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Après la réforme des rythmes scolaires, la réforme du collège rencontre une vive opposition de la part de certains intellectuels, de certains politiques, de certains syndicats enseignants et tous les vieux clivages autour de l’école surgissent à nouveau.

Les derniers rapports publiés par la direction de l’évaluation, de la perspective et de la performance du ministère de l’Education Nationale confirment ce que l’on savait déjà : une baisse du niveau des collégiens en mathématiques. La proportion des meilleurs collégiens dans cette discipline a diminué de 4 points pour atteindre le quart de l’effectif, celle des plus faibles  a augmenté de 4 points pour toucher un élève sur cinq. Après l’enquête PISA 2012 ces études qui relèvent à la fois la baisse globale des performances et le creusement des inégalités attestent si besoin était de la situation difficile dans laquelle se trouve le collège…. ce constat au moins est partagé et on pourrait espérer qu’il serve de motivation à une réforme du collège tout aussi unanimement engagée pour tenter de soigner une plaie à la fois scolaire mais aussi économique et démocratique.

Hélas il n’en est rien, la réforme que la ministre de l’éducation nationale souhaite mettre en œuvre à la rentrée 2016 a déjà suscité une levée de boucliers rarement égalée et cela ne semble pas finir. C’est, à nouveau, une guerre scolaire qui se déroule sous nos yeux avec une communication de propagande qui fait mine de confondre réforme de l’organisation du collège et refonte des programmes, avec un vocabulaire outrancier : « attentat contre la république »  « naufrage pour notre nation »  « entreprise de démolition »  « nivellement par le bas »,  avec l’intervention démesurée de bataillons d’intellectuels maladroitement fustigés par Madame Najat Vallaud  Belkacem (« pseudo intellectuels »dit-elle), avec la mise en route de la machine syndicale et son cortège de grèves et manifestations, avec l’expression de toutes les peurs : peur du changement  perte de repères immuables (heure de cours, programmes, latin –grec….) , avec  même des attaques indignes sur une ministre, femme, jeune et différente.

Mais que faut-il donc pour que cesse cette lutte sans fin entre disciplinaire et pédagogique, entre défenseurs des traditions et adeptes du changement, entre élitisme nostalgique et utopies égalitaires ? Comment peut-on dire et écrire que le remède proposé par Madame la Ministre est pire que le mal quand le mal fait 150 000 morts par an ! C’est le nombre de jeunes qui sortent du système éducatif sans la moindre qualification et en ayant grandement hypothéqué leurs chances d’insertion dans notre société. Comment peut-on tuer tout espoir d’améliorer la situation actuelle quand on mesure le désarroi et le mal être de la majorité des enseignants dans chacune des salles des professeurs de ce pays.

Mais revenons à la réforme elle-même : quels sont les casus belli ?

L’enseignement du latin et du grec, la disparition des classes bilangues, la modification des programmes d’histoire, l’autonomie accrue des établissements, la dose d’interdisciplinarité injectée. Les politiques et les intellectuels se sont emparés des trois premiers, les syndicats enseignants des deux autres non pour proposer des amendements mais  pour dire tout le mal qu’ils pensent des mesures proposées. Il ne semble pas à priori que de tels sujets soient à même de diviser une nation par médias interposés ni de mettre dans la rue des millions de personnes. Qui plus est, il n’y a, pour l’heure,  aucun projet alternatif proposé par l’une ou l’autre des trois composantes de l’opposition au texte  ministériel. Il s’agit seulement d’une guerre contre.

Alors quelles peuvent être les issues de ce combat ?

L’application, en définitive, d’une réforme mal négociée, mal comprise et mal acceptée, ou bien l’application de la même réforme mais dénaturée, vidée de son sens à force de renoncements ou encore le détestable statu quo. Il est à craindre que, dans tous les cas, on soit passé à côté de l’occasion offerte d’enseigner autrement, d’apprendre mieux comme le souhaite au fond une majorité des acteurs du système éducatif. Il est à craindre que la réforme nécessaire soit remise à bien plus tard ainsi que la prise en compte des innovations qui, pourtant, foisonnent et dont on sait quelles sont indispensables pour ouvrir le collège sur l’avenir au lieu de le tourner vers le passé. 

Dernière modification le mardi, 10 janvier 2017
Puyou Jacques

Professeur agrégé de mathématiques - Secrétaire national de l’An@é