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L’adéquation du politique avec les problématiques numériques de l’éducation, pourrait se résumer en une phrase :

L’école doit préparer nos enfants au monde dans lequel ils vont vivre et le politique doit préparer le monde dans lequel vont vivre nos enfants, or ce monde est d’ores et déjà envahi par le numérique. Il s’agit là de trois banalités rassemblées mais on peut rendre cette adéquation dynamique en précisant  quelques unes de ces problématiques.

Avant toutes choses il convient de dire que le numérique en lui-même n’est ni un problème ni une solution et il n’est pas le centre des problématiques. La société dans son ensemble s’aperçoit que le numérique c’est surtout de l’humain, des valeurs, de la collaboration, de l’échange, du partage et, parallèlement, l’école, après avoir fait le constat de la convergence des outils, se rend compte que ce sont les contenus qui sont primordiaux, c’est-à-dire que les contenus sont au cœur des problématiques du numérique à l’école.

Des problématiques,  je vais en retenir deux qui me semblent fondamentales :

- La nécessité de réduire les inégalités

- la formation du citoyen numérique (je rajoute numérique pour plus de précision mais il s’agit presque déjà du citoyen d’aujourd’hui et en tous cas celui d’un avenir très proche)

Concernant la réduction des inégalités, le numérique est vécu à la fois comme une chance et comme une crainte tant par le politique que par l’école.

La chance est celle de la disponibilité du savoir partout, de la culture partout avec une accessibilité que les efforts des collectivités et la baisse des coûts des matériels (hors effets de mode) rendent de plus en plus réelle pour tous. Il reste à faire bien sûr mais les inégalités en termes de matériel sont en train de se résorber et, du moins, on sait comment le faire.

La crainte est celle d’un creusement des inégalités au regard du numérique et même à cause de lui et c’est de l’usage que vient le danger.  « Se servir » d’un ordinateur, d’une tablette, d’un smartphone…cela ne veut rien dire en soi. C’est pareil pour « se servir d’un dictionnaire » : je garde en mémoire le dessin d’un humoriste représentant un gamin perché sur un gros dictionnaire posé sur une chaise, il se « servait du dictionnaire » pour atteindre les confitures placées sur la plus haute étagère le l’armoire. Pourquoi pas… mais s’en servait-il aussi pour autre chose…le dessin ne le dit pas. Une tablette est trop mince pour attraper les confitures mais on aura tous failli quelque part si elle ne sert que d’appareil photo ou de console de jeu.

Si l’on ne veut pas de cela, et on ne le veut pas bien sûr, il convient de susciter l’envie de savoir, la curiosité et il faut aussi apprendre à questionner une machine pour satisfaire envie et curiosité c’est-à-dire pour en obtenir des réponses pertinentes. Faute de quoi les enfants des milieux défavorisés n’auront pas accès aux mêmes environnements numériques que les enfants de milieux plus favorisés, leur expérience numérique   ne sera pas la même, leurs attentes ne seront pas les mêmes.

Pour ce qui est de la formation du citoyen, il est indéniable que la démocratie de demain sera avec écrans ( il est  inutile de développer  une polémique du type de celle de l’école sans écran) et des formes nouvelles d’exercice de la démocratie sont en train de naître (une pétition lancée par un inconnu sur les réseaux peut recueillir des milliers de signatures, un rassemblement de quelques milliers de personnes peut être organisé en quelques clics, des analyses de données peuvent cerner nos aspirations ou opinions avec une faible probabilité d’erreur… C'est-à-dire que le  politique n’est plus cantonné à une sphère, le numérique lui permet d’envahir la société toute entière…même si tout n’est pas ou ne devient pas politique.

Nos jeunes doivent être préparés à cela si l’on veut  éviter les pièges, si l’on veut que ce formidable potentiel se développe pour le meilleur et non pour le pire, si l’on ne veut pas que la pensée citoyenne puisse être réduite à un croisement de données effectuées à coup d’algorithmes.

La réponse à ces problématiques passe par la fabrication d’une culture commune, par la fabrication de ce qui nous unit et que l’on peut appeler le commun. Le commun se forge dans le projet bâti et vécu ensemble, avec tous ceux que l’An@é nomme les acteurs de l’éducation : les personnels de l’éducation, les élus, les éditeurs, les professionnels de l’économie numérique…mais aussi les associations et les mouvements d’éducation populaire. C’est de notre capacité à répondre ensemble que dépendra la qualité et la force de la réponse et les enjeux sont grands car inégalités et déficit démocratique sont porteurs de tous les dangers tant économiques que sociaux.

De la même façon que la révolution industrielle a conduit, de Jean Macé à Jean Zay, à la construction d’un service public d’éducation, la révolution actuelle doit conduire à « un service public avec le numérique » avec des déclinaisons pour chaque territoire, associant toutes les forces du territoire et les réseaux déjà existants non pour être une usine à gaz mais pour remplir les rôles de ressource, de médiation, de réflexion, de facilitateur, d’incubateur de projets. C’est là un outil indispensable pour l’éducation, l’éducation à la citoyenneté, l’éducation tout au long de la vie, l’éducation pour tous. 

Pour échanger et débattre : Educavox propose ce débat au Salon Educatice jeudi 17 novembre : en savoir plus.

Jacques Puyou

Secrétaire national An@é

Dernière modification le mardi, 10 janvier 2017
Puyou Jacques

Professeur agrégé de mathématiques - Secrétaire national de l’An@é