fil-educavox-color1

Initialement publié sur InternetActu : Lors du dernier SXSW consacré à l’éducation, la chercheuse américaine danah boyd (@zephoria) a, comme à son habitude, délivré une très intéressante conférence sur la question de l’éducation aux médias (vidéo) devant un parterre de spécialistes. Intéressante parce qu’elle remettait en question certaines approches faciles ou rapides de la façon dont on considère l’éducation aux médias.

Idéalement, l’éducation demande aux élèves de remettre en cause leurs hypothèses, de chercher de nouvelles explications.

Le problème est que le gouffre qui s’ouvre alors peut être rempli d’une manière profondément problématique, estime Danah Boyd. Lorsque nous demandons aux élèves d’interroger leurs croyances sans leur donner un nouveau cadre pour donner un sens au monde, d’autres sont souvent là pour le faire à la place de leurs professeurs ou de leurs parents.

Danah Boyd a un profond respect pour l’objectif de l’éducation aux médias, qui consiste, comme l’explique la spécialiste du sujet Renee Hobbs en « une enquête active et une réflexion critique sur les messages que nous recevons et créons ».

La « littératie médiatique » consiste donc à développer des compétences pour analyser, évaluer et créer des médias. Elle vise à la fois à autonomiser les individus et à leur donner des outils pour créer une société démocratique.

Dans un récent rapport de Data & Society, Monica Bulger (@literacyonline) et Patrick Davison, rappellent d’ailleurs que l’éducation au média a montré des résultats positifs, notamment en permettant d’évaluer le contenu partisan, d’améliorer la pensée critique ou le changement de comportement, mais que celle-ci a encore des efforts à faire pour s’améliorer.

« Mais fondamentalement, c’est une forme de pensée critique qui demande aux gens de douter… Et ça me rend nerveuse ».

L’éducation aux médias à l’heure de la post-vérité

Danah Boyd avait commencé à éclairer ces questions dans un article publié l’année dernière.

Elle y soulignait déjà que pour elle, les deux solutions pour combattre la désinformation, à savoir l’éducation aux médias et les initiatives de vérification de l’information, oublient de prendre en compte le contexte culturel de notre consommation d’information.

Elle rappelle une histoire lors d’une interview avec une adolescente qui lui expliquait ce qu’elle pensait des rapports sexuels et lui avait rapporté des certitudes particulièrement inexactes, comme le fait qu’on ne pouvait pas tomber enceinte avant 16 ans ou que le Sida ne se propageait que via les baisers…

Autant d’informations qu’elle avait validées par des recherches en ligne. « Lorsque les élèves sont invités à comprendre le fonctionnement des médias, on leur enseigne à être critique, tout en soulignant que certaines publications sont plus dignes de respect que d’autres. Or, tout le monde n’est pas d’accord sur ce qui fait une source fiable. Aux États-Unis (pas seulement) nous vantons la responsabilité personnelle. »

Chacun est son propre maître : tant et si bien que chacun est sensé comprendre par exemple la finance pour gérer efficacement sa retraite. Cette logique culturelle libérale est très forte. Mais elle a également des conséquences pour la connaissance et l’information. « Tout ce qu’ils ont à faire est de « faire les recherches » par eux-mêmes et ils sauront mieux que quiconque ce qui est réel ».

Ce qui n’est pas sans poser problème, comme le pointe une étude récente de Francesca Tripodi pour Data & Society, l’Institution de recherche que dirige danah boyd, qui a observé les pratiques de recherches d’information de conservateurs américains et qui souligne que ni Google, ni les termes que l’on recherche ne sont neutres.

Les recherches visant à vérifier des faits finissent par les imposer. Tripodi parle ainsi « d’inférence scripturale » pour décrire les méthodes de recherche de ces publics, profondément influencés par leurs propres convictions et par les termes qu’utilisent les médias conservateurs auprès de leurs publics qui les invite à s’informer sur ceux-ci plutôt que sur d’autres, comme l’explique le Washington Post. Les différences de termes utilisés vous conduisent à faire des recherches différentes et à des résultats différents et orientés.

Lors du Pizzagate, qui associait Hillary Clinton à un réseau de trafic d’enfants censé être lié à une pizzeria de Washington, tous les journaux ont multiplié les efforts pour dénoncer et contester ces allégations. Or, ces dénis ont eu l’effet inverse, rappelle danah boyd. Pour beaucoup de gens qui ont appris à se défier des médias et qui étaient déjà enclins à ne pas faire confiance à Clinton, cette convergence a suggéré qu’il y avait quelque chose d’étrange… jusqu’à ce qu’un type déboule avec une arme à feu dans la pizzeria (sans faire de victime, heureusement).

De nombreux groupes marginalisés sont en colère envers la façon dont les médias, les institutions ou les élites les rejettent : rappelons, souligne Danah Boyd, qu’il a fallu 5 jours avant que les grands médias ne s’intéressent aux émeutes de Ferguson et plus de temps encore pour que des journalistes s’intéressent aux problèmes que des Indiens du Dakota avaient avec le projet de pipeline traversant leur territoire. « Pour de nombreux Américains qui ont vu leurs journaux locaux disparaître, les reportages d’actualités semblent déconnectés de leurs réalités. Les problèmes et les sujets qui, selon eux, affectent leurs vies sont souvent ignorés ».

Expérience contre expertise

Depuis longtemps, les responsables des droits civiques plaident pour le respect de l’expérience sur l’expertise.

Mais force est de constater qu’elle est rarement prise en compte et qu’on lui donne rarement la parole. Danah Boyd compare la situation avec celle de la médecine. Longtemps les gens ont eu un médecin de famille dans lequel ils avaient confiance. Aujourd’hui, beaucoup les considèrent comme des gens arrogants et condescendants, trop chers et inattentifs à leurs besoins. Les médecins manquent de temps pour passer un peu de temps avec leurs patients. Les gens se sentent dupés par des coûts trop élevés et des procédures compliquées. La confiance du public envers les médecins a diminué.

À l’inverse, les gens obtiennent de plus en plus facilement des informations de leurs réseaux sociaux.

Non seulement ces informations sont moins chères à obtenir, mais elles proviennent de gens qui sont prêts à les écouter, à les comprendre, à comparer leurs avis et leurs recommandations. « Pourquoi faire confiance à des experts quand vous avez à portée de main une foule de personnes bien informées qui ont peut-être vécu la même expérience que vous et qui peuvent vous aider ? »

Danah Boyd dresse alors un parallèle entre cette dynamique et les discussions autour des liens supposés entre autisme et vaccinations (non, il n’y en a pas !). À l’origine des doutes, on trouve un article produit par des experts reliant l’autisme aux vaccinations : un article qui a résonné avec l’expérience de nombreux parents. Puis d’autres experts ont contesté les motivations du chercheur et se sont engagés dans une campagne pour expliquer qu’il n’y avait pas de liens. « Ce qui se déroulait ressemblait à une guerre de l’expertise contre l’expérience ». Les anti-vaccinations soulignent, eux, que nous ne savons pas s’il y a des liens entre vaccination et autisme. Ils réclament le choix (le choix de ne pas vacciner). « Ils font ce que nous leur avons appris à faire : remettre en question les sources d’information. Le doute est devenu un outil. »

Fake news : le triomphe de la polarisation

L’obsession autour des fake news relève du même type de conflit.

D’un côté les experts accusent les gens « stupides » de ne pas comprendre ce qui est réel. On invite les experts à étiqueter ce qui est réel de ce qui ne l’est pas. Et on en appelle à une meilleure éducation aux médias. Tant et si bien qu’il suffirait de couper certaines sources de FB ou des réseaux sociaux pour résoudre le problème.

Le problème est que les gens croient en l’information qui confirme leurs croyances.

« Si vous leur présentez des données qui les contredisent, ils recourront à leurs croyances plutôt que d’intégrer de nouvelles connaissances dans leur mode de compréhension ».

C’est pourquoi, souligne Danah Boyd, montrer aux gens du contenu labellisé qui contredit leurs opinions risque surtout d’augmenter leur haine de Facebook en tant qu’institution, plutôt que corriger leur croyance… Bref, cela risque surtout de renforcer la polarisation.

C’est d’ailleurs pourquoi les progressistes propagent à leur tour des fake news qui renforcent leur conviction que les partisans de Trump sont stupides et arriérés.

Danah Boyd est convaincue que la labellisation de l’information risque surtout d’encourager la polarisation. Pour elle, s’attaquer aux fausses nouvelles va demander bien plus que labéliser l’information et ce d’autant qu’il n’est pas sûr que cela nous amène là où nous souhaitons aller. Pour elle, l’enjeu est plutôt de changer de culture sur la façon dont nous donnons un sens à l’information, sur ce en quoi nous avons confiance et comment nous comprenons notre rôle dans le traitement de l’information. Des solutions rapides et faciles peuvent peut-être limiter les controverses, mais elles ne permettront pas de résoudre le problème de fond.

Danah Boyd estime qu’en tant que défenseur de l’éducation aux médias, elle a raté son objectif.

« Mes croyances et hypothèses ne s’alignent pas avec celles de la plupart des Américains ». Pour elle, les intermédiaires de l’information sont importants, car nul ne peut être pleinement informé, ce qui suppose de sous-traiter certaines questions.

Or, les États-Unis détruisent son tissu social par la polarisation, la méfiance et l’auto-ségrégation. « Et que cela nous plaise ou non, notre culture du doute et de la critique, l’expérience plutôt que l’expertise et la responsabilité personnelle nous poussent à aller plus loin encore dans cette voie ».

L’éducation aux médias nous invite à poser des questions et à nous méfier des informations et c’est justement ce qu’ils font, concluait alors la chercheuse dubitative devant ce paradoxe. Aucun pansement simple ne fonctionnera, estimait alors la chercheuse, sans proposer de piste d’action claire.

Un an plus tard, au SXSW donc, son propos s’est renforcé.

Fake news : une crise épistémologique

L’éducation aux médias n’existe pas vraiment dans les écoles explique-t-elle.

On n’en trouve qu’une version dégradée invitant les élèves à distinguer CNN de Fox News, à débusquer le parti pris d’un reportage. Quand elle s’intéresse au numérique, elle se résume souvent à un « ne faites pas confiance à Wikipédia et faites des recherches sur Google ».

L’éducation aux médias est régulièrement invoquée comme la solution aux fake news, quand elle n’est pas invoquée comme la solution pour résoudre par magie notre division politique. Or, rappelle Danah Boyd, nous vivons dans une société polarisée. Et pour une progressiste comme elle, les phénomènes conservateurs et libéraux qui imprègnent les questions médiatiques ne se réduisent pas simplement… en tout cas, ne se réduiront pas d’un simple coup de baguette magique. Les meilleures intentions peuvent conduire au pire et la vision étroite de l’éducation aux médias et à la pensée critique également.

Dans un écosystème médiatique instable et en pleine transformation, il nous faut nous demander à quel type d’éducation aux médias nous devrions travailler.

En 2017, la sociologue Francesca Tripodi a réalisé un travail pour comprendre comment les communautés conservatrices comprenaient les propos contradictoires du président américain. Elle s’est rendu compte par exemple que les communautés conservatrices évangéliques, formées à l’interrogation critique des textes bibliques, ne prenaient pas les messages de Trump dans leur sens littéral. Les gens interprétaient leurs significations comme ils le font de la Bible. « Les métaphores et les constructions importent plus que la précision des mots ».

Or, le plus souvent, nous valorisons la précision dans le langage. Pourtant, les compétences linguistiques et communicationnelles ne sont pas universellement appréciées, tant et si bien que la résistance à ces compétences est en passe de devenir une guerre culturelle. Comme le pointait Cory Doctorow : « Nous ne vivons pas une crise sur ce qui est vrai, nous vivons une crise sur la façon dont nous savons si quelque chose est vrai. Nous ne sommes pas en désaccord sur les faits : nous sommes en désaccord sur l’épistémologie », c’est-à-dire l’étude de la connaissance elle-même.

Les éducateurs sont profondément attachés à la preuve, à la raison, aux faits. Mais la connaissance ou la science ne sont pas stables.

Il y a 75 ans seulement, la science estimait encore que les noirs étaient biologiquement inférieurs, rappelle Boyd. Dans de nombreuses communautés, l’expérience l’emporte encore sur la science comme clé de la connaissance.

Sur des sujets comme la météo, le climat ou la médecine, d’autres formes de connaissance que la science occidentale existent. « Les épistémologies fondées sur l’expérience reposent aussi sur des preuves, mais pas sur le type de preuves qui seraient reconnues ou acceptées par les scientifiques occidentaux ».

La tension entre les connaissances scientifiques et les connaissances confessionnelles, bien sûr, n’a jamais été facile à résoudre, au contraire.

Cette tension a notamment d’innombrables ramifications politiques et sociales.

Ce qui est certain, c’est que les différences épistémologiques fondamentales ne se résolvent pas par le compromis. « Les gens pensent toujours qu’ils sont engagés dans une pensée critique lorsqu’ils interrogent le sens du bon et du mal, du vrai et du faux, de l’honnête et du trompeur. Mais la plupart de ce qu’ils en concluent est en fait surtout enraciné dans leur croyance plus que dans une source d’information spécifique ».

Le risque, si nous n’y prenons pas garde, c’est que « l’éducation aux médias ou la pensée critique soient déployées comme une affirmation d’autorité sur l’épistémologie ». C’est déjà le cas. Aujourd’hui, les débats sur la vérification des faits suggèrent qu’il n’y aurait qu’une seule vérité. Et nous devons reconnaître que beaucoup d’élèves ont appris qu’il n’y a qu’une seule façon légitime de connaître les choses, qu’une vision du monde qui est acceptée.

Armer la pensée critique

is climate changeLe politologue Deen Freelon a tenté de donner un sens au rôle de la pensée critique pour traiter les fake news. Il est ainsi revenu sur une fascinante campagne publicitaire de Russian Today qui a été rapidement interdite aux États-Unis et au Royaume-Uni, ce qui a conduit Russian Today à créer des publicités pour expliquer cette interdiction qui clamaient : « Les preuves de l’impact de l’activité humaine sur le changement climatique sont-elles fiables ? La réponse n’est toujours pas claire. Un jugement équilibré n’est possible que si vous êtes mieux informé. En défiant la vue acceptée, nous révélons un côté de l’information que vous ne verriez normalement pas. Parce que nous croyons que plus vous remettez en question les choses, plus vous en savez ! »

Si vous venez d’un milieu qui n’est pas certain que le changement climatique est réel, cette proposition semble tout à fait raisonnable. Pourquoi ne voudriez-vous pas plus d’informations ? Pourquoi ne devriez-vous pas être engagé dans la pensée critique ? N’est-ce pas ce qu’on vous a encouragé à faire à l’école ?

Et la chercheuse de pointer une autre publicité de Russian Today : « La terreur est-elle seulement commise par des terroristes ? La réponse n’est pas toujours claire. Un jugement équilibré n’est possible que si vous êtes mieux informé. En défiant la vue acceptée, nous révélons un côté de l’information que vous ne verriez normalement pas. Parce que nous croyons que plus vous remettez en question les choses, plus vous en savez ! »

Et de rappeler que les militants progressistes eux-mêmes, notamment, se demandent parfois si le gouvernement américain est responsable du terrorisme dans d’autres pays. Russian Today a fait une campagne efficace, estime la chercheuse. Ils ne sont pas apparus comme conservateurs ou libéraux, mais plutôt comme une entité médiatique censurée pour avoir posé des questions. Et en rapportant cette interdiction, les grands médias légitimaient eux-mêmes cette campagne sous la rubrique « liberté d’expression ».

La liberté d’expression et d’information en question

« Nous vivons dans un monde où nous assimilons la liberté de parole au droit d’être amplifié. Mais est-ce que tout le monde a le droit d’être amplifié ? »

Les médias sociaux nous ont apporté cette infrastructure d’information sous la fausse image que si nous étions tous rassemblés à un même endroit nous trouverions un terrain d’entente et éliminerions les dissensions et conflits. Nous avons déjà vu cette logique à l’oeuvre auparavant. Après la Seconde Guerre mondiale, le monde pensait que la connexion du globe par l’interdépendance financière empêcherait la Troisième Guerre mondiale. Rien n’assure pourtant que cette logique se suffise à elle-même.

Pour le meilleur et pour le pire, en connectant le monde à travers les médias sociaux et en permettant à quiconque d’être amplifié, l’information peut se propager à une vitesse record.

« Il n’y a pas de véritable curation ou contrôle éditorial. Il incombe au public d’interpréter ce qu’il voit. De s’auto-enquêter. Puisque nous vivons dans une société néolibérale qui donne la priorité à l’action individuelle, nous doublons la mise par l’éducation aux médias en tant que «solution» à la désinformation. C’est à chacun d’entre nous, en tant qu’individu, de décider par nous-mêmes si ce à quoi nous sommes confrontés est vrai ou non. »

Bien souvent, les gens qui affichent une désinformation claire et indiscutable le savent. Ils savent que c’est une foutaise, explique encore Danah Boyd. Ils se fichent de savoir si c’est vrai ou non. Mais pourquoi l’affichent-ils alors ? Parce qu’ils font une déclaration ! Les personnes qui ont posté l’un des mèmes à l’encontre d’Hillary Clinton, la faisant passer pour une sataniste, n’ont pas pris la peine de vérifier cette affirmation. Ils s’en fichaient. Ce qu’ils voulaient signaler clairement, c’est qu’ils détestaient Hillary Clinton. Et ce message a en effet été entendu haut et fort. Et ils sont offensés si vous leur dites qu’ils ont été dupés par les Russes pour répandre de la propagande. Ils ne vous croient pas une seconde.

La désinformation est contextuelle

« La désinformation est contextuelle » souligne la chercheuse. « La plupart des gens croient que les gens qu’ils connaissent sont crédules à de fausses informations, mais qu’ils sont eux-mêmes équipés pour séparer le bon grain de l’ivraie. Nous pensons tous être capables de vérifier l’information et d’être autonomes, mais ce n’est pas le cas. »

Ajoutez à cela que pour nombre de personnes, l’éducation et les médias – deux institutions qui tentent de contrôler la façon de penser des gens, deux institutions qui tentent d’affirmer leur autorité sur l’épistémologie – sont des ennemis.

Danah Boyd a grandi sur les forums Usenet. Elle y a passé des nuits à discuter avec des gens dont elle pensait qu’ils avaient tort. La loi de Godwin était pour elle une réalité bien tangible. La loi de Poe également, soulignant qu’il est très difficile de faire la différence entre un propos extrême et sa parodie.

Dans leur livre, L’internet ambivalent : méfait, bizarrerie et antagonisme en ligne, les chercheurs en études des médias Whitney Phillips (@wphillips49) et Ryan Milner (@rmmilner) soulignent combien un segment de la société est si bien versé dans les communications numériques – mèmes, GIF, vidéos, etc. – qu’ils peuvent utiliser ces outils pour déstabiliser fondamentalement les structures de communication et les visions du monde des autres. Il est difficile de dire ce qui est réel et ce qui est fiction, ce qui est cruel et ce qui est une blague. Mais c’est justement le point. C’est ainsi que l’ironie et l’ambiguïté peuvent être militarisées. « Et pour certains, l’objectif est simple : démanteler les fondements mêmes des structures épistémologiques des élites si profondément ancrées dans les faits. »

« Beaucoup de gens, en particulier les jeunes, se tournent vers les communautés en ligne pour donner un sens au monde qui les entoure. Ils veulent poser des questions inconfortables, interroger les hypothèses et interroger les évidences qu’on leur assène. Bienvenue à la jeunesse !

Mais, il y a des questions qu’il est inacceptable de poser en public (comme à l’école) et ils l’ont appris. Mais dans de nombreux forums en ligne, aucune question ou exploration intellectuelle n’est considérée comme inacceptable. Restreindre la liberté de penser, c’est censurer ! Et ainsi toutes sortes de communautés ont surgi pour que les gens explorent les questions de race et de genre et d’autres sujets de la manière la plus extrême possible. Et ces communautés sont devenues glissantes. Ceux qui adoptent des vues aussi haineuses sont-ils réels ? Ou sont-ils ironiques ?

Personne ne veut de la pilule bleue !

Dans le film The Matrix de 1999, Morpheus dit à Neo : « Vous prenez la pilule bleue, l’histoire se termine. Vous vous réveillez dans votre lit et croyez ce que vous voulez. Vous prenez la pilule rouge, vous restez au pays des merveilles et je vous montre à quel point le trou du lapin est profond. » La plupart des jeunes ne souhaitent pas le confort de l’aveuglement, ils veulent avoir accès à ce qui est inaccessible, interroger ce qui est tabou et dire ce qui est politiquement incorrect. Qui ne voudrait pas prendre la pilule rouge ? »

Hubert Guillaud

http://www.internetactu.net/2018/06/06/de-quelle-education-aux-medias-avons-nous-besoin/

Dernière modification le dimanche, 10 juin 2018
Guillaud Hubert

Hubert Guillaud, rédacteur en chef d’InternetActu.net, le média de laFondation internet nouvelle génération.