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J'ai défini le concept de «conscience augmentée» en insistant sur la quantité de liens numériques qui nous permettent d'avoir accès à une information planétaire en temps réel de tous les événements médiatiques, heureux ou scandaleux, qui surviennent. 

Accès à l'article : http://hyperhumanisme.blogspot.fr/2015/06/la-conscience-augmentee-est-une.html

 

conscience augmenteeCette conscience n'augmente pas en intensité ontologique, mais éthique. Elle n'est pas un plus d'être individuel, processus qui relève d'autres paramètres strictement personnels, tels que la concentration, la méditation, la fulgurance sentimentale, voire instinctuelle. Il s'agit là de réactions de la psyché.

C'est par le partage de l'information extérieure à elle-même, par multiplication de l'information planétaire qu'elle reçoit, que cette conscience dont je parle augmente. Son horizon s'élargit, certes, mais elle sait aussi qu'elle est en connexion avec davantage d'autres consciences humaines, susceptibles d'échanger avec elle et même de juger ses réactions d'indifférence ou d'engagement éthique. 

Je l'ai souvent mentionné: je ne crois guère à l'intelligence collective comme une augmentation de l'intelligence, car la bêtise collective est encore plus évidente. Mais il est raisonnable de croire à la conscience collective créée par une multitude de consciences individuelles qui partagent les mêmes sentiments éthiques d'indignation face à un scandale humain qui surgit quelquepart sur la planète, aussi bien dans une contrée lointaine qu'à proximité. On pourrait alors parler de consciences en nuée. Chaque conscience demeure individuelle, comme un oiseau dans une volée de moineaux, mais elle adapte son comportement à celui des autres. Il ne faut rien hypostasier là, ne pas fabuler sur une atmosphère spirituelle qui se développerait comme une vapeur autour de la planète, ni de mèmes comme Hawking: il s'agit seulement de mimétisme.

On notera que ce peut-être aussi une bonne nouvelle qui déclenche cette augmentation de conscience collective: la décision de la Cour suprême des Etats-Unis, qui vient d'être annoncée, de légaliser le mariage gai dans tous les Etats américains, ou le sauvetage ultime d'un mineur remonté du fond d'une mine du Chili après une semaine d'efforts, ou la survie de cette jeune fille afghane tirée à bout portant par des Talibans intégristes parce qu'elle osait se rendre dans une école. Les exemples sont heureusement assez nombreux, qui nous rassurent sur la possibilité du progrès, même s'ils sont plus rares que les scandales quotidiens incluant désormais le terrorisme des intégristes 
djihadistes.

Bien sûr, c'est le malheur, c'est l'injustice qui déclenchent la réaction éthique plus que le bonheur des autres, qui nous apaise. C'est l'empathie pour la souffrance des autres qui est source de conscience éthique.
Cette conscience augmentée se traduit par la capacité de se mettre à la place de l'autre, qui est victime ou qui est gratifié, et de le soutenir ou de le fêter. Elle implique non seulement des sentiments d'indignation, mais aussi un engagement envers lui et envers la cause humaniste qui est en jeu. Elle incite à ressentir une responsabilité humaine partagée - éventuellement par des millions de personnes, et on le sait -, voire à s'impliquer dans une action collective. Cette réactivité de la conscience augmentée se traduira par la participation à une manifestation, une marche collective dans la rue, l'envoi d'argent pour soulager les victimes d'un désastre naturel ou d'une guerre, la rédaction d'opinions ou d'articles dans les médias pour déclarer et argumenter son soutien personnel à cette conscience collective. Elle se traduit souvent aussi par un engagement personnel actif dans des organismes humanitaires, voire à plusieurs époques dans des mouvements clandestins de résistance.

Aujourd'hui, du fait de l'information planétaire en temps réel que permettent les médias électroniques, je ne peux plus dire: " désolé, mais je ne savais pas". Désormais, à l'âge du numérique, nous savons de plus en plus, de mieux en mieux, immédiatement, et cela déclenche notre conscience d'indignation et de notre responsabilité, notre volonté de faire quelque chose pour soulager le malheur. 

En quelques mots: la conscience augmentée est certes ressentie individuellement, mais comme connective et partagée. Elle est collective. Elle n'est pas tant psychique qu'éthique et se traduit par un sentiment de bonheur ou plus souvent d'indignation qui incite à contribuer à un engagement humaniste collectif. La conscience collective est active, hyperactive. Elle le moteur de l'hyperhumanisme: plus d'humanisme par plus de liens.

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Dernière modification le vendredi, 08 décembre 2017
Fischer Hervé

Artiste-philosophe, né à Paris, France, en 1941. Double nationalité, canadienne et française. Hervé Fischer est ancien élève de l'École Normale Supérieure (rue d'Ulm, Paris, 1964). Il a consacré sa maîtrise à la philosophie politique de Spinoza (sous la direction de Raymond Aron), et sa thèse de doctorat à la sociologie de la couleur (Université du Québec à Montréal). Pendant de nombreuses années il a enseigné la sociologie de la culture et de la communication à la Sorbonne-Paris V (Maître de conférences en 1981). A Paris il a aussi été professeur à l'École nationale Supérieure des Arts décoratifs (1969-1980). On lui doit de nombreux articles spécialisés, participations à des ouvrages collectifs et conférences dans le domaine des arts, de la science et de la technologie, en rapport avec la société. Parallèlement il a mené une carrière d'artiste multimédia. Fondateur de l'art sociologique (1971), il a été l'initiateur de projets de participation populaire avec la radio, la presse et la télévision dans de nombreux pays d'Europe et d'Amérique latine, avant de venir s'installer au Québec au début des années 80.