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Derrière la réforme du collège se cache une vraie révolution. Elle fait tellement peur qu’elle demeure dissimulée. On brandit les EPI, l’Aide Personnalisée pour tous et l'abandon des lettres classiques pour souligner que l’on n’apprend plus rien ou que les bons élèves sont, « une fois encore », les victimes, les laissés pour compte. On masque tout cela d’un vocabulaire abscons encore inédit par l’étendue de son lexique et sa désespérance sémiotique. Et pourtant, l’institution, comme l’armée, du reste, n’est pas réputée avare en la matière !

Les élèves doivent donc être actifs. Bien.

Au travail, les élèves, vous n’êtes plus en classe pour écouter ! D’ailleurs, vous savez de moins en moins écouter. C’est sûrement une des raisons pour lesquelles un certain nombre d’enseignants n’a pas attendu 2016 pour faire évoluer la manière d’apprendre en classe.


L’inspection nous invite à « utiliser  les  outils  numériques, lorsque  cela  est  possible  et réellement  pertinent ». Excellente idée pour mettre au travail les élèves et les faire produire. Seulement, les profs de math ont préempté l’idée en introduisant la programmation dans tous les niveaux du collège. Au revoir la salle informatique et place au numérique sans machine !


Le numérique étant peu accessible dans les établissements ne disposant pas de plusieurs salles informatiques est un constat ennuyeux pour le fonctionnaire désireux de mettre en pratique le programme officiel. Mais rassurant. Parce que c’est une injonction paradoxale. Jamais les enseignants n’ont été formé à l’usage du numérique. Ils sont auto-formés et donc compétents dans les domaines numériques qui les intéressent, ce qui est bien le moins.


Face à la transformation introduite par l’internet dans la diffusion de l’information, tous les élèves doivent recevoir une éducation aux médias.

C’est certainement pour cela que les classes à PEM (Projet d’Education aux Médias) ont été supprimées. Mais l’institution n’est pas à une contradiction près.

Reste le second aspect, pour nous primordial. Travailler par compétences, ou par capacités.

L’affaire est complexe, mais cela fait une dizaine d’années que l’on en parle et chacun commence à avoir une petite idée de la « chose ». L’évaluation doit donc être chamboulée. L’inspection précise que lors de ses visites, elle portera « également  une  attention  soutenue  à  l’évaluation  des élèves ».

Donc évaluer des connaissances — le fondement de  l’évaluation en France. Mais également des savoir-faire en tant que tel. Savoir rédiger. Savoir extraire des connaissances. L’affaire se corse ! Pire. Evaluer des comportements. Savoir écouter (les autres, parce que si c’est le prof, c’est la base !). Savoir coopérer. Savoir réaliser un projet…


Les nouveaux programmes du collège cachent cette révolution copernicienne de l’évaluation. Pardon, je suis vieux jeu ! Ce changement de paradigme.

Désormais, la nation demande à ses enseignants de former des jeunes gens possédant un certain nombre de connaissances mais surtout maîtrisant un certain nombre de savoir-faire ou de savoir-être. Et le tout est consigné dans le " LPC " (Livret Personnel de Compétences) gage que le candidat possède bien le socle commun de connaissances, de compétences et de culture (pourquoi pas le S4C ?).

C’est la théorie du changement appliquée à l’éducation nationale. 
Mais comme toujours lorsqu’il s’agit de l’Education Nationale de ces dernières années, on oublie une étape, une « précondition » permettant d’accomplir la noble mission et d’atteindre la cible.

Si, depuis une trentaine d’années, nous utilisons l’informatique sans avoir été formés, cela fait bien plus longtemps que nous notons sans avoir une once d’idée de ce qu’est la docimologie. Je suis de mauvaise foi ? Que ceux qui ont reçu un enseignement de docimologie d’au moins une heure depuis le début de leur carrière lèvent le doigt ! C’est un objet déserté en France.


Alors, aujourd’hui, l’institution demande à ses enseignants de noter par compétences, tout en conservant les notes. Bon, on peut aussi supprimer les notes si on trouve comment faire. Tout en sachant qu’elle seront réintroduites à l’issue de la troisième pour constituer le dossier de l’élève pour le "DNB"(Diplôme National du Brevet).

Qu’en est-il de la formation ? La lecture du fameux PAF (Plan Académique de Formation) montre plutôt que l’accent est mis sur l’Aide Personnalisée (AP), ainsi que sur les EPI (Enseignements Pratiques Interdisciplinaires). Toujours rien sur l’évaluation. Comment rassurer et accompagner les collègues ? Et après, on se désolera de l’abandon de la Réforme…

Dernière modification le lundi, 12 septembre 2016
Crémieu-Alcan

Professeur en collège, Historien moderniste, spécialiste de la forêt, formateur wordpress, mène une réflexion sur les usages pédagogiques du web 2.0. Co-anime la classe Médias du collège Dupaty (une classe PEM).

Sites : https://miscellanees33.wordpress.com/