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Pour la quatrième année consécutive, les effectifs de candidat(e)s et d’admis(e)s en CPGE sont globalement en baisse. Certaines sont supprimées, faute d’avoir un nombre suffisant d’élèves. Va-t-on vers une disparition progressive de ces formations ? Cet article reprend en partie des extraits d’un livre publié en novembre 2022, du même auteur : « Les grandes écoles : une fabrique des élites, mode d’emploi pour y accéder », Editions FABERT (www.fabert.fr)

Dans sa « note flash » N° 4,  en date de février 2022, le Service d’information et d’études statistiques (SIES) du Ministère de l’Education nationale a publié une étude (enseignementsup-recherche-gouv.fr/fr/baisse-des-effectifs-etudiants-en-classes-preparatoires-aux-grandes-ecoles-en-2021-2022-83570)  faisant  le constat qu’ « à la rentrée 2021, 83400 étudiants sont inscrits en CPGE, un effectif qui diminue de 1,8% par rapport à la rentrée 2020 ».

Dans cet ensemble, ce sont les « prépas » économiques et commerciales qui sont les plus fortement impactées (- 4,5%), les CPGE scientifiques l’étant beaucoup moins (-1,5%), et les littéraires connaissant une situation inverse ( + 1,2%). De plus, cette tendance à la baisse des effectifs concerne principalement les classes  préparatoires  « de proximité », c’est-à-dire celles qui sont localisées dans des petites villes et figurent le plus souvent (mais pas toujours) dans le bas des palmarès des résultats aux concours.

Certains pensent que cette baisse est annonciatrice d’une menace d’effacement progressif de ces formations, d’autant qu’elle est observable dans un plus long terme : l’édition 2022 du « Repères et références statistiques » (RERS), publié chaque année par le SIES de Ministère de l’Education nationale,  permet de constater que 2022 est la quatrième année consécutive de baisse globale des effectifs d’élèves admis en CPGE. Et si on veut bien remonter plus loin en arrière, on note que c’est en 2010/2011 qu’après une longue période de croissance des demandes d’admission en CPGE, et des effectifs qui y étaient admis, on a assisté à un premier retournement marqué par près de dix années de stabilisation des effectifs, puis, à compter de la rentrée 2018, une commencement de repli, accompagné de fermetures certes peu nombreuses pour le moment, mais que certains craignent de voir se multiplier dans l’avenir … jusqu’à une possible extinction de l’espèce. 

1. Les origines des CPGE dans le système d’enseignement supérieur français :

Au XVIIème siècle, celles et ceux qui dirigeaient la France ont fait le choix d’un système d’enseignement supérieur qualifié de « dual », avec d’un côté des formations « ouvertes » (non sélectives à l’entrée), destinées au plus grand nombre, et un  secteur « fermé » (sélectif à l’entrée), accessible à une minorité de postulants. 

Le secteur  « ouvert » était (et est encore largement) constitué de la majeure partie des premiers cycles universitaires débouchant  sur diverses licences, le secteur fermé comprenant les Instituts universitaires de technologie (IUT), les sections de techniciens supérieurs (STS), la filière comptable supérieure, un petit nombre de formations universitaires, les écoles professionnelles de toutes sortes (y compris les grandes écoles), et les classes préparatoires. Nous ne reviendrons pas dans cet article sur les raison d’un tel partage des tâches, invitant le lecteur de cet article à se reporter à la première partie du livre pré cité : « Les grandes écoles : une fabrique des élites, mode d’emploi pour y accéder » (éditions FABERT). On note cependant que, compte tenu de l’expansion progressive du secteur « fermé », la part des bacheliers demandant à entrer dans ces formations sélectives, et y accédant effectivement, a eu tendance à croître fortement : tous bacheliers confondus, en 1960, 26% des élèves des diverses classes terminales poursuivant leurs études entraient en première année d’une formation sélective. Ils étaient 40% dans ce cas en 2008, 45% 2015, et 52% en 2022.

Concernant les CPGE, leur naissance remontre au XVIIIe siècle.

Elles furent conçues consécutivement à la création d’écoles alors qualifiées de « spéciales » (les ancêtres de nos grandes écoles actuelles), dont le mode de recrutement dominant de leurs élèves supposait la réussite à un concours de niveau, très supérieur à celui du baccalauréat.

Il fut donc décidé de créer en France un réseau de classes préparatoires que l’on choisit d’implanter dans des lycées, au grand dam des universitaires qui considéraient, et sont encore nombreux dans ce cas aujourd’hui, que ces formations relevant de l’enseignement supérieur, il aurait été plus logique de les implanter en milieu universitaire. Telle ne fut pas la décision des autorités  politiques qui se méfiaient des universités, fréquemment considérées comme étant des foyers de contestation, voire d’opposition au pouvoir en place. On préféra donc les implanter dans certains « grands lycées » des centres de grandes villes, plus faciles à contrôler.  Ce furent d’abord des classes préparatoires scientifiques préparant aux divers concours d’entrée en grandes écoles d’ingénieurs. Ce n’est qu’en seconde moitié du XIXème siècle qu’apparurent les premières classes préparatoires littéraires, et au début du XXème siècle que naquirent celles qui permettent de se préparer aux grande écoles de commerce.

Par la suite, par souci de démocratisation, on les vit se répandre un peu partout en France, passant de quelques dizaines  à la veille de la Première Guerre Mondiale, à 1220 en 2022 (761 CPGE scientifiques, 264 économiques et commerciales, et 142 littéraires).  De statuts divers (principalement public, mais aussi privé sous contrat d’association avec l’Etat, privé hors contrat), implantées dans tout le pays (y compris en DOM-TOM) ainsi que dans un petit nombre de lycées français de l’étranger, elles accueillent des effectifs réduits (entre 25 et 40 élèves par classe) de bons élèves issus de l’enseignement secondaire, triés par une sélection sur concours plus ou moins sévère. Ils y bénéficient d’une formation très dense et de haut niveau, portée par un corps professoral de grande qualité, offrant à leurs élèves un accompagnement  personnalisé de tous les instants, mais aussi leur inculquant sens de l’effort, l’esprit de compétition, des méthodes de travail, les dotant d’un haut niveau de culture générale . Ajoutons à cela de solides promesses de débouchés vers les meilleures grandes écoles, puis sur le marché du travail, et une bonne réussite de la plupart tout au long de leurs carrières respectives... Il est donc logique que les CPGE constituent une filière d’études supérieures fréquemment qualifiée « d’excellence », et fassent l’objet d’un grand engouement de la part d’une forte partie des familles. 

Alors, comment expliquer que les effectifs de leurs étudiants, après une longue période de croissance continue, soient entrés dans une phase de stabilisation, puis de baisse depuis quelques années.

2. L’émergence des grandes écoles à recrutement au niveau bac :

Dès le début du processus de multiplication des grandes écoles dans le système français d’enseignement supérieur, on assista à la naissance d’une sorte de système à double visage : d’une part, les grandes écoles à recrutement post classe préparatoire (les plus prestigieuses) offrant aujourd’hui un parcours de type « bac + 2 + 3 » commençant pas un premier cycle CPGE en deux ans fait d’enseignements fondamentalement généraux,  et d’autre part celles qui proposent en recrutement niveau baccalauréat et offrent un parcours d’études supérieures professionnelle qui se déroule aujourd’hui sur cinq ans. Seules les premières nécessitent le passage par une CPGE.

Comment se fait-il dès lors qu’on qualifie les secondes de « grandes écoles à prépa intégrée » ?

Cette appellation découle en partie du fait que ces grandes écoles proposent pour la plupart des parcours de formation « à spécialisation progressive ».

Elles offrent le plus souvent un premier cycle fortement polyvalent, centré sur une « famille de métiers », d’une durée de deux ou trois ans, avant de passer dans un deuxième cycle plus pointu, plus spécialisé. Ce passage en deuxième cycle est conditionné par la validation du premier cycle « intégré », d’où le nom de « prépa intégrée ». Ainsi, par exemple, l’IEP (Institut d’études politiques)  de Strasbourg propose un premier cycle structuré autour de diverses disciplines fondamentales (langues, droit, économie, histoire, sciences politiques, géopolitique …) figurant au menu des deux premières années, suivies d’une troisième année obligatoire de mobilité internationale, puis d’un deuxième cycle « master » subdivisé en une quatrième année proposant cinq filières (commencement de spécialisation) entre lesquelles il faut choisir, puis une cinquième année à choisir parmi seize parcours de spécialisation : administration, droit européen, études européennes et internationales, journalisme, finance, relations internationales, etc.). Notez en outre qu’à la différence des CPGE, qui conduisent à une variété de concours d’entrée et donc de grandes écoles, les « prépas intégrées » n’ont pour seul débouché qu’un deuxième cycle de la même grande école.

Tout autre est le modèle des grandes écoles de type « CPGE en deux ans  +  trois années de formation professionnelle ». La prépa n’est pas (ou peu) un temps de découverte des univers professionnels. Sa mission est de commencer à y forger ce que Muriel DARMON, auteure d’un livre publié aux éditions La Découverte, désigne sous l’expression « jeunesse dominante ». En outre, les élèves y reçoivent à forte dose et à haut niveau des connaissances générales fondamentales, y découvrent des méthodes de travail qui les aideront tout au long de leurs études en grande école, mais aussi durant leur vie professionnelle. Ce n’est qu’une fois entré dans une grande école (une grande variété de concours est proposée à cette fin), que se déclenchera, sur trois années consécutives, le processus de spécialisation progressive précédemment évoqué.

Longtemps peu nombreuses, donc très minoritaires, les grandes écoles à recrutement niveau baccalauréat n’ont d’abord exercé qu’une faible concurrence par rapport à  la voie qui commence par deux années en CPGE. C’est à compter de la fin de la Première guerre mondiale qu’on a assisté à la multiplication de ces grandes écoles en cinq ans, d’abord dans des secteurs professionnels émergents (commerce, communication, arts, tourisme et hôtellerie, etc.), avant que cette vague montante n’atteigne les grandes écoles d’ingénieurs. C’est là un phénomène qui a progressivement contribué à réduire le vivier des classes préparatoires, un nombre croissant d’élèves scolarisés en classes terminales des lycées,  fortement attirés par l’idée de s’orienter vers une grande école, choisissant pour y parvenir de ne pas opter pour le passage par « l’enfer des prépas ». On note que ce processus s’est fortement amplifié depuis le début du XXIème siècle, expliquant en partie la baisse des vocations à passer par une CPGE.

3. La forte extension des procédures  d’admission dites « parallèles » réduit le vivier de recrutement des CPGE :

Jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, pour accéder aux grandes écoles, il n’existait que deux voies principales : celle – minoritaire - des grandes écoles qui recrutent au niveau baccalauréat (dites « grandes écoles à prépa intégrée »), et celle qui exige que l’on commence par une première étape en deux ans : les CPGE. Force est de constater que pour pouvoir accéder aux grandes écoles les plus réputées, le passage par une CPGE a toujours été très fortement recommandé. Cependant, tout au long de la deuxième moitié du XXe siècle, et jusqu’à nos jours, on a assisté à une diversification des voies d’accès à une grande école, toujours sur procédure de sélection, principalement par des concours dits « parallèles », à l’issue de premiers cycles universitaires (licence simples ou doubles), d’un IUT, d’un BTS, d’un premier cycle comptable et financier (le DECF), d’un CPES (cycle préparatoire à l’enseignement supérieur) … De plus, à compter du début du XXIe siècle, on a assisté à l’émergence, en université de « cycles universitaires préparatoires aux grandes écoles » (les « CUPGE »), généralement adossés à des parcours licence ou licence double, permettant donc de viser un double objectif : se doter du diplôme de licence et ajouter la forte probabilité de parvenir à intégrer une grande école sur « concours parallèle.

Plus récemment, sont apparus les « programmes bachelor », des formations professionnelles délivrant un titre de «  bachelor » au terme d’un parcours d’études en trois ans. Ces programmes de formation, fréquemment intégrés au sein même des « groupes grandes écoles », ont vite remporté un énorme succès auprès des lycéens et de  leurs parents, non seulement parce que le format en trois ans attire fortement, mais aussi (et sans doute surtout) parce qu’il permet de viser un double objectif : s’intégrer dans de bonnes conditions dans le marché du travail et se présenter à divers « concours parallèles » en vue d’intégrer une grande école. De fait, d’année en année, la part des porteurs d’un « bachelor » qui font ce second choix augmente, avec des taux de réussite qui donnent à ces formations une image de « prépa bis »  venant de plus en plus fortement concurrencer les CPGE 

Il résulte de cette multiplication des voies d’accès « parallèles » aux grandes écoles que la part des étudiants admis dans ces prestigieux établissements en passant par une CPGE, qui était de l’ordre des trois quarts vers 1930, a progressivement régressé :  64% en 1960, 55% en 1980, 38% aujourd’hui. Et rien ne permet de penser que cette tendance va se renverser, car elle a le soutien (parfois inavoué) de nombre de responsables de grandes écoles qui y voient l’avantage de la diversification des  profils de leurs étudiants, et, pour les moins prestigieuses des grandes écoles, ayant parfois du mal à atteindre les effectifs attendus,  un précieux vivier complémentaire de recrutement d’une partie de leurs étudiants. Comme nous le déclare Daniel PEYRON, qui fut « dean » (directeur) de plusieurs grandes écoles de commerce : « la tendance est à la diversification des viviers de  recrutement de nos élèves, mais en continuant d’y recruter les meilleurs ».

4. L’impact de la réforme du lycée contribue à réduire le vivier des candidat(e)s:

On commence à réaliser que la réforme de la voie générale des lycées voulue et mise en oeuvre par Jean-Michel Blanquer, l’ancien Ministre de l’Education nationale,  a eu des effets négatifs sur les recrutements d’élèves en classes préparatoires.

Les mathématiques sont obligatoires dans les CPGE économiques et commerciales, scientifiques et littéraires B/L, donc dans une large majorité des « prépas ». Or, la réforme du lycée mise en œuvre à compter de la rentrée de l’année scolaire 2019/2020 a  supprimé les mathématiques dans le tronc commun des classes de première et terminale générales, remplacées par des enseignements optionnels (la « spécialité » maths en première générale, les « maths complémentaires » ou la « spécialité maths » en terminale, cette dernière pouvant être complétée par une option de « mathématiques expertes »). Il en a résulté que le nombre des élèves issus de la voie générale (la plus pourvoyeuse en candidat(e)s à l’admission en CPGE), choisissant de ne pas suivre le moindre enseignement de mathématiques, et donc ne pouvant pas demander une CPGE scientifique, économique et commerciale ou littéraire B/L, a fortement augmenté : avant la réforme, en 2018, 50000 élèves (sur près de 380000 préparant un baccalauréat général) sortaient du lycée en n’ayant suivi aucun enseignement de mathématiques, alors qu’ils furent 175000 dans ce cas en 2021, pour la première promotion des bacheliers formés dans le cadre du lycée nouveau.

Les CPGE ont donc, du fait de cette réforme du lycée, vu leur vivier traditionnel de recrutement se réduire en grande partie et brusquement. Pour faire face à la montée des critiques concernant cette décision de retirer les mathématiques du tronc commun de la voie générale, Pap Ndiaye, nouveau Ministre de l’Education nationale, a annoncé, en novembre 2022, la réintroduction, à partir de la rentrée 2023, d’une heure trente par semaine de mathématiques dans le tronc commun de la classe de première générale –  donc obligatoires pour tous les élèves de la voie générale - et ce pour tous les élèves qui n’opteront pas pour la « spécialité mathématiques ». C’est là un indéniable ballon d’oxygène, mais qui ne suffira manifestement pas à compenser les pertes en vivier de candidatures que subissent les CPGE du fait de la réforme de la voie générale  du lycée.

5. Un problème de « lisibilité » internationale :

Depuis la mise en place, en 2002, du système international commun dit « LMD » (licence/master/doctorat), les CPGE ont un problème de positionnement qui nuit à leur « lisibilité » à l’extérieur de nos frontières nationales. Rappelons que ce sont des formations non diplômantes qui s’étalent sur deux années, et préparent la majorité de leurs étudiants à des concours d’entrée dans des grandes écoles dont la scolarité dure trois ans. Elles constituent donc la première étape d’un parcours de type « bac + 2 / + 3 », mais sans délivrance d’un diplôme officiel à l’issue du parcours en CPGE. Ce déroulé des études se heurte au fait que dans le système « LMD », l’organisation des deux premiers cycles des études supérieures s’inscrit dans un modèle « bac + 3 / + 2 », avec délivrance d’un diplôme reconnu à son issue : la licence, le bachelor ou équivalent. Il existe certes un système de reconnaissance qui permet à certains élèves de rejoindre un parcours licence (ou son équivalent anglo-saxon : le « bachelor ») en fin de deuxième année de CPGE, grâce au système « ECTS » (« european credit transfer system »), qui octroie pour chaque semestre d’études supérieures validées 30 « credits ».

Ainsi, un élève qui a convenablement achevé un  parcours de deux ans en CPGE (quatre semestres valant 30 « credits » chacun), peut se voir crédité de 120 « ECTS », et disposer ainsi de la possibilité d’entrer automatiquement ou après une procédure de sélection à l’entrée, en cinquième semestre (début de troisième année) d’un autre programme d’études en trois ans, dans n’importe quel pays qui fait partie du système LMD. Cependant, une telle possibilité, quasi automatique à l’issue d’un programme de niveau bac + 3 (licence, bachelor ou diplôme de niveau équivalent),  est soumise à des conditions limitatives plus difficilement surmontables  au niveau bac + 2, celui des CPGE françaises.

6. Une charge de travail, des programmes et des valeurs qui conviennent moins aux attentes des lycéens d’aujourd’hui :

Comme chacun sait, « en prépa ça bosse énormément ». Sans doute cette idée reçue est-elle fréquemment exagérée. il n’empêche : cultiver l’esprit de compétition, accepter de vivre pendant deux ans sous forte pression scolaire et, alors que l’objectif principal est d’entrer dans une grande école, être confronté à des programmes marqués par un fort académisme, et une forte dominante d’enseignements généraux… convient de moins en moins aux lycéens d’aujourd’hui.

On peut le regretter, mais c’est ainsi ! Les jeunes d’aujourd’hui sont majoritairement porteurs d’envies de découvrir des réalités concrètes (par des stages, voire l’apprentissage), de vivre des parcours de formation à forte ouverture internationale, de préférence avec mobilité, sont moins capables que les générations précédentes de s’adapter aux rythmes intenses de travail qu’exigent la scolarité en CPGE (tout particulièrement dans celles qui figurent aux meilleurs places des « palmarès »), privilégient l’esprit de solidarité quand nombre de CPGE s’efforcent de stimuler l’ « individualisme triomphant », refusent pour beaucoup de « sacrifier ce qui fait le miel de la jeunesse », comme nous le déclare joliment Pierre NIGAY, professeur en CPGE scientifique à Paris.

Ce n’est certes pas vrai pour tous les néo bacheliers, mais c’est là une réalité montante qui vient de plus en plus fréquemment peser sur les vocations à solliciter une admission en CPGE, et explique le fait qu’un nombre croissant de lycéens désireux d’entrer dans une grande école préfèrent les formats « concours d’entrée l’année du bac suivi de cinq années de formation professionnelle» ou « admissions parallèles post licence, bachelor, BUT, BTS, DECF … à celui, plus classique, qui comporte deux années de « prépa » suivies de trois années en grande école.

Conclusion

La tendance à la baisse des effectifs crée le sentiment qu’il existe une réelle menace d’effacement progressif des CPGE du panorama des études supérieures françaises.

Certains vont jusqu’à souhaiter leur suppression pure et simple, arguant  que les CPGE sont un des rouages essentiels de ce qu’ils considèrent comme étant une « fabrique de reproduction des écarts sociaux ».

Le fait de manquer d’ « ouverture sociale », est un des reproches les plus fréquemment faits aux CPGE, mais aussi aux grandes écoles auxquelles elles préparent. C’est ce que démontre une note de l’Observatoire des inégalités datée du 9 avril 2021 (« Des classes préparatoires et des grandes écoles toujours aussi fermées » : https://www.inegalites.fr/Des-classes-preparatoires-et-des-grandes-ecoles-toujours-aussi-fermees ) qui signale qu’en 2018, les enfants de cadres représentaient 51,4 % des effectifs des CPGE alors qu’ils ne constituent qu’un peu moins d’un quart de l’ensemble des jeunes de leur âge. En outre, de nombreux universitaires réclament leur transfert au sein des universités, plus à même selon eux que les lycées d’assurer un recrutement respectueux de la volonté d’une plus grande ouverture sociale, et qui serait cohérent au regard du fait que les prépas relèvent de l’enseignement supérieur, et non du secondaire.

Cependant, il faut tenir compte du fait que les CPGE ne manquent pas de soutien. Il y a bien sûr les associations des professeurs qui y enseignent, mais aussi une majorité de « deans » (directeurs) de « groupes grandes écoles » et de leurs organes de représentation que sont la Conférence des grandes écoles (CGE), la Commission du titre d’ingénieur (CTI) et nombre autres organes de représentation des grandes écoles, des anciens diplômés (les « alumni »), sans oublier nombre d’organisations patronales. La plupart d’entre eux se félicitent de la tendance à la diversification des recrutements, mais n’imaginent pas pour autant que l’on puisse se passer des CPGE, considérées comme nécessaires pour répondre efficacement au besoin de former les futures élites.

C’est ainsi qu’on peut comprendre le sous-titre d’un livre très intéressant, rédigé par Muriel DARMON aux éditions La Découverte : « Classes préparatoires : la fabrique d’une jeunesse dominante ». Dans ce même livre, l’auteure écrit : « la prépa apparait comme une institution qui assure et étend sa « prise » sur les élèves (…) et se donne les moyens (…) de les transformer. (…) L’institution « classe préparatoire » fabrique des individus » conformes aux besoins du pouvoir (pour ses administrations) et des univers professionnels (pour ses entreprises et organisations).

Ainsi s’explique en partie  la prise de position publique d’Alice GUILHON, « Dean » de SKEMA business school et Présidente du Chapitre des grandes écoles de management qui,  lors d’une intervention faite le 10 mai 2022 dans le cadre d’un webinaire organisé par News tank Campus matin (https://www.campusmatin.com), fait remarquer que les grandes écoles ont certes besoin d’une diversité des canaux de recrutement de leurs élèves, mais aussi que pour ce qui est des grandes écoles les plus réputées, il y a nécessité que l’on conserve un canal de recrutement principal via les formations d’excellence que sont les CPGE .

Une réforme de classes préparatoires est actuellement en chantier. Si ces dernières veulent survivre, il faudra bien que leurs soutiens acceptent d’en voir diminuer le nombre, reconnaissent la nécessité d’en remodeler les programmes en y renforçant la dimension pré professionnelle, et amplifient significativement leurs efforts en vue d’une nette amélioration de l’« ouverture sociale ». Comme le déclare Alain JOYEUX, Président de l’association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales (APHEC) dans un article paru dans le quotidien Le Monde  du 8 décembre 2022 (« Les prépas HEC délaissées par les lycéens ») : « c’est tout le fonctionnement global des CPGE qui mérite sans doute d’évoluer ». De fait, le chantier qui s’est récemment ouvert pour lancer les réflexions concernant l’avenir des CPGE est la preuve que l’éventualité de les supprimer n’est pas à l’ordre du jour, mais aussi qu’une profonde réforme est devenue nécessaire, chose que nul ne conteste désormais.

Bruno MAGLIULO

 

Dernière modification le jeudi, 22 décembre 2022
Magliulo Bruno

Inspecteur d’académie honoraire -Agrégé de sciences économiques et sociales - Docteur en sociologie de l’éducation - Formateur/conférencier -

(brunomagliulo@gmail.com)

Auteur, dans la collection L’Etudiant (diffusion par les éditions de l’Opportun : www.editionsopportun.com ) :

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  • Aux éditions Fabert : Les grandes écoles : une fabrique des meilleurs, mode d’emploi pour y accéder

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