et autres éducateurs. »

Ce registre inconscient ne joue-t-il pas dans l’appropriation lente du numérique ?  

Nous voyons l’importance essentielle du rôle notamment des ESPE mais également du rôle des échanges entre pairs, de l’accompagnement  accessible d’équipes formées en amont, - DANE- CANOPE…) de la nécessité d’ouverture vers d’autres modes de formation plus informels.

Le monde de la formation aujourd’hui est en pleine mutation.

 

Le rôle des réseaux

Réseaux d’Echanges et de Savoirs, réseaux sociaux, publications ouvertes, associations,  sont autant de possibilités de transformer et d’enrichir analyses et pratiques. Le numérique amplifie d’une manière exponentielle ces possibilités. Il s’agit parfois d’échanges furtifs ou superficiels lorsqu’on lit un article. Certes cela participe à une « culture «  commune, permet le débat d’idées, , le « projet » construit au sein des équipes éducatives va au-delà.

 "Par « pédagogie du projet », nous désignons un processus d’apprentissage/ acquisition qui conduit des apprenants à réaliser en commun un produit concret possédant une visée sociale authentique. Ce processus est dirigé par des objectifs d’apprentissage définis au départ par l’enseignant et que chaque apprenant atteint en passant par une série de problèmes à résoudre. L’apprenant qui s’inscrit dans un projet franchit les différents obstacles qu’il rencontre. Il acquiert, construit ainsi des savoirs et des savoir faire en situation ; il les structure en prenant en compte le fait qu’ils sont interdépendants.

Une des particularités de cette pratique, nous le voyons, est de positionner l’apprenant comme acteur de son apprentissage. Néanmoins, une autre propriété de la « pédagogie du projet » est de favoriser la dimension interactionnelle de cet apprentissage. Tout au long du processus se crée un réseau, à l’intérieur et à l’extérieur de la classe, dans lequel les apprenants collaborent, interagissent, échangent des informations et des connaissances. La réalisation en commun du produit conduit donc les apprenants à devenir des acteurs sociaux.

Le rôle de l’enseignant se trouve lui aussi modifié par rapport à une situation traditionnelle d’enseignement/apprentissage. Il conserve bien entendu son statut d’expert de son domaine de spécialité ainsi que celui d’évaluateur (un projet demande une évaluation tout au long de sa réalisation ainsi qu’une évaluation finale qui peuvent être effectuées avec les apprenants). Mais l’enseignant, lors de la réalisation d’un projet, devient avant tout un guide pour les apprenants (il motive et supervise les apprentissages ; il fournit des outils ; etc.) ainsi qu’un gestionnaire (il partage l’organisation ; gère le temps, l’espace, etc.).

La pédagogie du projet intègre enfin la dimension socio-culturelle de l’apprentissage. En effet, les apprenants réalisent un produit ayant une visée sociale authentique, ce qui se traduit le plus souvent par la présentation du produit à l’extérieur de la classe. Cela a pour conséquence de ne pas limiter les apprentissages dans le contexte scolaire mais bien de les inscrire dans un contexte plus large, celui de la société. Les apprenants construisent donc des savoirs et des savoir faire qui sont liés au monde et non pas décontextualisés.

Les dimensions interactive et sociale qui sont deux constituantes fondamentales de cette pratique de classe viennent se confronter à des réalités sociales déjà existantes (la hiérarchisation des statuts des acteurs, le contrat didactique, mais aussi la réalité institutionnelle)."

Extrait d’un article d’Agnès Bracke, Xavier Lavry, Henri Portine Université de Bordeaux 3 publié en 2003, synthèse de travaux de 2001.

 

L’école numérique : contrats, projets, outils et ressources

Le projet s’est étendu aujourd’hui dans le cadre de l’école numérique.

La démarche de contractualisation s’est mise en place entre les différents acteurs, institutions, collectivités,  entrainant  la description explicite des rôles et attentes de chacun dans un contrat peut-être particulier à chaque situation mais qui est un contrat social.

Les ressources et outils disponibles permettent aujourd’hui la mutualisation, le projet construit avec des outils numériques. Les communautés se reconnaissant dans la classe inversée, la twictée,  l’utilisation des espaces de travail, de logiciels d’évaluation de réalité augmentée…les écritures collaboratives, la programmation de robots…construisent de « l’intelligence collective et connective » innovent produisent…

Les équipes d’établissements n’ont pas toujours cette possibilité dans un rapport de proximité. Peut-on donner du temps aux enseignants pour travailler ensemble dans le cadre d’une politique d’organisation différente du temps scolaire ? La question des espaces et des temps est aujourd’hui au cœur des réflexions.

 

Alors.. et demain ?

Les échanges au niveau mondial placent tout citoyen au centre des questions vives de la démocratie, de l’information et des savoirs. A chacun d’entre nous d’y participer. J’ai volontairement choisi des citations datées du début des années 2000 d’une part pour inscrire les changements dans une histoire et une culture,  d’autre part pour montrer que les chercheurs, les institutions, les enseignants et toute la communauté éducative dont les associations avancent depuis 20 ans sur ces sujets.  Les 20 ans de l’An@é. Dossier en cours

L’école dans une société complexe, connectée, dominée par les questions économiques est-elle en phase avec l’actualité, la culture, le sport, les langues étrangères… les activités de découverte et les pratiques sociales liées notamment à la mobilité ?

L’institution scolaire dépassant son modèle « napoléonien » s’oriente t-elle  d’un fort pilotage national à une nouvelle forme de gouvernance intégrant une liberté et autonomie locales ?

Les projets politiques qui viennent permettront-ils de dépasser l’éternel débat idéologique entre transmission et co-construction des savoirs ?

A l’heure où le numérique transforme des métiers qui sont devenus socialement dévalorisés ou inutiles, comment chacun peut-il devenir acteur de ses choix et de sa formation ?

Comment répondrons-nous aux défis et comment  anticiperons-nous  les approches économiques, techniques, idéologiques, culturelles et sociales du futur ?

Michelle Laurissergues

Présidente de l'An@é

Dernière modification le mardi, 06 décembre 2016
Laurissergues Michelle

Présidente et fondatrice de l’An@é, co-fondatrice d'Educavox et responsable éditoriale.