fil-educavox-color1

Juste avant les vacances de Printemps, j’ai participé via Google Hangouts à une formation de Nadya Benyounes sur les réseaux sociaux auprès de collègues de son CRDP de rattachement. 
De toutes les questions qui ont été posées durant cette intervention, il y en a une qui m’est restée : "Comment fait-on pour obtenir des abonnés, en nombre et vite, sur Twitter ?"
Au-delà de la difficulté à définir ce qui constitue un grand nombre d’abonnés sur les réseaux sociaux en général et sur Twitter en particulier, il y a quelque chose qui me turlupine dans l’origine de cette envie d’immédiat : sur ces réseaux comme ailleurs, ce qui se fait (trop) vite ne se fait pas forcément bien, et tout ce qui implique l’humain et sa relation avec des personnes, des institutions ou des marques par exemple mérite que l’on prenne son temps. Alors d’où vient cette demande de résultats rapides ?
  • Si elle vient des stagiaires de ma collègue, est-ce une demande née de notre perception des réseaux sociaux comme un territoire digital où tout évolue très très vite, y compris l’évolution d’un nombre d’abonnés ?
  • Si elle vient des représentants de notre hiérarchie, est-ce parce que ces derniers veulent voir transposé en ligne le statut privilégié de nos institutions "dans le monde physique" ?
Dans un cas comme dans l’autre, je vois là une double méconception à corriger pour éviter de décourager les personnels de l’Education Nationale qui se lanceront sur les réseaux sociaux en se fixant des objectifs (de temps, de nombre d’usagers) pas forcément réalistes. En effet, la question posée fait l’impasse sur des nuances qu’on ne saisit pas toujours en observant ce type de réseaux de l’extérieur, mais qui deviennent très claires de l’intérieur.
Première méconception : tout va toujours vite sur les réseaux sociaux
C’est sûr, quand on parle du dernier mème à la mode ou d’une information autour d’un événement important, les nouvelles peuvent circuler comme une traînée de poudre - mais ça ne veut pas dire que c’est forcément toujours le cas. Les rythmes de publication et d’échange sur Twitter par exemple diffèrent suivant :
  • les usages des uns et des autres,
  • l’heure du jour ou de la nuit,
  • les obligations personnelles et professionnelles
  • la place des réseaux sociaux dans nos vies ou notre travail
Ce ne sont que 4 raisons parmi tant d’autres de ne pas pouvoir ou vouloir tweeter tout le temps très vite, et qui se déclinent suivant les réseaux sociaux, leurs spécificités et le type de contenu via lequel leurs usagers s’expriment : il faut arrêter d’imaginer ces territoires comme des lieux sans texture allant toujours à la même vitesse. Animés et alimentés par des êtres humains, ils reflètent les rythmes de ces derniers.
Deuxième méconception : célèbre sur les réseaux sociaux comme dans la vraie vie
Là c’est un peu plus subtil. Le statut particulier d’une institution dans le monde physique ne se transfère pas toujours sur les réseaux sociaux, et encore moins rapidement. En effet, encore faut-il que les personnes qui lui accordent un statut particulier hors-ligne soient présentes sur les réseaux pour y reporter cette même valeur. Il faut donc qu’une institution puisse :
  • soit emmener en ligne son public habituel (s’il ne s’y trouve pas déjà) pour reporter son statut sur les réseaux sociaux,
  • soit démontrer via ses usages des réseaux sociaux qu’elle peut apporter quelque chose à des usagers différents de son public habituel, déjà présents sur les réseaux sociaux.
Si les institutions se lancent sur les réseaux sociaux, les enseignants pour leur part n’ont pas encore tous fait le grand saut : il faudra donc que les institutions prouvent leur valeur auprès d’un nouveau public à conquérir, plutôt que de prendre leur réputation sur ces nouveaux territoires pour acquise.
La construction d’un public institutionnel en ligne, un travail de fond
A moins de poser le portefeuille sur la table pour faire le plein de faux-llowers de manière complètement artificielle (si le sujet vous intéresse, Cyroul a fait un très bon billet sur la procédure à suivre), il n’y a pas de recette miracle pour avoir un nombre conséquent d’abonnés sur les réseaux sociaux rapidement, que l’on soit une institution ou un particulier...
A part celle-ci : il ne faut pas essayer d’avoir beaucoup d’abonnés. S’installer sur les réseaux sociaux, ce n’est pas entrer dans une démarche de possession d’un nombre, qu’il soit d’abonnements ou d’abonnés-cible, sur le court ou le moyen terme. Comme le résume la chercheuse en enseignement supérieur Susanna Williams dans le tweet ci-dessous, "Les usagers s’abonnent à vos tweets pour la valeur que vous apportez. Allez au contact, interagissez, soyez attentifs à ceux qui vous mentionnent".
Quote SusannaDW-5210c
Même si les divers indicateurs chiffrés sont importants pour faire valoir son travail auprès d’une hiérarchie qui prend progressivement conscience de l’impact de ces réseaux sur la vie des professionnels qu’elles ont pour mission de soutenir, ils ne doivent pas prendre le pas sur ce qui est véritablement important : l’entrée des institutions dans une démarche de circulation de l’information et d’apport de valeur ajoutée à l’ensemble d’un réseau qui choisit de leur faire confiance sur le long terme...Si elles le méritent !
Dernière modification le jeudi, 08 janvier 2015
Maillioux Thomas

En parallèle de sa carrière d’enseignant-documentaliste actuellement au CRDP de Créteil, Jean-Thomas Maillioux s’implique dans les domaines du jeu, des médias sociaux et de la veille et des réappropriations technologiques depuis près de 13 ans. Il s’intéresse aujourd’hui essentiellement à la manière dont ces différents outils permettent de repenser notre rapport à la citoyenneté, à la créativité et au travail. Vous pouvez suivre son actualité sur son site ou via Twitter.