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Avec l'Anthropocène, l'Humanité a profondément modifié le cycle de l'eau, par une croissance de son utilisation directe ou indirecte et par les effets délétères du dérèglement climatique. Le bouleversement de ce cycle vital s’est fait à une vitesse et à une échelle qui interpelle quant à la disponibilité future de cette ressource.

L’eau sur la Terre

Abondance et diversité, ainsi pourrait on qualifier la répartition et les usages de l’eau qui couvre 71 % de la surface du globe.

Précisément, ce sont 1360 millions de km³* d’eau qui « enveloppent »la planète, dont ils ne constituent qu’ un peu plus d’un millième de son volume (1/ 820). 97 % de cette eau est salée, et 2 % emprisonnée dans les glaces. C’est donc 1 % de l’eau terrestre qui est utilisée :

  • pour l’agriculture (70 %)
  • pour l’industrie (12 %, en comptant le secteur d l’énergie)
  • pour les usages domestiques (8%) en particulier et étancher la soif des hommes soient 21 milliards de litres par jour ce qui est très peu car cela représente 1 % de la quantité moyenne d’eau domestique consommée.

*1km3 = 1 milliard de litres

L'eau se recycle en permanence sur la surface du globe

Grâce au soleil 16 milliards de litre d’eau s'évaporent des océans chaque seconde. Cette vapeur circule ensuite dans l’atmosphère et finit par précipiter en eau douce sur la Terre sous différentes formes (pluie, neige, grêle, rosée, …) pour constituer les ressources d'eau douce renouvelables, superficielles et souterraines théoriquement disponibles pour des utilisations par l’homme à raison de 16 000 litres par personne par jour en moyenne.

Cette quantité peut sembler énorme mais il faut garder à l’esprit que l'eau douce est, en grande partie, difficilement accessible et qu’elle est inégalement répartie sur le globe : 9 pays se disposent de 60 % des ressources en eau douce (Brésil, Colombie, Russie, Inde, Canada, États-Unis, Indonésie, Congo, Chine), alors que des pays sont faiblement dotés en réserves (Bahrein, Emirats Arabes Unis, Gaza, la Jordanie, Koweït Lybie, Malte, Singapour)

Quant aux quantités utilisées, elles varient de un à cent : les plus gros utilisateurs, Etats-Unis, prélèvent 1 800 litres par jour et par personne alors qu’au Mali la consommation individuelle quotidienne ne dépasse pas 20 litres par jour (tous usages confondus)

Bien que la planète disposera en permanence d’eau en grande quantité, l’eau potable devient plus rare et une grande partie de ses habitants ont un accès limité à cette ressource vitale : 11 % de la population mondiale, soit 844 millions d'individus, n'y a pas accès.

A l‘échelle moléculaire à comme à l’échelle planétaire l’eau a de singulières propriétés

Les caractéristiques physiques et chimiques de cet petit élément naturel composé de 3 atomes sont remarquables, comme son fabuleux pouvoir de dissolution d’autres éléments (solides, liquides ou gazeux), et sa grande sa capacité thermique.

A l’échelle de la planète les propriétés de l’eau contribuent à son équilibre dynamique pour le meilleur, aujourd'hui, et peut être pour le pire, demain.

  • Absorption de la chaleur générée par les activités humaines, via l'effet de serre, qui est emmagasiné à 93 % par l’eau des océans. Ainsi 'augmentation de la température dans l'atmosphère est atténuée par un léger réchauffement des océans grâce à la capacité calorifique de l’eau. Cependant l’élévation de la température des océans diminue leur teneur en oxygène par diminution de sa solubilité. Tous les organismes vivant marins risquent d’en souffrir à commencer par le plancton.
  • Stockage du CO2. Près de 30 % du dioxyde de carbone produit par les activités humaines depuis deux siècles ont été dissous par les océans qui continuent de capter environ 7 Gt CO2 chaque année. Le dioxyde de carbone est accumulé dans la couche supérieure de l'océan, ce qui l’acidifie. L’ abaissement du pH de 0,1 unité devrait encore baisser de 0,3 unité d’ici à la fin du siècle si les émissions de CO2 se poursuivent au même rythme qu’aujourd’hui. Cela a un «coût » : on observe déjà que plusieurs coraux et micro-algues calcifiantes ne peuvent pas s'acclimater à cette acidification qui menace aussi les organismes dont le squelette ou la coquille est formé de carbonate de calcium (huîtres, moules,…)
  • Mouvements, dans la profondeur des mers la variabilité de la viscosité de l’eau en fonction de sa composition chimique et de sa température peut rendre deux masses d’eau non miscibles. Ce phénomène permet les grands courants océaniques qui règlent le climat planétaire.
  • Érosion par dissolution lente des roches, par le ravinement des terres non couvertes et par l’effet des marées sur les côtes.

L’eau et la vie

Un petit micro-organisme ou un grand mammifère ne peut exister sans l’eau qui le constitue et celle qu’il utilise en permanence dans se maintenir en vie.

Si certaines bactéries résistent à la dessiccation et quelques végétaux survivent à des stress hydriques prolongés, il n’en est pas de même pour les autres espèces vivantes qui, sans eau, « meurent de soif » rapidement. Chez l’homme la privation d’eau provoque des troubles pathologiques en moins de 24 heures et la mort survient au bout de 2 à 3 jours.

L’eau et ses usages ont été déterminants pour l’histoire de l’Humanité.

Dès la Préhistoire, l’homme a recherché la proximité de points d’eau pour choisir l’implantation de son habitat et de ses activités. L’augmentation de ses besoins a influencé l’évolution des installations et dispositifs pour la collecte, le transport, le stockage et l’évacuation de l’eau destinée aux usages domestiques.

Parallèlement à cette gestion de l’eau consommée au jour le jour, l’homme s’est aussi préoccupé de la maîtriser pour ses nombreuses autres propriétés : la production d’énergie (moulins), les cultures, agricoles (irrigation), la capacité de transport (navigation)…

Au delà de son simple usage l’eau est un des « constituant » majeur de notre civilisation qui lui ont des représentations diverses tant au niveau philosophique, culturel ou social.

L’eau est un des quatre éléments classiques mythiques avec le feu, la terre et l’air, et était vue par le philosophe Grec Empédocle comme l’élément de base de l’univers.

De la mythologie gréco-romaine aux religions actuelles, l’eau est présenté avec des propriétés aussi nombreuses que diverses voire contradictoires : destructrice, purificatrice, source de vie, guérisseuse, protectrice ou régénératrice.

Dans la symbolique occidentale, l’eau est associée à la purification, au renouveau.
Du symbole à la réalité il y a un fossé qui ne cesse de s’élargir.

De l’eau pour tout

La majeure partie de l’eau est utilisée pour l’agriculture et donc pour alimenter les Terriens, avec des ratio de « transformation » ou encore »empreinte en eau » très différents, pour exemples : 25 l pour produire 1 kg de salade, 600 l d’eau pour produire 1 kg de pommes de terre, 15000 litres pour un kg de viande de bœuf Ces chiffres impressionnants comptent toute l’eau utilisée directement ET indirectement pour la production. L’eau réellement prélevée est de l’ordre de 5 % de ces valeurs, le reste retourne à l’environnement.

D’après l’ONU, en 2050 il y aura 10 milliards d’habitants sur terre qu’il faudra nourrir. Cela signifie qu’il faut anticiper les risques à venir de tensions accrues sur les ressources d’eau au niveau mondial. En effet, pour répondre à la demande alimentaire, la production agricole devra augmenter de 50 %, voire plus, et nécessitera 4 500 km3 d’eau douce supplémentaire chaque année*. Par ailleurs les activités agricoles produisent des effluents qui ne sont pas totalement gérés, qu’il s’agisse fertilisants et/ou des produits phytosanitaires ou les nitrates issus des déjections des animaux d’élevage.

Avec l’augmentation des besoins, on assistera aussi à une inflation les coûts de mobilisation des ressources dus à une exploitation plus difficile et plus complexe. Certains des pays concernés par l’accroissement rapide de leurs besoins ont de faibles capacités financières qui brideront leurs possibilités d’y faire face et par suite limiteront leur développement.

Il apparaît clairement que la gestion des ressources en eau doit rapidement être plus rationnelle avec, notamment, un recours à des techniques d’irrigation plus efficientes et moins consommatrice en eau, le développement et l’implémentation de processus moins polluants et plus économes en eau limiter l’amplitude du surcoût.

Dans l’industrie, l’eau est principalement utilisée pour la fabrication et lavage, parmi les gros consommateurs on trouve l’industrie alimentaire, le secteur papetier, la production de vêtements…

On notera le cas particulier de la production d’électricité des centrales thermiques ou nucléaires qui utilisent l’eau pour le refroidissement avec un rejet quasi immédiat dans l’environnement, à une température plus élevée pouvant impacter les écosystèmes en aval. A cet égard on ne peut que se réjouir que les centrales mises en service depuis les années 1990 fonctionnent en circuit fermé.

Les activités de service sont également consommatrices d’eau notamment les entreprises des nouvelles technologies qui en ont besoin pour le refroidissement des data center. Chez les géants de l’internet, les quantités utilisées sont tellement énormes au point que les chiffres de la consommation sont confidentiels au prétexte du secret industriel. Sur la base d’informations communiquées lors de procédures juridiques on peut estimer qu’un data center de Google consomme 3 à 7 milliards de litres d’eau par an. Comme il y en a 21 dans le monde, cela fait une consommation de 100 milliards de litres par an en tout soit 5 fois la quantité d’eau de boisson pour toute la planète.

La consommation et les usages de l'eau domestique sont très variables selon les pays. Au delà des disparités d’accès et d'habitudes, il y a de vrais sujets :

  • sur la qualité d’eau utilisée : a t on besoin d’eau potable pour nettoyer les rues des villes à coup de jets puissants, pour arroser les jardins (publics ou privés) pour alimenter la chasse d’eau des toilettes…
  • sur la qualité des réseaux où les fuites fuites sont estimées à 20 % de l’eau qu’ils transportent
  • sur le traitement des eaux usées hors circuit d’assainissement collectif.

De l’eau saine toujours ?

Toutes ces activités de l'homme disséminent des quantités colossales de polluants chimiques ou biologiques par lessivage des sols par les eaux de pluie et les rejets dans les cours d’eau ce qui a inévitablement un impact en aval pour sur la qualité de l’eau « brute » contaminée par des nitrates, des métaux lourds, des micro-organismes.

Le droit à l’eau et à l’assainissement est un droit de l’Homme reconnu par l’ONU depuis 2010 qui, à ce titre, fait partie des droits économiques et sociaux qui doivent avoir un rôle majeur dans la protection de la santé de l‘homme et de l‘environnement.

Pourtant, en 2019 la Banque Mondiale alertait sur la quantité d’eaux usées déversées dans l’environnement sans traitement : 80 % en moyenne mondiale et jusque 95 % dans certains pays en voie de développement. A cause des insuffisances en assainissement, plus de 1,8 million de personnes meurent chaque année de maladies diarrhéiques.

L'Humanité a autant le besoin d’eau que de la « qualité » de l’eau.

Si à l’échelle planétaire l’Homme ne manquera jamais d’eau, l’eau potable va devenir plus rare, plus chère et plus inaccessible encore dans certaines régions du globe. Sans révision rapide significative de l’approche internationale de la gestion des ressources, près des deux tiers de la population mondiale pourraient subir des pénuries d’eau dès 2030 avec un creusement des inégalités d’accès à l’eau potable et une augmentation des besoins là où les ressources sont déjà faibles (Moyen-Orient, zones arides de l’Afrique…) ce qui est un facteur d’instabilité politique et d’aggravation des conflits.

Dernière modification le mardi, 21 juillet 2020
Drouet Xavier

Xavier DROUET, 63 ans, est ancien élève de l'École Normale Supérieure où il a étudié la Physique et la Biochimie. Il est aussi Docteur en Médecine.
Après une carrière scientifique dans la recherche académique, appliquée et industrielle, il a dirigé plusieurs sociétés à fort contenu technologique pendant 15 ans et consacré 8 années à soutenir la recherche, l'innovation et le développement économique au niveau régional et national à des postes de direction au ministère de la Recherche et dans les services du Premier Ministre en France.
Depuis 2015 il exerce une activité d'expertise et de consultant pour accompagner des projets de créations ou de croissance d'entreprises de la microentreprise unipersonnelle à la start-up «techno».
Il est également auteur et conférencier (sciences, économie, stratégie) pour le compte d'entreprises, d'organisations de diffusion de la culture scientifiques et de media d'information pour les professionnels ou le « grand public ».

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