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Il y a longtemps que j’attends – et redoute – ce moment ; celui où les grands principes, mais aussiles défenses de territoires, voire les petits calculs de trajectoires professionnelles et les batailles d’égos, vont devoir se mettre en musique pour se traduire, sur le terrain, en un nouveau dispositif de formation des enseignants.
Je viens de découvrir le calendrier de la mise en place de la réforme. Pour que tout soit prêt à la rentrée 2013 - ce qui d’un certain point de vue se comprend -, le timing est démentiel et risque de conduire nombre de partenaires dans le mur. Il me paraitrait donc essentiel et premier d’annoncer tout de suite que cette précipitation n’obère en rien l’avenir et qu’elle n’a qu’un statut de test, d’expérience, etc. Bref, on avance mais on ne fige rien dans le marbre. Je viens aussi d’apprendre que deux académies seraient un peu plus expérimentales que les autres : Créteil et… Lyon.

Or il se trouve que j’ai réalisé en 2011/2012 le film « Enseigner peut s’apprendre ! » à partir du dispositif que je trouvais le plus innovant en ce domaine : la formation des enseignants d’EPS, au sein de l’UFRSTAPS de Lyon.En vieux con auquel l’on a rien demandé (quoique…), mais qui ne va pas se taire au moment le plus crucial d’une aventure qu’il suit depuis le début des années soixante-dix, je vais tenter de clarifier se qui se bouscule un peu dans ma tête… déjà un peu ailleurs.

Chaque situation comporte un côté verre plein et verre vide. Je prends plutôt positivement le fait que Lyon soit « expérimental ». J’ai d’ailleurs fait cette proposition il y a longtemps. Je prends très positivement le fait que la rectrice de Lyon soit compétente et intéressée par la formation des enseignants. Je prends même très positivement le fait que les tensions intra universitaires Lyonnaises (pour faire simple) soient fortes, car elles devraient permettre un débat solide sur le fond. Je pense, en revanche, que ce débat peut et doit être apaisé… mais sans concession a priori sur le fond. Je pose cependant la question : où sont les syndicats les plus représentatifs dans le dispositif de pilotage ? Pour le moment, nulle part. C’est inquiétant.

Je vais me contenter de lister quelques idées simples… pour moi en tous cas.

1. L’UFRSTAPS de Lyon n’est pas représentatif de la situation de la plupart des UFR de Lyon, ni d’ailleurs, en matière de formation des enseignants.
2. L’UFRSTAPS de Lyon n’est pas non plus représentatif de la situation de la plupart des UFRSTAPS de France dans ce même domaine, même si des situations proches existent.
3. Le dispositif actuel de formation des enseignants de l’UFRSTAPS de Lyon semble être le seul en France à présenter une cohérence d’ensemble de L1 à M2. Les autres dispositifs existants sont souvent des « ilots » (un prof, une équipe matière, un niveau, etc) noyés dans des systèmes beaucoup moins cohérents.
4. Nous nous trouvons un peu dans la même situation que l’éducation physique et sportive, en 1981, lors de son passage du ministère de la Jeunesse et des Sports à celui de l’Education Nationale ; transition que j’ai alors suivie de très près en tant que responsable syndical, au sein du SNEP. 
Aujourd’hui, la question de fond est la même. Comment conserver l’efficacité de l’innovant, tout en réalisant une réforme d’ensemble du système, plus que nécessaire ?Cette exigence ayant, pour moi, un double objectif : ne pas casser ce qui marche et, du même coup, conserver un « laboratoire » éventuellement utile pour le autres… plus tard.
5. En effet, je suis convaincu que le modèle Lyonnais de formation des enseignants d’EPS est le bon et qu’il est adaptable à la majorité des autres formations… dans cinq ou dix ans, du fait de la situation actuelle des autres UFR, sauf à passer en force sans en avoir… les forces.
6. Avec le recul, je suis, aujourd’hui, convaincu que la structure IUFM était, à la fois, une aberration systémique (car créant le « successif » disciplinaire + bachotage + professionnel), en même temps qu’une position réaliste, à l’époque, pour l’ensemble de la France… sauf à l’UFRSTAPS de Lyon, où des conditions historiques et humaines, totalement exceptionnelles, ont permis une autre cohérence ; cohérence sur quatre ans d’abord, puis sur cinq ans depuis la mastérisation, « tordue » dans le bon sens par les militant(e)s locaux. Le concept de « village Gaulois » avancé dans le film me parait, finalement, très juste et plutôt « glorieux ».
7. La piste la plus réaliste me parait, pour l’UFRSTAPS de Lyon, de demander un statut « d’expérimental dans l’expérimental » ; ce qui est cohérent épistémologiquement. Simplement, je trouverai stratégique qu’un partenariat solide soit mis en place avec l’IFE (ou son descendant), pour que s’installe un suivi externe du dispositif Lyonnais de la formation des profs d’EPS. Tout le monde aurait à gagner à ce que des regards extérieurs (si possible compétents) viennent découvrir et décortiquer l’existant… puis le fassent connaître, après, éventuellement, avoir proposé des évolutions.
8. Le principe qui devrait être posé en parallèle (un peu comme un objectif opérationnel) serait : on n’accepte aucune réforme qui ferait que la formation des enseignants d’EPS sera « moins bien qu’avant »… surtout pas au nom d’une quelconque normalisation de « l’original » au sein du grand nombre ; ambition qui n’a pas été assez clairement exprimée pour l’EPS en 1981, etc.
9. Mais, dans le même temps, la proposition du modèle Lyonnais pourrait aussi être faite nationalement à d’autres UFR, d’une part intéressées, et d’autre part pensant en avoir les forces, à court ou moyen termes. Autrement dit, dans une académie, pourraient cohabiter des formations d’enseignants intégrées pédagogiquement et institutionnellement de L1 à M2, avec des EPSE intervenant comme « soutien logistique » et créateur de liens, et des formation des enseignants intégrées, simplement pédagogiquement, mettant donc en jeu deux institutions successives (UFR + EPSE), mais coordonnées ; un peu à l’image des contrats simples et des contrats d’association entre les écoles privées et l’Etat.
10. Reste que tout ce bel édifice ne tiendra debout que si les concours sont fortement réformés. Et là nous allons buter sur la nécessité absolue d’une contrainte externe pour obliger les UFR à engager une formation intégrée au plus tôt : pré recrutements massifs en L3 et/ou admissibilité en L3. Sinon nous retombons, à tous les coups, dans du successif et non de l’intégré. Reste aussi à inventer des épreuves intégratives pour formation intégrée… et/ou à faire connaître celles du CAPEPS. Attention aussi à ne pas découper l’évaluation en compétences plus ou moins artificielles. Un pilote d’avion qui a une bonne note au décollage et une mauvaise à l’atterrissage peut avoir la moyenne, mais moi je ne partirai pas en voyage avec lui.
Voici mes dix idées… qui ne sont pas du tout « dix commandements ». Elles sont simplement à débattre. Au fait, si vous voulez en savoir plus sur le concept de « formation intégrée », il vous suffit de cliquer sur (ou plutôt de recopier) ces liens sur votre barre d’adresses.

Crédit photo  : © Peter Kim / Fotolia
Jean Paul Julliand
Dernière modification le lundi, 24 novembre 2014
Julliand Jean Paul

Professeur retraité