Le ministère a mis en place une démarche de consultation, de co-construction et de convergence vers une vision stratégique commune en engageant l’ensemble des partenaires en lien avec l’éducation (État, opérateurs, collectivités territoriales, associations, éditeurs, entreprises de l’Edtech, des personnels de direction et des enseignants).
Cette démarche a pour objet d’explorer nombre d’idées et de propositions, en écho aux besoins éducatifs, aux pratiques pédagogiques et au bon fonctionnement de l’École.
Une table ronde a été organisée par le ministère dans le cadre du salon EDUCATECH
Elle avait pour objectif d'échanger sur la démarche, ses résultats et ses pistes pour aboutir à une stratégie commune du numérique pour l'éducation.
Animateurs : Audran LE BARON, Directeur du numérique pour l'éducation – MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE - DIRECTION DU NUMÉRIQUE POUR L'ÉDUCATION, Stéphane TRAINEL, Directeur de projet – MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE - DIRECTION DU NUMÉRIQUE POUR L'ÉDUCATION
Intervenants : Mylène RAMM, Chargée de mission – AVICCA - Célia ROSENTRAUB, Présidente – EDITEURS D’ÉDUCATION, Anne-Charlotte MONNERET, Directrice générale – EDTECH FRANCE
Dans un premier temps, chacun des participants expose sa perception du numérique à l’école et les enjeux qui en découlent.
Mylène RAMM : la loi impose aux collectivités territoriales d’investir dans l’informatique, dans le numérique éducatif. Cet investissement comprend l’achat de matériel, PC, tablettes…mais pas seulement et les collectivités investissent énormément dans les réseaux en particulier dans les réseaux internes. Cela ne s’arrête pas là puisqu’elles interviennent aussi dans la dotation en logiciels et dans le développement des ENT qui constituent une phase très visible de l’action des collectivités…
Elles ont un vrai travail de réflexion à mener pour bien positionner le curseur de ces investissements et il leur faut, pour cela, avoir un retour sur les usages et les besoins des établissements.
Célia ROSENTRAUB : Il convient de revenir sur ce qu’est actuellement un manuel scolaire. Ce n’est plus un simple recueil de données sur du papier. C’est un support pour un ensemble de ressources éditorialisées, cohérentes les unes avec les autres, dans le but de construire une progressivité des apprentissages. Ces ressources sont pensées et crées par des auteurs puis validées par un éditeur voire par des chercheurs.
Le numérique en transforme la conception. Tout d’abord il augmente les possibles :
- Un manuel scolaire est devenu hybride entre papier et numérique avec des fonctions différentes pour l ‘un et l’autre (le papier pour des textes longs, du travail de mémorisation…, le numérique pour des exercices, de l’auto correction, de la différentiation…)
- Un manuel scolaire peut être actualisé à tout moment ; il n’est plus fabriqué pour durer cinq ans, dix ans et cela change le modèle économique. Un enseignant peut en changer d’une année sur l’autre et cela contribue à une évolution continue. C’est un point très vertueux car un manuel délaissé par les usagers va être nécessairement repris, enrichi, amélioré.
- L’enseignant a la possibilité de panacher entre ses propres documents et le manuel ; il peut plus facilement différentier et personnaliser son enseignement.
- Dans les lycées professionnels il devient possible d’associer une simulation des gestes professionnels à des manuels plus théoriques.
Anne-Charlotte MONNERET : Les EDTECH sont nées avec le numérique et la promesse de rendre l’apprentissage plus innovant, plus animé, plus ludique.
Elles ont investi trois domaines :
- La pédagogie avec des ressources, des contenus, des itinéraires adaptés à tous niveaux et toutes disciplines pour un travail individuel ou collaboratif, en classe ou à la maison.
- La vie scolaire
- Les processus d’apprentissage pour une diversification des solutions.
Ces solutions s’adaptent aux élèves en temps réel pour visualiser, programmer…Elles doivent répondre à la fois à l’attente des enseignants, à l’attente des parents, à l’attente des élèves et à l’attente des collectivités territoriales avec l’obligation de créer de la confiance. Pour cela il faut prouver que « cela marche » : le niveau de l’élève utilisateur doit progresser, le travail de l’enseignant doit être facilité et cela impose de la formation et de l’accompagnement pour la prise en main.
Une EDTECH qui développe un produit part du terrain, mène une expérimentation, fait en sorte que la solution proposée réponde à un besoin.
Elle s’entoure de professeurs ambassadeurs, travaille avec les enseignants et la recherche, s’appuie sur les avancées des neurosciences. Il lui faut être à l’écoute : c’est un aller retour permanent entre développeurs, utilisateurs et acheteurs qui ne sont pas toujours les mêmes.
Audran LE BARON :
Lorsque l’on pose la question : Pourquoi le numérique en éducation ? La réponse n’est pas une évidence pour 80% des gens.
Il y a pourtant quatre raisons :
- La citoyenneté numérique : nous vivons dans un monde où le numérique prend de plus en plus de place, achats, démarches administratives, vie professionnelle, loisirs… il est indispensable que nos élèves soient aptes à s’intégrer dans ce monde, qu’ils soient sensibilisés aux possibilités offertes par le numérique mais aussi à ces dangers, à la protection des données, aux enjeux de souveraineté.
- Le numérique est un outil au service des apprentissages sous la condition d’une bonne conception, de son efficacité et de la formation et l’accompagnement des professeurs.
- Le numérique est un outil venant simplifier les tâches administratives et pédagogiques (tableau de bord par exemple).
- Le numérique est un outil pour la continuité pédagogique entre l’école et la maison qui s’est fortement développé durant la pandémie.
Dans un deuxième temps il est fait le point sur la concertation engagée avec les différents acteurs pour définir une stratégie.
Audran LE BARON : Au niveau de la méthode, le ministère a voulu que tous les tous les acteurs, ou du moins les acteurs les plus importants soient impliqués : ministère, collectivités territoriales, éditeurs scolaires, EDTECH… Il ya nécessité d’une entente sur un cap globalement convergeant et d’éviter la dispersion. Faute de quoi on obtient une offre pléthorique, morcelée, redondante…Il faut de la lisibilité et cela suppose de partager des valeurs et des objectifs communs dans le but de co-construire une vision stratégique à proposer au ministre et à porter ensuite collectivement lorsqu’elle aura été validée.
Pour ce faire il a été organisé une série de réunions en bilatéral d’abord pour mieux se connaître et cerner les attentes de chacun, en ateliers ensuite.
Les divers participants sont amenés à indiquer, de leur point de vue, Les moments forts et l’importance de cette concertation.
Mylène RAMM : Il y a tout d’abord l’intérêt de se connaître et de travailler ensemble. Même s’il n’y a pas accord sur tout, les échanges en ateliers ont été très riches et il est nécessaire de reposer collectivement la question de pourquoi le numérique à l’école. Le numérique a vraiment changé au cours des dernières années et il faut se poser les bonnes questions.
Anne-Charlotte MONNERET : Avant de pouvoir s’adresser au ministère, il a fallu rassembler la voix des EDTECH autour de diverses thématiques : les data, les achats, la formation. Ensuite il a été utile et intéressant d’écouter la voix du terrain et de dégager les bonnes visions. Autre intérêt de la démarche, elle apporte aux EDTECH une visibilité auprès des responsables.
L’ambition commune est d’avoir un numérique utile et propre et un numérique pour tous.
Pour la première fois, se dégage une vision à long terme et il est indispensable de porter une vision directe et stable. Le temps long de la recherche et l’expérimentation pédagogique se heurte trop souvent au temps court du politique. Sans l’assurance d’un temps long il y a démobilisation des enseignants. Nous avons besoin de savoir où va le numérique éducatif et de disposer d’un temps long pour investir au bon endroit. Il nous faut des garanties pour que l’aspect pédagogique prenne le pas sur l’aspect technique.
Actuellement quatre axes ont pu être définis :
Audran LE BARON :
- 1er axe : un écosystème engagé au service de politiques publiques partagées.
La gouvernance associe l’ensemble des acteurs dans une démarche à long terme avec partage des données notamment entre état et collectivités territoriales.
- 2ème axe : les compétences numériques que l’école doit développer : compétences mais aussi culture numérique, aisance dans l’utilisation de l’outil…la plateforme PIX permet de développer, évaluer et certifier ces compétences.
- 3ème axe : une communauté éducative soutenue nationalement par une offre numérique raisonnée, pérenne, adaptée et inclusive.
La pérennité est fondamentale car elle doit éviter un investissement des enseignants non suivi à long terme en raison, par exemple, d’une disparition des ressources utilisées et du découragement qui s’en suit.
Deux piliers pour ce soutien : la création de « communs numériques » et la simplification, la facilitation au niveau du terrain de l’acquisition des ressources. La création d’un compte permettant aux enseignants ces acquisitions est envisagée. Il reste à obtenir l’assurance de pouvoir alimenter budgétairement de tels comptes.
- 4ème axe : plus spécifiquement dévolu au ministère ; une stratégie interne pour gagner en agilité et performance.
L’état a un rôle à jouer pour organiser l’offre du numérique pour l’éducation. Il lui revient de fixer des règles communes et partagées de manière à ce que chaque acteur qui amène sa pierre puisse le faire dans un cadre homogène, cohérent et lisible par l’utilisateur avec des contraintes à respecter en termes de sécurité, de protection des données… C’est le but assigné à la création d’une plateforme dédiée.
L’état est là un fournisseur de service qui gère l’infrastructure essentielle au fonctionnement. Il apporte par exemple la brique de la gestion de l’identité numérique des enseignants et des élèves
Mylène RAMM : Le premier de ces axes est fondamental pour les collectivités. La même personne est un élève pour l’école, un enfant pour les parents, un administré pour les collectivités territoriales et les visions sont cloisonnées. Faute de stratégie commune jusqu’ici, chacun a avancé sa propre stratégie. Pour avoir une politique partagée il faut développer encore davantage des outils de concertation. Il faut un tableau de bord commun pour que l’état sache ce que font les collectivités et réciproquement avec un partage des indicateurs de suivi. Cela doit faciliter le pilotage. Des instances de dialogue sont à dynamiser au niveau local et les conclusions doivent pouvoir remonter jusqu’à la collectivité.
Anne-Charlotte MONNERET : Les EDTECH ont eu jusqu’ici des difficultés à comprendre les règles du jeu, règles concernant les achats et les usages et mises en place par l’état et les collectivités locales. Celles-ci doivent être claires, communes, partagées.
Le plan ressources qui a été évoqué est important pour les EDTECH : l’enseignant doit avoir la possibilité d’acheter les ressources adaptées à ses besoins.
Les EDTECH sont sensibles à l’enjeu de la protection des données, au respect du RGPD. Cela renvoie à la capacité à, établir la confiance entre les divers acteurs et utilisateurs.
Enfin il est nécessaire pour l’ensemble des acteurs d’avoir un référencement des offres EDTECH pour que l’enseignant puisse rapidement s’y retrouver et que l’on ne cache ni offre payante, ni offre gratuite.
Pour ne pas être dépassés il va falloir aider les industriels français à travailler ensemble et prolonger cette dynamique commune jusqu’au niveau européen.
Célia ROSENTRAUB : Le problème des ressources gratuites est qu’elles ne marchent pas bien de pair avec le respect des données pourtant protection et garantie des données sont fondamentales.
Pour ce qui est des communs…dans le domaine de l’édition, cela n’existe pas.
La demande des enseignants est : « faites-nous gagner du temps » et le but de l’édition est de répondre à cette demande pour que l’enseignant puisse consacrer le maximum de temps au cœur de son métier.
Dernière modification le vendredi, 06 janvier 2023