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Futur en Seine est un moment rare et magique. À ce sujet, je vous conseille la lecture du billet rédigé tout récemment par Jennifer Elbaz sur Educavox. Il y a aussi cette belle synthèse que nous offre Le Monde dans un article très complet qui tisse le florilège des innovations numériques.

Il s’agissait, en fait, de la présentation critique d’un support pédagogique vidéo, « Les aventures croustillantes de Prince Chip », gagnant du concours des Trophées Educnum en 2014.

Ce support a été présenté à deuxAffiche Futur en Seine classes de CE2 et de CM2 de l’école Benoît-Malon A du Kremlin-Bicêtre et c’est cette séquence pédagogique qui est proposée, en présence des professeurs, aux commentaires des participants à l’atelier de Futur en Seine, sur la table ronde ou dans la salle : « Comment sensibiliser les plus jeunes aux bons usages du numérique ? ». Dans le corps du texte, il est même question de sensibiliser les plus jeunes aux bons usages du numérique et à ses enjeux sociétaux…

 

La vidéo incluant les séquences pédagogiques et les réactions des élèves n’est pas disponible encore mais, en attendant, vous trouverez ci-dessous, en deux épisodes, les aventures de Prince Chip.


                                                                  Une patate peu ordinaire

Jack’s Poivron l’usurpateur d’identité

La question posée aux intervenants par Isabelle Falque-Perrotin, présidente de la CNIL, était la suivante :

 

 Quelques observations pour tenter de répondre à cette question

Le travail réalisé par les étudiants lauréats est assez remarquable, même s’il est loin d’être complètement adapté au public ciblé, à cause sans doute de l’utilisation de représentations ou de références qui ne font pas partie du réel ou de l’imaginaire de ces enfants. Mais, il faut souligner l’excellent travail — je pèse mes mots — des professeurs d’école concernés qui ont su mettre en musique et interroger le support pédagogique pour le rendre compréhensible et surtout en faire un objet d’apprentissage.

Je me réjouis, par ailleurs, pour ma part, de la collaboration avec les services du ministère de l’Éducation nationale, collaboration qui semble mettre, de manière globale, le projet d’éducation au numérique du collectif sur de bons rails. Enfin, dirais-je ! tant la situation paraissait bloquée les années précédentes. Il va de soi qu’un projet d’éducation au numérique ne peut se faire sans le système éducatif et, surtout, ses professeurs.

Je me réjouis encore de la coopération renouvelée avec les familles et les parents, même si, de ce côté, on peut mieux faire encore. Divina Frau-Meigs, qui dirige le Clemi, a évoqué, à juste titre, elle qui raffole des préfixes qui ont du sens, l’indispensable co-éducation. Serge Tisseron, présent lui aussi, a rappelé l’essentiel :

Un dernier mot sur cette introduction, pour continuer sur les partenariats : pourquoi ne pas convier, d’une manière ou d’une autre, les principaux acteurs, les élèves eux-mêmes, les plus grands d’entre eux, par l’intermédiaire de leurs élus au CSE ou au CNVL, par exemple ?

Futur en Seine

Les mots ont de l’importance

 #educnum Je continue à penser que parler de vie privée à des jeunes ou des ados n'a pas de sens pour eux

— Michel Guillou (@michelguillou) June 11, 2015

Ces concepts de « vie privée » et de « données personnelles » me mettent toujours mal à l’aise, surtout quand on les emploie pour l’éducation des adolescents, à plus forte raison des plus jeunes.

Le premier mot est souvent compris, n’en déplaise aux adultes qui en ont intégré le sens précis, comme une vie privée… de tout, de l’essentiel, que sais-je encore ! Loin, très loin du contraire de « publique ». Et puis, surtout, c’est un anglicisme de plus auquel s’ajoute la mauvaise traduction de la « privacy » anglo-saxonne dont la plupart des psychologues s’accordent à dire qu’elle signifie plutôt « intimité ».

Quant aux « données personnelles », il faut souvent un peu de temps pour expliquer aux enfants, ce qu’ont d’ailleurs fort bien fait les deux professeurs des écoles concernés par cette première présentation, qu’il s’agit justement d’éléments parcellaires mais bien réels de leur intimité, justement, qui peuvent prendre différents noms, comme « adresse », « identité », « numéro de téléphone », « localisation » etc. ou encore les préférences alimentaires, culturelles, sociales… En faire un tour presque exhaustif est souvent d’ailleurs un challenge intéressant à mener avec les élèves…

C’est donc ce concept d’intimité, ou peut-être, comme le disent certains, d’intimités, car elle se présentent sous différentes facettes, en de multiples occasions, qu’il est important d’explorer avec les élèves et les jeunes, de manière plus large. C’est de ces intimités-là que les jeunes doivent prendre conscience, tenter d’y placer des frontières, variables sans doute en fonction de l’âge, notamment, pour mieux les distinguer des extimités au sens que leur ont donné Lacan et Tisseron.

Mais je souhaiterais revenir in fine sur le titre même de cet atelier : « Comment sensibiliser les plus jeunes aux bons usages du numérique ? ».

Sensibiliser ? Cela semble être le mot à la mode. On sensibilise n’importe qui à n’importe quoi en ce moment et, en matière d’éducation, « sensibiliser » semble être le succédané du pauvre d’« éduquer » ou « apprendre ». Ainsi, on sensibilise au harcèlement, voir mon dernier billet (1), au tri des déchets, au handicap, à l’environnement ou à la sécurité routière…

Le numérique, l’Internet, méritent bien autre chose, à mon sens, qu’une simple sensibilisation. Il s’agit bien d’apprendre, maintenant, de mettre le numérique et ses enjeux au cœur des apprentissages, de la maternelle à l’Université. Maintenant que la CNIL et son collectif Educnum ont obtenu l’appui et la collaboration du système éducatif dans son ensemble et des parents, c’est bien l’éducation au numérique qui doit pouvoir s’afficher.

Il en va de même des bons usages. De quoi s’agit-il ? Sans doute, dans l’esprit de ceux qui ont écrit ces mots, d’apprendre à adopter des attitudes et des comportements en ligne pertinents qui s’éclairent de l’apprentissage d’une autonomie et d’une responsabilité qui sont, toutes deux, inscrites dans le Socle commun… Dans ce cas, pourquoi ne pas le direplutôt que d’utiliser ce mot de « bon » qui conserve, quoi qu’on en dise, une valeur normative morale qui ne sied guère en l’occurrence ?

Je souhaiterais, pour terminer, revenir, comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire souvent, sur l’utilisation toujours ressassée du mot « usages ». Je crois, oui, comme je me souviens un jour l’avoir dit à un inspecteur de discipline qui m’interrogeait à ce sujet, que plus il y a d’usages, moins il y a d’engagement et d’action. Pour ma part, je ne souhaite pas que nos enfants, les élèves, soient élevés comme des usagers du numérique, de bons usagers dirait-on en bonne morale. Ce que nous voulons, c’est en faire des acteurs engagés, conscients donc responsables, en toute autonomie, dans un numérique civil et citoyen.

C’est à cette condition qu’on peut espérer les voir un jour prendre le volant de leurs données personnelles et refuser les diktats économiques et politiques tendant à les asservir.

Michel Guillou @michelguillou

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Crédit photo : //www.flickr.com/photos/ via photopin (licence)

1. Liberté d’expression : faut-il encore faire confiance aux jeunes pour la défendre ? http://www.culture-numerique.fr/?p=3325

Dernière modification le vendredi, 26 janvier 2018
Guillou Michel

Naturaliste tombé dans le numérique et l’éducation aux médias... Observateur du numérique éducatif et des médias numériques. Conférencier, consultant.