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Le coup des détecteurs de portables, on nous l’avait fait déjà il y a deux ans, et puis encore l’an dernier… Je sens venir le marronnier décennal, au bas mot. J’avais parlé alors successivement de « faute morale de l’institution » puis de « politique de l’autruche » en qualifiant ainsi cette incapacité atavique et renouvelée de l’institution à ne pas vouloir voir, ne rien comprendre, ne rien vouloir changer, ne jamais anticiper, ne réagir aux évolutions de la société qu’en termes de répression et de censure technique, à accumuler les fautes, les bourdes anachroniques, les attaques méprisantes à l’encontre de sa jeunesse…
Mais je m’échauffe.
Je vous avais dit pourquoi installer ces détecteurs, s’ils existent car l’administration ne communique pas sur leur nombre et emplacement, est techniquement stupide, pourquoi ces machins sont de fait incapables de détecter quoi que ce soit, et surtout pas l’éventuel utilisateur d’un ordiphone ni même et avant tout de prévenir la triche. Nextinpact fait d’ailleurs mention de témoignages qui en signalent l’incurie technique.
Je rappelle néanmoins pour mémoire car rien n’a changé quelques petites questions que je posais il y a un an et qui n’ont pas reçu de réponse :
  • Les détecteurs savent-ils repérer toutes les fréquences d’utilisation, de la 2G à la 4G, en passant par Wi-Fi et Bluetooth ? À lire ce qu’on trouve sur le web, c’est loin d’être le cas, de nombreux modèles sachant détecter l’un ou l’autre pas mais tous les modes de transmission de données et pas forcément sur de grandes distances…
  • Une fois qu’un détecteur a repéré la présence d’un ordiphone connecté, comme le surveillant de salle va-t-il faire pour savoir où il se trouve dans la salle d’examen, en sachant que la fouille est interdite ?
  • Il suffit d’une recherche toute simple sur le web pour s’apercevoir qu’il existe déjà des dispositifs brouilleurs de détecteurs. Les centres d’examen vont-ils bientôt commander des détecteurs de brouilleurs de détecteurs de téléphones ?
  • La fraude au baccalauréat, même avec ces détecteurs, reste possible. Nul besoin d’être connecté, il suffit, en utilisant le mode « avion » d’avoir stocké en mémoire, sous forme de son, de texte ou d’image, les données dont on a besoin. L’ordiphone est alors indétectable.

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    On peut s’étonner à ce sujet, d’ailleurs, de l’incapacité des médias à faire de ces annonces ministérielles une lecture un peu critique, la plupart d’entre eux, sauf exception, se contentant de relayer la communication institutionnelle sans ciller ni surtout s’interroger sur les enjeux induits par la mise en place d’un tel dispositif anachronique.

    Une fois de plus, c’est sur les réseaux sociaux et en particulier sur Twitter — voir plus bas — que ce sont exprimées la critique et l’indignation.

    J’ai dit et répété encore qu’il était paradoxal que l’école s’avère incapable de ne pas fournir une réponse éducative, ne serait-ce que partielle, à une difficulté qui s’avère, elle, ne relever que du champ éducatif. Je crois que je devrai encore répéter souvent mon adage préféré qui énonce qu’un dispositif technique ne peut jamais être la seule réponse à un problème éducatif.

    Le schisme.

    Cette escalade m’inquiète et me désespère, c’est tout, car elle constitue la seule et unique réponse à un vrai problème : celui de la complète inadéquation de cet examen aux modes émergents d’appropriation et de restitution des connaissances, d’une part, d’une mise en œuvre des compétences acquises d’autre part. Il y a là un véritable schisme culturel, une fracture dont l’école ne se remettra pas de sitôt.

    Le signal est clairement donné : l’école ne veut pas se rénover, elle dresse des barrières, érige des châteaux-forts, prépare les catapultes :

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    Tout récemment, le site DirectMatin annonçait des évolutions sensibles

Le lecteur aura compris, j’espère, que je ne veux en aucun cas encourager à tricher, sous quelque manière que ce soit, voir ci-dessus. Mais quand va-t-on enfin se préoccuper de changer ces modes d’évaluation et donc les programmes pour les mettre en conformité avec leur temps ?
Combien d’années encore vais-je devoir bougonner à cette époque contre ces archaïsmes ? Ne comptez pas sur moi pour baisser les bras… Il faut d’urgence réformer le baccalauréat, comme d’autres pays l’ont déjà fait, sans tarder, et surtout sans attendre le résultat des émois supposés d’un Conseil supérieur des programmes maintenant délabré. Il en va de la responsabilité de l’école. Michel Guillou @michelguillou http://www.culture-numerique.fr/ image Crédit photo : Freimut via photopin cc
Dernière modification le jeudi, 05 février 2015
Guillou Michel

Naturaliste tombé dans le numérique et l’éducation aux médias... Observateur du numérique éducatif et des médias numériques. Conférencier, consultant.