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L’information est partout et permanente. Un clic et nous voilà au fait de ce qu’il se passe à l’autre bout du monde ou juste à côté de chez nous. Tout le monde peut accéder à l’information et… la faire. Quantité de fausses actualités circulent et corrompent la vérité, par simple bêtise ou par désir de manipuler l’opinion, avec tous les dangers qui en découlent. Extraits.

David Pujadas, journaliste depuis 1988, dit avoir connu la Préhistoire du Journalisme.

1 Capture décran 2023 11 16 185912Le numérique a eu un impact énorme sur l’info. Chacun est devenu un média (Blog,FB, Insta…) et des millions de lecteurs sont apparus. La presse écrite, la radio, la télé perdent le monopole car il y a la possibilité de s’informer, n’importe où avec n’importe qui, et d’écrire n’importe quoi !

Cela a eu un impact énorme sur le tirage de la Presse écrite, l’audience radio et télé ! La Presse écrite est d’autant plus affectée que le lecteur digital rapporte moins que le lecteur papier. Ce sont les GAFA qui y gagnent !

Le travail des journalistes a changé depuis 2014 :  Lors de l’annexion de la Crimée, David Pujadas a eu l’information par Twitter pour la première fois et non plus par les trois ou quatre agences de presse habituelles.

Quand on couvre la guerre la première info c’est Twitter. (Les anciens militaires russes ou ukrainiens deviennent nos sources).

Les sources sont diversifiées et le journaliste doit faire le tri. Donc cela a un impact dans la pratique du journalisme.

David Djaiz souligne la vitesse des changements au niveau des outils, du développement du e-commerce et du smartphone, inséparable des applis.

1 Capture décran 2023 11 16 185936Les usages de l’IA arrivent dans la vie quotidienne. La technologie va plus vite que notre réflexivité.

Nous avons construit des machines sans réfléchir à leur portée.

L’historien Denis Crouzet rapporte que la diffusion de l’imprimerie rend la rumeur est les fake News incontrôlables… mais permet la diffusion des connaissances dans toutes l’Europe !

Méditer les leçons de l’Histoire amène à comprendre l’IA d’aujourd’hui !

David Pujadas :

Les grands acteurs (Gafa) sont en concurrence les uns contre les autres.

Mais qui aurait prévu que le TikTok chinois se développe avec une telle force ! (ou Google après Alta Vista).

Les fake News ont pris de l’importance en Roumanie pendant la révolution Ceaucescu, avec la découverte des massacres de Timisoara, qui nous conduisent à plus de recul.

David Djaiz :

Internet n’est pas devenu un espace collaboratif qui aurait pu être ce qu’il aurait dû être. Et il y a eu aggravation avec le smartphone. Le pouvoir est aux réseaux sociaux, aux gafam et à la Chine. On ne peut pas être Technophobe, l’IA est là !

Les gens ne se sentent pas construits s’ils ne sont pas des personnages publics, ils ont une illusion de liberté !

David Pujadas :

Narcisse évidemment. L’atomisation de notre société est en marche ! Le PC n’existe plus, les syndicats n’existent plus, l’Eglise catholique n’existe plus ! On ne se considère plus comme un ensemble, mais comme « Me, Myself and I ». J’ai 50000 followers :   je suis Fort.

David Djaiz : A propos de la liberté de la presse, comment gérer le contenu par rapport aux grands groupes ?

David Pujadas :

Aujourd’hui, Bolloré, Bouygues, la CGM, Bernard Arnault…

J’adorerais qu’il n’y en ait pas.

J’aimerais que les journaux soient indépendants et vivent de leurs propres ressources, mais cela ne marche pas comme ça, l’équilibre économique est précaire.

Pour autant, je ne pense pas que les grands groupes, soient une menace pour la liberté de la presse car il faudrait qu’ils s’entendent entre eux pour museler leur rédaction. Or, une rédaction est un corps social qu’il est difficile d’assujettir !

Les grands groupes ont un pouvoir d’influence mais aujourd’hui ils sont neuf. La liberté naît de la concurrence sauf s’ils se mettaient ensemble, mais aujourd’hui ils sont trop nombreux pour cela.

David Djaiz : L’info est-elle assujettie à des impératifs commerciaux ?

David Pujadas :

Non, ce n’est pas vrai :

Il y a la conscience du journaliste

Il ne faut pas se tromper sur la nature de l’audience ! On ne fait pas un journal pour nous, mais pour un public de plus en plus large.

Il y a l’audience. Mais celle-ci provient d’une qualité de traitement de l’information et d’une confiance avec le public développée sur le long terme. Ex : LCI a doublé son audience avec la guerre d’Ukraine.

« L’audience n’est pas une boussole, mais une sentinelle. », Si on perd de l’audience, un jour, ce n’est pas grave, si c’est chaque jour, on va dans le mur ! Ce n’est pas si simple que ça !

David Djaiz : La force de l’image, l’emporte-t-elle sur le contenu ?

Exemple : Le 11 septembre ?

David Pujadas :

L’événement est très important. l’info est très forte : attaque au cœur de l’Amérique, détournement d’avions de ligne de 2500 à 3000 tonnes pour les faire rentrer dans des tours ! Cette info va entraîner un changement de la politique américaine et du monde entier !!

Un exemple où l’image est supérieure à l’info : les gilets jaunes : Un simple feu depuis de poubelle et l’image prend le pas sur l’image sur l’info !

David Djaiz  : Dans les réseaux sociaux des groupes de complotistes sont redirigés sur des messages similaires ! Danger ?

Il y a dans les réseaux sociaux, un côté tribu, des groupes qui sont très fermés, d’où une logique de prise en otage par les tribus. Pour casser ces îlots, il faut créer des mécanismes collectifs de correction sur X.

Comment assurer le travail des journalistes face aux fake News et au complotisme, comment envisager une intervention politique ?

David Pujadas :

Il n’y a que des avis personnels sur le sujet. Aucune autorité publique ne peut intervenir : exemple. Le vaccin ne transporte pas de puce électronique.

Personne ne peut dire qu’il y a une info, juste ou une info fausse. On aimerait tous que ce soit le cas !

De plus il y a des vérités scientifiques qui évoluent ! Exemple la guerre à Gaza. Qui pourrait dire de façon vérifiée qui a commencé ? Personne !

Il y a une forme de concurrence, d’où des vérificateurs, d’où une confiance en tel ou tel média.

Comment rémunérer le travail des journalistes par les IA et les réseaux sociaux ?

Cela demande un accord avec les exploitants et les réseaux sociaux.

David Djaiz : Méfiance par rapport à l’État ?

David Pujadas :

On peut vérifier les choses. Je crois à la science, exemple Raoult, on a sciemment négligé les groupes de vérification pédagogique. Car on veut un remède rapidement.

Je veux je crois aux pairs. Si 5000 à 6000 pairs disent que c’est juste j’y crois !

80 % des ingénieurs, informaticiens ont une inquiétude éthique. Le développement de la technologie va plus vite que l’intelligence éthique et que l’appropriation.

L’État sanctionne les médias qui appelle à la haine.

David Djaiz : Quel rôle l’État joue dans l’éducation nationale, l’école ?

David Pujadas :

L’école ploie sous  toutes les demandes qu’on lui fait.

Civisme, esprit républicain, lutte contre le harcèlement, l’absence de signes religieux…

On lui demande tellement !

C’est la mission de l’école, mais aussi celle de l’éducation aux médias.

David Djaiz : D'après un sondage en classe de seconde, tous les élèves ont TikTok, mais la moitié savent utiliser une adresse mail.

Il y a d’énormes inégalités. Les réseaux sociaux, c’est facile, mais tout un pan de la culture numérique n’est pas maîtrisé.

On ne communique pas vraiment publiquement sur le temps d’écran des jeunes et surtout des très jeunes, on court vers l’abîme.

David Pujadas :

Le travail des journalistes, c’est de chercher la vérité (vérifier, faire preuve de rigueur), en conscience et de la partager.

David Djaiz : Quel avenir pour l’information ?

David Pujadas :

Les médias de niche gagne de l’argent car ils ont une identité et vivent de leurs lecteurs.(ex Mediapart et ses 150000 lecteurs)

Les médias de masse, ceux qui sont percutés économiquement pratiquent une baisse des coûts. Ce n’est pas certain qu’il puisse le faire sur le long terme.

Exemple - USA : New York Times, Washington Post

France : le Monde, le Figaro ont beaucoup investi, les abonnés digitaux ont  beaucoup de contenus.

Aujourd’hui, nous avons 500 journaux, demain 50 !

Les upgradés sont ceux qui ont une qualité supérieure, qui reconnaissent et corrigent leurs erreurs, qui ont établi un lien de confiance par la qualité de leur contenu.

Tout le monde ne pourra pas le faire.

Si on considère les services publics, ils n’ont pas l’argent qu’il faudrait, donc ils doivent fournir une info, toujours plus riche !

L’IA produit déjà des articles, c’est le cas de l’info financière (sur VA en supplément), de l’info d’analyse de conceptualisation, de reportage.

Il faut être d’un optimisme mesuré. C’est la plus-value du jour !

Tout le monde n’en aura pas la possibilité !

David Djaiz : 
Notre avenir, il est ce que nous en faisons. Plus on développera l’éducation critique mieux ce sera !

Dans l’industrie américaine, il y a des entreprises qui ont investi dans une bonne réflexion : on libère le temps des tâches répétitives, et on humanise l’homme et la femme, cela permet de  gagner en efficacité et compétitivité !

Dernière modification le vendredi, 22 mars 2024
Ruant Viviane

Administratrice de l'An@é.  Professeur d’histoire et géographie en lycée retraitée.