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Une question éducative autour d’un propos de Marcel Desvergne : “Notre monde numérique subit un mascaret”: Pour parler de la métaphore, je ne prendrai ni la position du rapport des économistes Olivier Blanchard et Jean Tirole qui ne fait qu’adapter les vieilles recettes du néolibéralisme économique de 1934 au climat, aux inégalités, au vieillissement. C’est ce que je perçois à travers quelques extraits parus dans la presse - Leur posture contrairement à ce qu’ils disent est proche de celle de Thomas Piketty- ni la référence au débat propre aux droits de l’Homme et du citoyen.

Je souhaiterais partir de la situation des acteurs de terrain qui sont en prise directe avec les questions éducatives.

 

C’est là pour moi que la métaphore du mascaret prend tout son sens et explique la position de l’An@é.

Que fait un acteur de terrain quand il participe à une action éducative ?

 

Il suit avec les jeunes générations un courant, un flux montant qui conduit vers une conception de l’homme où la vie collective se construit à partir de l’autonomie de chacun qui apporte ses propres valeurs et où la spécificité de l’apport de chaque groupe d’appartenance est reconnue (cf. articles sur la langue de l’enseignement et le multilinguisme).

Cette création collective basée sur la controverse est une formation psychique, sociologique et anthropologique. Elle conduit à une attitude réflexive sur les environnements qu’ils soient techniques, naturels ou politiques (dans le sens organisation de la société comme la représentation des citoyens et une administration).

Cette proposition élimine toute pratique éducative qui recherche à modeler les générations montantes selon un modèle institutionnalisé qui fait partie du flux descendant.

Ce flux descendant se trouve porteur d’un modèle technologique comme modèle éducatif.

 

Il met au centre de l’éducation une soumission aux procédures proposées par des produits technologiques conçus par une oligarchie en dehors de toute production collective. Cette procédure conduit au « management numérique » de toutes les activités humaines, y compris celles de l’enseignement et de l’éducation.

La rencontre de ces deux flux crée le mascaret sur lequel l’An@é a su surfer en publiant sur son site Educavox régulièrement des textes rendant compte des pratiques de terrain et les apports réflexifs qui pouvaient les compléter. L’association devient porteuse de l’innovation technologique tout en restant attachée à la finalité de l’action éducative à laquelle elle adhère.

Et quand la vague porteuse rentre dans le lit du fleuve, la poursuite de l’éducation vers l’amont trouve en permanence les résurgences du flux qui l’attire vers l’aval où vont se confondre toutes les conceptions de l’éducation vers une seule que modélise la technologie.

L’enjeu de l'An@é et de son site Educavox est donc de donner la parole et aussi une place reconnue qui permettent aux  acteurs de terrain de faire connaitre leur projet collectif et éducatif quand la vague n’est plus porteuse de l’innovation technologique qu’apportait le flux descendant.

Ils retiennent de ce moment du mascaret que la technologie est à leur service pour poursuivre leur finalité éducative. 

 

Ils savent en exclure toutes les procédures qui en font un outil de pouvoir et de réalisation d’une pensée unique.

Droits sur le surf, Ils continuent à se diriger vers l’amont avec le flux qui précéda la conjoncture technologique. Ils y ajoutent la connaissance de la technologie comme apport à leur propre orientation éducative collective et formatrice à l’autonomie.

Remonter le courant est chose difficile mais n’est-ce pas le sens de tout acte éducatif, ne pas se laisser emporter par les flux conjoncturels qui prédominent.

Au cours de la fin du 20ème siècle et le début du 21ème, de nouveaux paramètres sont introduits.

 

Marcel Desvergne souligne que le modèle dominant éducatif venu des USA basé sur les références à l’entreprise de type néo libérale et sur l’utilisation technologique des flux d’informations n’est plus le seul modèle dominant.

D’autres modèles basés sur la technologie numérique et sur des idéologies qui vont de la conception par exemple chinoise à celle des Emirats arabes unis viennent concurrencer ce modèle dominant venu des Etats Unis d’Amérique en Europe suite au Plan Marshall et aux traités faits au sein de l’Union Européenne.

L’éducateur au contact dans son espace politique et idéologique prend en compte les éléments de ces différents environnements quand ils servent la finalité éducative institutionnalisée propre à la déontologie de son groupe d’appartenance et à son éthique personnelle.

Confronté à cette situation, il a le choix entre d’une part une analyse de chaque modèle dominant et d’éduquer à la reconnaissance et à l’analyse critique de chacun, et d’autre part une synthèse des apports de l’ensemble des modèles pour créer une réflexion collective qui situe la finalité de ses enseignements par rapport aux objectifs proposés par les autres modèles.

Réunir et confronter les propositions de chacun des acteurs d l’éducation pour leur donner existence et reconnaissance au moment où les influences et les modèles éducatifs se multiplient participent à la construction d’une finalité éducative qui reconnaît l’existant sans abandonner sa finalité éducative première et prépare l’enfant et l’adolescent à participer à la réflexion collective citoyenne.

Ce n’est pas la première fois que l’Education est confrontée à une technologie qui est accaparée par un pouvoir pour imposer une pensée unique : ce fut le cas de l’imprimerie avec la bible.

Combien de siècles et de luttes furent-ils nécessaires pour que l’imprimerie se libère de cette tutelle ? Et encore faut-il se poser la question de savoir si ces luttes ne sont pas chaque jour nécessaires pour qu’une nouvelle tutelle n’accapare pas cette technologie avec l’objectif d’imposer une pensée unique ? Remonter le fleuve vers l’amont n’est pas chose facile !

Ce fut aussi une tendance répétée des technologies audio-visuelles analogiques.

 

Que la métaphore est belle ! Nous vous invitons à l’emprunter ! Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Dernière modification le mardi, 06 juillet 2021
Jeannel Alain

Professeur honoraire de l'Université de Bordeaux. Producteur-réalisateur. Chercheur associé au Centre Régional Associé au Céreq intégré au Centre Emile Durkheim. Membre du Conseil d’Administration de l’An@é.