fil-educavox-color1

Forum Educavox du 5 avril 2014 à Arsac
 
Le 5 avril dernier, j'ai eu la joie de participer à la table ronde « Le numérique et les valeurs de la République – l'Egalité » Avec Anne Andrist, Gilles Le Page et Patrick Figeac lors du forum des auteurs EDUCAVOX. Je les remercie (ainsi que le public) pour la qualité des échanges et l'enrichissement que l'on retire d'une telle expérience. Le calme étant revenu, j'aimerais compléter nos propos avec les quelques idées ci-dessous :

Egalité

La question de l'égalité des droits se pose-t-elle d'une manière différente avec le numérique ? L'égalité d'accès aux informations, aux formations, à la culture est-elle au rendez-vous ?
Le numérique gomme partiellement les frontières géographiques, juridiques, culturelles, économiques ainsi que les barrières de la langue (avez-vous déjà utilisé l'appli google traduction sur un mobile ?).
Il « rebrasse » les cartes de l'ère post industrielle, dont seul les puissants avaient bon jeu et les distribue de manière plus sociale, en gommant une part des inégalités.

Cette redistribution s'accompagne aussi d'un flou juridique résidant entre la résistance aux changements de ceux qui avaient "bon jeu", d'une part, et la liberté d'accès aux savoirs souhaitée par les usagers (ceux qui ne tirent pas profit financier de la situation).

Le droit d'auteur devra par conséquent trouver un autre modèle plus contributif, moins centralisé, plus horizontal et direct (de pair à pair, ou d'auteur à fans), ou forfaitaire, pour limiter le « piratage », assurer de bons revenus aux auteurs en conservant une grande liberté d'accès aux medias.


forum3-4e08e-db533Le numérique questionne l'économie du savoir (l'accès aux supports du savoir : livres, fichiers, medias...) et l'économie de la connaissance (la conception et l'accès à des formations, à de l'ingénierie...). En effet, la facilité de duplication d'une ressource fausse le « prêt » d'antan ; sa transmission est instantanée, la ressource devient « ubiquitaire ».

De plus l'accès à des formations gratuites en ligne (MOOC...) propose un savoir scénarisé et prêt à être digéré aux portes de nos cerveaux.

Autant avant le numérique il fallait faire partie des personnes aisées pour pouvoir se cultiver à loisir, consommer sans modération la culture musicale, artistique, scientifique, autant avec le numérique tout cela est accessible pour tous, n'importe où, n'importe quand et en (presque) tout lieu...

Les livres des bibliothèques deviennent accessibles en ligne, même à l'international. Là où nos grands-parents possédaient une trentaine de vinyles, il est courant d'avoir dans son téléphone une centaine d'albums. La musique et la vidéo se partagent en masse et si les aspects juridiques restent non réglés pour les ayants droits, la culture et le développement personnel des citoyens numériques s'en trouvent considérablement renforcés.

Y-a-t-il de nouvelles discriminations ?
 
Les pays en voie de développement et n'ayant pas d'infrastructures de communications subissent une forme de discrimination concernant l'accès à l'information, au savoir. Les enjeux stratégiques du numérique sont bien compris et ces pays (l'Afrique par exemple) développent souvent prioritairement les réseaux mobiles pour accélérer le déploiement des zones couvertes, de la population connectable au réseau des réseaux.

Les pays développés offrent en général une couverture réseau très étendue et des tarifs de connexion bas. Un pourcentage très important de la population est donc « acteur numérique » depuis l'avènement du web2.0.

La discrimination ne se fait plus sur l'argent (hors matériel de connexion et abonnement) pour accéder au savoir, à la culture et a plus de développement personnel. La discrimination est géographique, au gré des cartographies de réseaux. Les zones blanches, non couvertes en téléphonie mobile et internet constituent des environnements d'inégalités sociales, le réseau étant devenu une nécessité, un service public minimum comme l'électricité, le gaz, l'eau...

La prochaine génération ne saura pas ce qu'est « la non connexion » ! D'ailleurs, des pathologies d'hyper-connexion apparaissent, ainsi que des stratégies de résistances pour éviter le « burn-out ». Nous parlons alors de « déconnexion volontaire aux TIC ».

Quels outils et dispositifs pouvons-nous créer ?Prenons par exemple l'apprentissage en ligne : n'est pas apprenant numérique qui veut !

En effet, des études montrent que l'apprentissage en ligne n'est efficace que pour certains profils d'apprenants. Tenir compte des acquis et personnaliser un parcours de formation en fonction des objectifs et des styles d'apprentissages sera un des challenges de l'éducation 3.0. Nous devons donc créer des dispositifs de formation FOAD adaptables, avec des parcours multiples, qui s'adaptent au plus près des besoins de l'apprenant.

La diplomation devra changer pour devenir micro-certifiante. Un grain de formation pourra être micro-certifié et reconnu. L'amalgame de ces grains permettra de créer des spécialisations de plus haut niveau par agrégation de plusieurs certifications. Les parcours et diplômes ne seront pas autant figés dans le marbre. Alors il y aura une plus grande égalité d'accès à la formation et aux diplômes.

Quelles relations différentes pouvons-nous établir ?
 
Une vision prospective plus que personnelle et qui n'engage que moi :

Les relations enseignant/élève, élève/élève et élève/école vont changer, les échanges personnalisés devenant plus fréquents et productifs. La relation magistrale sera distendue et fréquemment remplacée par une relation entre pairs, plus efficace car relevant de l'apprentissage informel (volontarisme).

Les horaires de formation disparaitront. Le volume horaire sera converti en objectifs d'apprentissage à atteindre (en présence et à distance). L'Egalite s'exprimera aussi entre ceux qui ont le temps d'étudier en journée et les travailleurs obligés, étudiants empêchés par ailleurs. Le numérique permettra d'étudier de manière plus souple, d'échanger à toute heure avec un pair ayant les mêmes préoccupations, mais situé dans un autre fuseau horaire compatible...

L'apprentissage social via les réseaux prendra sans doute une dimension très importante dans le programme de formation initiale et continue d'un individu hyper-connecté.

Les universités deviendront des lieux de convivialité et d'envie d'apprendre par la pratique, car la présence physique y sera plus rare, le cours magistral disparaissant. Elles seront des lieux de remédiation, de socialisation et d'activités pratiques tout en n'oubliant pas la dimension recherche qui sera renforcée et même davantage transférée dans l'enseignement.

L'enseignant devra aussi réinventer son métier pour être celui capable de décoincer les rouages de l'incompréhension autour des concepts nécessitant de l'accompagnement. Il ne délivrera pas tout le message, mais créera un cadre autour de tous les savoirs acquis pour leur donner consistance, trame, logique et en faire des compétences. Il deviendra un expert des méthodes d'apprentissage, en plus de sa maitrise disciplinaire et celle liée au numérique. Sa relation avec l'étudiant sera donc de coaching, d'entrainement avec une dimension affective et motivationnelle...

Ne sera pas prof 3.0 qui veut !

goupeEDUCAVOX - Copie-eaa62-83a39



Une partie de groupe Educavox…

Jean-François Céci, Claude Tran, André Giordan, François Jourde, Malika Alouani, Michel Guillou, Michelle Laurissergues, Jean-Paul Moiraud, Jennifer Elbaz

 

L’article mis en page au format PDF est téléchargeable ici : http://fr.slideshare.net/jf.ceci/pr...

Dernière modification le lundi, 16 janvier 2017
Céci Jean-François

Jean-François CECI est enseignant en Humanités et culture numérique à l'UPPA (Université de Pau et des Pays de l'Adour) et responsable pédagogique du DUTM (Diplôme d’Université Techniques Multimedia). Il encadre également une option « Ingénierie de l’éducation et de la formation » en licence 3 professionnelle « Métiers de la Formation des Jeunes et des Adultes ». Au sein de cette licence, il dispense un cours intitulé « enseigner à l’ère du numérique » à de futurs enseignants. Praticien-réflexif, il expérimente les pédagogies actives, l’évaluation par les pairs et l’usage efficient du numérique éducatif.

Il mène des recherches en sociologie du numérique et de l’éducation au sein du laboratoire PASSAGES. Il s’intéresse plus particulièrement à l’hyperconnexion et l’apprentissage, du collège à l’université.

Dans le milieu associatif pour la refondation de l’école, il est administrateur à l'An@e (Association nationale des acteurs de l'école), éditrice du site http://www.educavox.fr

Comme directeur du service numérique, chargé de mission TICE puis conseiller numérique, il a participé à la vision stratégique et au pilotage politique et technique de son université, en matière de numérique éducatif.

Twitter : @JFCeci
LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/jfceci
Facebook : https://www.facebook.com/jf.ceci
ScoopIt : http://www.scoop.it/u/ceci-jean-francois
Slideshare : http://fr.slideshare.net/jf.ceci
YouTube : Pédagogie et Numérique
ResearchGate : Publications
Academia.edu : Publications