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Annonce de la priorité donnée à la jeunesse pour le nouveau quinquennat présidentiel, annonce de la refondation de l’Ecole, lancement de la concertation pour la refondation, rapport de la concertation, négociations avec les syndicats, annonce d’une nouvelle loi d’orientation pour l’école, annonce d’une réforme de la formation des enseignants…
Et… silence total dans les rangs des partis politiques, même dans ceux du parti majoritaire qui, en bonne logique, devrait débattre, agir pour convaincre dans ses propres rangs où les conservatismes sévissent autant qu’ailleurs.
 
La situation est étrange. Tous les politiques disent, dans leurs discours publics, que la question de l’Ecole est leur priorité absolue, Leurs effets de tribune sur la jeunesse et sur l’avenir atteignent souvent de hauts degrés de lyrisme. Ils ne ratent pas une occasion de démontrer la concrétisation de leur engagement par le financement d’équipements, notamment informatiques. Ils occupent d’ailleurs souvent une bonne place dans la presse locale et dans les bulletins municipaux, photographiés devant un TBI ou dans une classe pupitre. Pourtant, alors que la participation financière des collectivités au fonctionnement des établissements scolaires s’accroît et qu’elle est appelée à augmenter encore, on ne s’interroge guère sur les conditions de l’efficacité des machines pour la réussite scolaire. C’est un signe de confiance aux enseignants, considérant que s’ils demandent, c’est que c’est utile et efficace. Mais cela peut aussi être une raison d’inquiétude si l’on évite les questions qualitatives que l’on devrait légitimement se poser.
 
Le débat démocratique sur l’Ecole et son avenir est étonnamment faible. Les citoyens ne sont pas, pour l’heure, invités à s’informer des vrais problèmes de l’éducation pour aujourd’hui et pour les vingt ans qui viennent et à réfléchir à la nécessité de la refondation. Or, il ne peut y avoir de refondation que si la Nation tout entière s’approprie le débat.
 
Certes, on en parle de temps en temps, mais toujours par un bout de lorgnette ou par une focalisation renforcée par les médias, sur des problèmes partiels : l’aménagement du temps scolaire qui a occulté tous les autres sujets, la morale laïque, la formation des enseignants, l’éducation à l’égalité homme/femme, les rapports école/culture, etc. Le ministre présentera le 13 décembre son projet pour le numérique à l’école (nous y serons). Autant de sujets graves, importants, dont la mise en évidence est nécessaire, mais qui ne sont jamais référés à l’idée centrale de refondation dont personne ne parle, pas même dans les établissements scolaires, et qui n’est toujours pas claire.
 
Or, il est évident que la refondation de l’école est une nécessité à l’égal de la création de l’Ecole à la fin du 19ième siècle. Une école inscrite dans son temps avec des perspectives à long terme imposant aux gouvernants de rompre avec l’habitude de considérer qu’il suffit d’améliorer et d’adapter le passé pour réformer, alors que, désormais, le regard sur le futur, la prise en compte de la prospective, sont incontournables si l’on veut éviter l’explosion ou l’implosion et construire une Ecole nouvelle répondant aux besoins nouveaux d’une société qui a changé, qui change à grande vitesse et dont les enjeux, les dangers et les espoirs sont complètement différents de ceux qui perdurent.
 
Une grande campagne d’information de l’opinion publique est nécessaire.
 
Un débat national sur les questions de fond est nécessaire. La focalisation sur des questions partielles jamais référées à la question centrale des nouvelles fondations, occultent même la question. L’éducation pour les 30 ans qui viennent ne peut pas être réduite à des questions partielles juxtaposées. Elle est un tout. Elle est un grand projet national qui doit nécessairement transcender les échéances électorales et les concurrences politiciennes.
 
Il serait temps qu’avant le débat parlementaire qui s’annonce, les partis politiques, les syndicats, les parents d’élèves, les associations mettent le débat de fond sur la place publique, sur le terrain, et fassent avancer les idées neuves.
 
Qu’attendent-ils ?
 
L’avenir de l’école et l’avenir de la société sont liés et concernent tous les citoyens. Il y a urgence à les mobiliser. « Quand c’est urgent, il est déjà trop tard », disait Talleyrand. Faisons le pari qu’il n’est pas encore trop tard.
Frackowiak Pierre

Inspecteur honoraire de l’Education nationale. Vice-président de la Ligue de l’Enseignement 62. Co-auteur avec Philippe Meirieu de "L’éducation peut-elle être encore au cœur d’un projet de société ?". Editions de l’Aube. 2008. Réédition en format de poche, 2009. Auteur de "Pour une école du futur. Du neuf et du courage." Préface de Philippe Meirieu. La Chronique Sociale. 2009. Auteur de "La place de l’élève à l’école". La Chronique Sociale. Lyon. Auteur de tribunes, analyses, sur les sites educavox, meirieu.com. Prochainement, une BD avec les dessins de J.Risso :"L"école, en rire, en pleurer, en rêver". Préface de A. Giordan. Postface de Ph. Meirieu. Chronique Sociale. 2012.