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Le CRDP de Versailles, par la voix de son directeur, m’a invité fort aimablement, jeudi 7 février, pendant Intertice, à débattre avec d’autres acteurs importants mais retraités du numérique sur le curieux thème : « Développer le numérique à l’école : et si c’était à refaire ? ». Fort heureusement, les personnalités plutôt vives, curieuses et décomplexées présentes à la table ronde ont compensé le regard nostalgique et un peu tristounet que ce sujet peut parfois susciter… 

J’ai eu envie de tenter de transformer l’essai avant l’heure. Je m’en resservirai, peut-être…

Si c’était à refaire, j’auras continué à écrire des petits programmes en Logo (si si !) pour me faire plaisir et continuer ce projet éducatif abandonné trop tôt…

Si c’était à refaire, j’aurais été présent sur les BBS et utilisé Usenet plus tôt encore pour y porter la réflexion sur le numérique éducatif…

Si c’était à refaire, je n’aurais pas passé autant de temps à promouvoir l’utilisation de logiciels et de supports pédagogiques, publics et privés, bogués et sans guère d’intérêt…

Si c’était à refaire, j’aurais promu Internet, le paradigme qu’il porte, les logiciels et ressources libres beaucoup plus tôt et fort…

Si c’était à refaire, je n’aurais pas dû croire une minute à ce que nous disaient ceux qui, au ministère ou à la Caisse des dépôts et des consignations, nous annonçaient les ENT comme le chantier le plus important et fondateur du début de ce millénaire…

Si c’était à refaire, je n’aurais pas dû croire une seconde à ce que nous disaient ceux qui pilotaient le lancement des ENT et nous annonçaient la mort des serveurs d’établissement…

Si c’était à refaire, j’aurais donné un peu de mon temps pour aider au lancement de projets collaboratifs, comme Wikipédia par exemple, auxquels, je le concède, je n’ai pas cru…

Si c’était à refaire, j’aurais lutté beaucoup plus fort encore contre tous les dispositifs rendant impossible la copie privée, verrous en tous genres et autres DRM, toutes barrières inventées à la seule fin de ralentir les usages…

Si c’était à refaire, j’aurais protesté plus fort encore contre les invraisemblables stratégies des éditeurs de logiciels publics et privés qui ont inventé et imposé des systèmes de licences ingérables…

Si c’était à refaire, je me serais attaché à porter des efforts plus importants pour tenter de fournir aux professeurs documentalistes des systèmes de gestion de bases de données documentaires modernes, souples, libres et non sclérosants… 

Si c’était à refaire, j’aurais passé moins de temps à promouvoir l’usage de dispositifs matériels qui n’ont apporté qu’une plus-value très faible en matière d’innovation pédagogique numérique…

Si c’était à refaire, j’aurais porté l’essentiel de mes efforts, depuis vingt ans, à promouvoir les dispositifs et attitudes de partage des démarches innovantes en matière de pédagogie avec le numérique…

Si c’était à refaire, j’aurais dû promouvoir plus et mieux que je ne l’ai fait les droits des jeunes et des lycéens en particulier en matière d’expression et de publication…

Si c’était à refaire, j’aurais lancé l’idée d’une grande mobilisation des lycéens à la construction collaborative d’une « nétiquette » éducative, à l’usage de tous les élèves des écoles, collèges et lycées…

Si c’était à refaire, je n’aurais pas passé autant de temps dans les aréopages à essayer de convaincre de l’importance du numérique, à travers le B2i par exemple, des cadres pédagogiques qui ne voulaient en aucune façon être convaincus…

Si c’était à refaire, j’aurais dû, plus tôt, commencer à réfléchir à ce que pouvaient porter, en matière d’innovation pédagogique, les nouvelles humanités numériques…

Si c’était à refaire, j’aurais fourni des efforts plus nourris encore à convaincre de l’importance de la formation à l’image et aux médias…

Si c’était à refaire, j’aurais engagé beaucoup plus tôt une démarche valorisante de labellisation des écoles et établissements…

Si c’était à refaire, j’aurais commencé bien plus tôt à mettre en place des dispositifs de formation en ligne…

Si c’était à refaire, j’aurais commencé à utiliser Twitter dès sa création en 2006, pour mieux en promouvoir les usages coopératifs et pédagogiques…

Si c’était à refaire, je ne me retournerais pas pour me demander ce que j’aurais pu faire si c’était à refaire…

Michel Guillou @michelguillou http://www.neottia.net/

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Crédit photo : xof via photopin cc

Guillou Michel

Naturaliste tombé dans le numérique et l’éducation aux médias... Observateur du numérique éducatif et des médias numériques. Conférencier, consultant.