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Nouvelles formes d’apprentissage : Article de Julia Gualtieri publié sur le Digital Society Forum :
« Coder est le nouveau latin du 21e siècle » déclarait il y a deux ans Alex Hope, PDG de Double Negative, société spécialisée dans les effets spéciaux pour le cinéma, soulignant à la fois le monopole d’une minorité sur cette nouvelle science et la nécessité de la démocratiser, tout en appelant les gouvernements à s’emparer du sujet.
 
C’est chose faite en Grande-Bretagne, où l’informatique est en passe d’être ajouté au Certificat général de l’enseignement secondaire tandis qu’en France, le projet de loi pour la refondation de l’Ecole présenté le 23 janvier 2013 engage une réflexion sur la place de l’informatique au sein de l’éducation au numérique, nouvelle mission de l’enseignement. De moins en moins contesté, l’enseignement de l’informatique n’était pourtant pas une cause gagnée d’avance. D’abord parce que la discipline a été tardivement reconnue, notamment en Europe où le monopole de l’école sur l’éducation et les programmes stricts freinent pour beaucoup les innovations. Ensuite, parce que l’informatique pâtit d’une image de science complexe, peu naturelle et constamment en évolution, alors même que les ordinateurs sont de plus en plus simples à utiliser.
 
Pourquoi devrions-nous connaître le fonctionnement d’un ordinateur si friendly user ? Pourquoi ne suffit-il pas d’être un consommateur numérique averti ? Précisément parce qu’il est essentiel de devenir créateurs plutôt que de rester consommateur répond Douglas Rushkoff, auteur du livre Les 10 commandements de l’ère numérique. Pour lui, l’équation est simple – ou binaire diraient d’autres : « créez le logiciel ou soyez le logiciel », « programmez ou soyez programmés », « créez ou consommez ». La question posée par l’enseignement de l’informatique n’est donc pas seulement celle d’entrer dans l’ère du numérique, mais celle de faire le numérique.
 
Maîtriser les bouleversements du numérique
Pour les défenseurs d’une formation à la programmation, il est essentiel de comprendre combien le numérique bouleverse les activités et les capacités humaines malgré nous. Avec les ordinateurs et le numérique, nous répliquons le processus de cognition. Or, ce sont les programmes qui dictent aux machines les interactions. Ainsi, on comprend que ceux qui maîtrisent la programmation maîtrisent la transformation du monde. Du coup, utiliser des outils numériques sans au moins en comprendre les mécanismes revient à vivre dans un environnement dont les paramètres et les effets cognitifs de ces paramètres ont été définis par d’autres. L’enjeu de l’apprentissage de la programmation, du « savoir coder » est donc celui de (re)prendre le pouvoir sur la machine afin de comprendre et de maîtriser les bouleversements liés au numérique. L’Académie des Sciences, auteure d’un rapport sur le sujet en mai 2013, souligne l’urgence de la réduction de cette fracture d’usage. Elle pointe également la nécessité de réduire la fracture des genres face à la programmation (univers très majoritairement masculin) et la fracture sociale.
 
L’alphabétisme numérique
Si aujourd’hui beaucoup s’accordent sur l’utilité de l’apprentissage de la programmation, il reste à définir le point d’équilibre entre la nécessité d’enseigner les principes généraux utiles à la compréhension des conséquences du numérique et « l’injonction à devenir tous programmeurs » selon les mots d’Hubert Guillaud. De même, les voix divergent sur la méthode et les contenus : comment enseigner la programmation ? Comme une technique, comme une science ou comme une nouvelle forme de littératie ? L’Académie américaine des Sciences défend l’apprentissage d’une « pensée computationnelle », une forme de raisonnement basée sur les principes de la programmation déconnectée de son association avec les machines.
Enfin, la question du choix du langage de programmation et du choix des méthodes d’apprentissage divise les protagonistes du débat qui rappellent qu’aujourd’hui, nombre de programmateurs se forment eux-mêmes, les méthodes étant pour la plupart, défectueuses. Des essais sont en cours avec notamment la Code Academy, créée par deux étudiants de Colombia et, en France, 42, l’école de Xavier Niel. Toutes deux gratuites et (presque) ouvertes à tous, ces deux écoles proposent des cours de code en ligne. Mais là s’arrêtent les ressemblances. Quand l’une repose sur la libre volonté des administrés, l’autre se compose de sessions pour le moins intensives. De même, les langages enseignés divergent, la Code Academy enseignant un peu tout et 42 préférant UNIX. Bien qu’aucune étude ne compare les deux enseignements, ces deux essais éclaireront sans doute les choix d’avenir. Le principe est acquis, il n’y a plus que les paramètres à définir.
 
Dernière modification le jeudi, 16 octobre 2014
An@é

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