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Une émission du forum « Changer d'Ère » préparée & produite par Véronique ANGER-de FRIBERG, Fondatrice et Présidente du Forum Changer d'Ère, coanimée avec Éloi CHOPLIN (Directeur de l'Agence Triple C) le 23 novembre 2021. Ecouter à nouveau les Cinq grands témoins, observateurs des grands défis qui se posent, des mutations en cours, sont réunis autour de Joël de Rosnay, parrain du forum animé par Véronique ANGER-de FRIBERG. Extraits

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ANGER-de FRIBERG, Fondatrice et Présidente du Forum Changer d'Ère, coanimée avec Éloi CHOPLIN

Directeur de l'Agence Triple C

Comment réenchanter le monde en s’adaptant aux transformations du présent et en incarnant une vision positive du futur ? 

Cinq grands témoins, observateurs des grands défis qui se posent, des mutations en cours, sont réunis autour de Joël de Rosnay, parrain du forum animé par Véronique ANGER-de FRIBERG
 
Mathieu BAUDIN – Historien et prospectiviste : « historien du futur », fondateur et directeur de l’Institut des Futurs souhaitables. Dernier livre : Dites à l’avenir que nous arrivons (éds. Alisio, mars 2020. Préface de Joël de Rosnay).
 
Caroline FAILLET – Fondatrice & CEO d’OpinionAct. Co-présidente du club ADETEM des directeurs marketing. Dernier livre : Décoder l’info (Éditions. Bréal, 2018).
 
Hugues de JOUVENEL - Président d'honneur et fondateur du think thank Futuribles international. Fondateur et rédacteur en chef de la revue Futuribles.
 
Diane LENNE – Fondatrice et dirigeante de We Are Peers (WAP).
 
Roger SUE - Socio-économiste. Professeur à l’université Paris Descartes-Sorbonne. Membre du CERLIS (Centre de Recherche sur les Liens Sociaux). Président du groupe d'experts de Recherches et Solidarités. Administrateur de la Fonda Dernier livre : Le spectre totalitaire (LLL, 2020).

Véronique ANGER-de FRIBERG : Présentation du thème

1 anger de f Capture décran 2023 11 06 175438Les grands défis écologiques sont un prodigieux accélérateur de changement. Quel en est le sens ?

Réenchanter le monde, fait écho à la notion de désenchantement du monde de Max Weber, et répond, en écho positif, à l’idée que tout ne part pas en vrille. Nous vivons une époque formidable avec de grandes tensions et de grands défis liés aux nouvelles données technologiques et économiques porteuses de changement. 

Ce sont autant d’opportunités pour les entreprises qui sauront intégrer les nouvelles contraintes écologiques, mais aussi les nouvelles aspirations sociétales, les nouvelles ressources, les nouveaux comportements, les nouveaux modes de consommation... Dans ce contexte, comment réenchanter le monde en s’adaptant aux transformations du présent et en incarnant une vision positive du futur ? Comment mobiliser, fédérer autour de valeurs et d’initiatives porteuses de sens ? Comment concilier efficacité, optimisation des ressources et bien-être dans l’entreprise et la société ?

Tout la difficulté va être d’anticiper les impacts sur la condition humaine et la « révolution anthropologique » (selon l’expression de Pascal Picq). Cette révolution est à multiples facettes. Comme on passe avec brio du 20ème au 21ème siècle, c’est cela que nous allons savoir avec vous.

Joël de Rosnay : S’émerveiller

Surfer la vie - La symphonie du vivant - http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Surfer_la_vie-432-1-1-0-1.html

1 Capture Joel décran 2023 11 06 175758Je veux d’abord revenir sur ce terme : « réenchanter ». Dans « réenchanter » il y a « chant » et il y a « conte », qui font appel à l’émerveillement. Un conte est une histoire racontée aux enfants, comme un conte de fée. Il s’agit de créer une sorte d’émerveillement pour réenchanter. Il s’agit de trouver les moyens de pouvoir encore s’émerveiller malgré tous les problèmes que le monde traverse et qu’il va traverser, du monde tel qu’il peut devenir.

Pour motiver, remotiver, associer, partager, il faut donner envie de construire ensemble la motivation d’aller plus loin et de créer une histoire commune, comme Yuval Noah Harari le décrit très bien dans ses livres, concevoir une série d’enchainement pour construire le futur.

Il n’y a pas d’émerveillement sans vision positive qui transporte plus loin. L’émerveillement se déroule dans le temps. Comme on regarde un tableau : le tableau ne bouge pas, on prend le temps de regarder un tableau, d’écouter un concert. L’émerveillement est une continuité dans le temps, c’est une présence, la volonté de participer, de partager, être présent. C’est en s’appuyant sur le passé comme le souligne Harari que l’on construit le futur. La compréhension de notre passé doit nous conduire à nous émerveiller sur un futur avenir. Le fait de le construire crée un émerveillement dans la participation.

Caroline FAILLET : Tendances d’opinion. Le digital a crevé l’écran

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Fondatrice & CEO d’OpinionAct. Co-présidente du club ADETEM des directeurs marketing. Dernier livre : Décoder l’info (Éditions. Bréal, 2018).

Une étude (déjà menée en 2020), plus une écoute qu’un sondage, s’est efforcé de relever les aspirations et tous les sujets qui mobilisent énoncés spontanément. Nous avons observé deux tendances, qui ont finalement un point commun chez les personnes interrogées, une revendication autour de la reconnaissance de leur liberté, de la maîtrise de leur destin et de leur identité. Mais elles ont aussi des différences.

La première tendance concerne ceux qui vont lutter, mener l’insurrection numérique à travers les réseaux sociaux, revendiquer une forme de réveil des consciences. Ce premier mouvement est le mouvement des wokes. Ceci concerne essentiellement quatre luttes : discriminations raciales ; égalité et droits des femmes, pour droit des personnes LVGT, handicapés, la dernière étant celle du climat. Elles font l’objet de récupérations très fortes, par les algorithmes des réseaux sociaux et par le politique.

L’autre communauté appelle au réveil des consciences, mais cette fois pour dénoncer les dérives des réseaux sociaux, pour inventer le WEB, essayer un web autre, au regard de la dérive des plateformes, notamment en termes de la redistribution la valeur associées aux données. C’est le mouvement des cryptofans.

On ne peut plus opposer le réel et le virtuel. Parce que la connexion en soi, on y est tout le temps dedans. Il y a longtemps que le digital a crevé l’écran. Comment on fait pour inventer un futur souhaitable avec le numérique ? Décidons ce qu’on veut en termes de monde, on va dire de monde phygital. On peut déjà dire ce qu’on en souhaite ou pas. Je ne veux pas d’une cybersurveillance à la chinoise où un pouvoir central contrôle. Je ne veux pas non plus d’une liberté totale à l’américaine ou mes données sont exploitées par toutes les plateformes qui font du profit sur notre identité numérique sans nous demander notre avis.

Il a y a une troisième voie à inventer, plus protectrice de nos données personnelles et qui partage mieux la valeur, pour un rééquilibrage et une redistribution des richesses. Aujourd’hui, sur n’importe quel secteur du marché il y a une plateforme qui capture 30% du marché. Une brèche apparait, encore balbutiante, c’est celle de l’OS décentralisé

Hugues DE JOUVENEL : Qu’est-ce que la prospective ?

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Président d'honneur et fondateur du think thank Futuribles international. Fondateur et rédacteur en chef de la revue Futuribles.

La prospective s’efforce de répondre à deux questions. La première, que va-t-il advenir, comme exploration du futur. Cela renvoie à une seconde :  comment le faire ?  On parle du présent, de ce qui est enraciné dans le présent et le passé. On essaie de discerner dans ces racines du futur des tendances, des idées porteuses d’avenir. Est-ce que l’on va échapper au virtuel, ou au contraire le virtuel est-il la condition du passage à l’acte ? Deuxième volet de la perspective est le que devons-nous faire ? Il n’y a pas de fatalité, c’est la bonne nouvelle. Ceci suppose que l’on se sente libres et acteurs.

La prospective est une démarche philosophique qui nous est essentielle aujourd’hui pour nous dégager de la conjoncture et du spectacle triste de la politique, ou de l’entreprise lorsqu’elle se contente de jouer les épiciers.

Mathieu BAUDIN : Comprendre les « futurs souhaitables »

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Historien et prospectiviste : « historien du futur », fondateur et directeur de l’Institut des Futurs souhaitables. Livre : Dites à l’avenir que nous arrivons (éds. Alisio, mars 2020. Préface de Joël de Rosnay).

On a caché des choses au travers des mots, par exemple raisonner. La prospective c’est le domaine de la volonté. La lucidité ce n’est pas un synonyme de la fatalité. Cela vient de la lumière. C’est la base de la prospective. La dystopie est possible surtout si on ne fait rien, si on ne fait rien du monde. Participer à autre chose qu’une érosion, participer à une aventure. Tout le monde aime bien cette catharsis des scénarios catastrophes. Mettre la peur à disposition est facile.

Pour comprendre les « futurs souhaitables » il faut prendre le temps de comprendre le temps. Il s’agit de rechercher le désir, qui le contraire de la sidération, rechercher le partage, trouver des voies stratégiques qui nous amènent à des horizons. Il ne s’agit pas de partir obligatoirement du présent, dont on est gestionnaire, mais que l’on n’a pas réellement souhaité. Réenchanter c’est faire partir le futur de nos idées de nos rêves, de nos désirs. La diète informationnelle révèle un vide et non un plein. D’où le nécessaire retour à l’humain : c’est de la philosophie plus que de la technologie.

Roger SUE : Réenchanter quel monde ?

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Socio-économiste. Professeur à l’université Paris Descartes-Sorbonne. Membre du CERLIS (Centre de Recherche sur les Liens Sociaux). Président du groupe d'experts de Recherches et Solidarités. Administrateur de la Fonda - Livre : Le spectre totalitaire (LLL, 2020).

Ce qui me pose question, ce n’est pas réellement réenchanter mais c’est le monde.  De quoi on parle ? Pour le sociologue le monde ce sont les individus. Il y en a pour qui la vie est parfaitement enchantée. Ce n’est pas général, et les écarts ne profitent à personne. Le réenchantement repose les questions des inégalités. Le thème est optimiste et je vais souligner que les séries de sondages que l’on fait disent que les français sont à 80 % heureux. La mauvaise nouvelle est que derrière ils sont dans la même proportion à considérer que les conditions de réalisation de leur bonheur ne sont pas là, que les institutions, toutes, ne répondent pas à la manière dont ils ont installé leur propre enchantement dans la société qu’ils vivent. Ce décalage-là ne cesse de s’approfondir ; il nous dit sur les causes des révoltes contre toutes les formes d’autorité, d’institution ou de représentation, et pas seulement la représentation politique, qui vient en bout de course comme représentation symbolique. Ce décalage-là, il faut l’interroger il faut le comprendre.

Sans vouloir jouer les Cassandre, je ne crois pas au scénario de réenchantement aujourd’hui, à un rapprochement entre ce que les gens rêveraient et la réalité aujourd’hui. Nous sommes dans un période de fin de récit et l’on ne va pas trouver comme ça un nouveau récit. En revanche je crois qu’il faut revenir sur les conditions dans lesquelles les gens ont pu élaborer un récit. Pour le sociologue c’est le contrat social. Rousseau demande qu’est-ce qu’un contrat social si les individus ne sont pas au départ associés entre eux. Sinon c’est un contrat de dupe, c’est un rapport du fort au faible, c’est un rapport à l’institution. Il s’agit plutôt de rétablir les conditions sociales du dialogue et de la manière dont peut s’enclencher quelque chose qui est de l’ordre de l’association. Une des grandes révolutions à venir est une révolution de l’égalité, non par la similarité mais par la singularité.

Diane LENNE :  Se réinventer

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Fondatrice et dirigeante de We Are Peers (WAP).

Réenchanter le monde cela passe d’abord par réenchanter son regard, par rapport à soi et par rapport aux autres. Nos idées, nos talents, peuvent être une source pour soi et pour les autres. Il faut aussi un espace pour partager. Pour réenchanter le monde, il faut pouvoir apprendre les uns des autres et se réinventer constamment.

Demain : un monde où tout le monde est source de connaissance et où tout le monde peut aller chercher chez les autres ce dont il a besoin pour apprendre et évoluer. Se réenchanter, se réinventer : une manière de le faire est de créer des espaces où cela est possible, notamment des communautés ou des petits groupes de pairs, dans lesquels ont se sente légitime pour se réinventer soi-même et réinventer le monde. Être tous capable d’agir, d’être l’expert de sa propre expérience (et non attendre un expert extérieur).

Les échanges entre les intervenants à retrouver :

L'émission du Forum Changer d'ère - Réenchanter le monde

Joël de ROSNAY : Conclusion générale

Je vais faire une conclusion avec des termes qui m’ont frappé dans la discussion. Je pense que la notion de mouvement citoyen partant des initiatives décentralisées est une notion très importante qui est revenue souvent dans la discussion. Les notions d’identité, de liberté, d’identité de maîtrise du destin et d’éveil des consciences sont aussi des notions importantes qui reviennent régulièrement. J’ai parlé de la notion de woke et de la déconstruction. Il faut faire attention à cette vision de la déconstruction du monde et essayer de la remplacer par une vision plus constructive et positive. Je crois aussi que la notion de digitalisation de la valeur est à la fois importante, mal expliquée, et veut dire beaucoup de choses. Qu’est-ce que la digitalisation de la valeur ? Comment fonctionne la digitalisation de la valeur, comment elle s’exprime dans la société ? Comment cela se traduit pour les gens ? Est-ce que la blockchain va être un apport pour cela ou au contraire une contradiction ?

Je reviens sur les scénarios souhaitables, et sur la nécessité de revenir dans l’humain. Réenchanter le monde : pour qui ? Il y a tellement d’inégalités. Certains sont complétement désenchantés du monde, dans la difficulté quotidienne, l’inégalité complète. C’est un beau thème réenchanter le monde, mais reposons-nous la question :  pour qui ? On en revient à la notion de 80% des français se disent heureux, mais heureux de quoi, heureux pour quoi ? Allons au fond de la question d’être heureux.

Je reviens sur cette idée d’égalité par la singularité, notion très importante, qui change la vision de l’égalité par la communauté. Ce n’est pas l’individualisme qui conduit au communautarisme, mais au contraire la volonté d’être soi-même, le plus être et pas seulement le bien être ou le posséder plus. Être plus dans l’individualité, dans une société assumée qui conduit à être un citoyen constructif de la société du futur.

Les débats en intégralité

L'émission du Forum Changer d'ère - Réenchanter le monde

Le prochain événement : 12/12 : Forum Changer D'Ère fête 10 ans de prospective sociétale : " L'avenir comme promesse "

 https://www.educavox.fr/agenda-2/forum-changer-d-ere-fete-10-ans-de-prospective-societale-l-avenir-comme-promesse

Dernière modification le vendredi, 10 novembre 2023
Morandi Franc

Professeur émérite de l'université de Bordeaux
Cognition, modélisation des systèmes et des fonctions mobilisés par les apprentissages
Epistémologie de l'information, ingénierie et construction de connaissances
Humanités numériques
Didactique professionnelle
CNRS, UMR-5218 IMS/ISCC, Équipe RUDII (Représentations, Usages, Développement des Ingénieries de l'Information), Groupe Cognitique, Bordeaux, France.

Membre du conseil d'administration et du conseil scientifique de l'An@é