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A Eidos, l’atelier C07 se proposait d’explorer la manière dont les adolescents sont présents sur les réseaux sociaux, parfois dès la fin de l’école élémentaire. Quelles sont leurs pratiques ? Pourquoi et comment les accompagner ? Qu’en disent les enquêtes et la recherche dans ce domaine ? Se basant sur l’expérience de formation et d’interventions auprès d’éducateurs, de parents, d’enseignants, cet atelier vous propose de questionner les enjeux éducatifs et sociétaux liées aux pratiques des jeunes sur les réseaux sociaux.

Atelier animé par Aude Thépault, Médiatrice ressources et services – Atelier Canopé, Mérignac (33). Professeur documentaliste et Philippe Guillem, Médiateur ressources et services – Atelier Canopé, Mérignac Premier degré.

Etat des lieux, des pratiques et des enjeux liés à la présence des adolescents sur les réseaux sociaux.

Un sondage sur les participants de l’atelier à propos des réseaux montre que le mot « partage » est celui qui revient le plus. Vient ensuite « communication ». Si les peurs et les dangers pas très présents pour ce public aguerri, la notion de « harcèlement » finit par apparaître.

 

A partir d’une vidéo « What’s on my phone ? », on voit que les applications les plus présentes sur les smartphones des pré-adolescents sont : Instagram, Snapchat, TikTok. Apparaît aussi l’application Pronote, à usage scolaire. Ces jeunes sont souvent très pertinents en matière de protection, car ils ont conscience qu’il y a toute leur vie dans leur smartphone.

 

Deux études de Danah Boyd, « C’est compliqué » et d’Anne Cordier « Grandir connectés » dénoncent le mythe des « digital natives » qui en fait n’ont aucune prédisposition particulière à gérer le numérique, notamment la capacité de gérer deux tâches à la fois. On annonce un prochain Gtnum piloté par Anne Cordier et André Tricot sur les adolescents et réseaux sociaux.

Les pratiques informationnelles des adolescents rejoignent la question des réseaux sociaux.

63 % des 11 13 ans ont un compte sur les réseaux, malgré l’interdiction (aujourd’hui la norme européenne est à 15 ans ou avec un accord parental). Snapchat, Youtube, Instagram, composent le trio de tête, alors que TikTok arrive en quatrième position.

Ce qu’ils font sur les réseaux :

Ils discutent, regardent des vidéos, échangent à propos des cours et des devoirs. Ils constituent des groupes de classe dans WhatsApp notamment.

Snapchat permet de converser en images. C’est ludique, éphémère, permet de créer de « stories » (un concept repris ensuite par Facebook). Le numéro de téléphone est indispensable pour les contacts : cela restreint l’ouverture du réseau. Il y a maintenant une fonction « Discover ».

Instagram : propose des iltres pour faire des photos rigolotes. Il n’y a pas de son.

TikTok vient de Chine via Musical.ly. Permet de faire des vidéos sur fond de musique. Chorégraphie, exposition de son corps. Les vidéos durent dix secondes. On se laisse porter par l’intelligence artificielle. Il s’agit d’un réseau bienveillant en général.

Discord et Twitch sont des réseaux de communautés de Gamers (joueurs en ligne).

Youtube est l’application la plus utilisée par les moins de 13 ans. Il s’agit aussi d’un excellent espace pour stocker ses vidéos.

La place du virtuel dans la construction de soi 

Ces applications aident à la construction de l’image de soi, entre identité numérique et vie privée : concept d’extimité (créé par Serge Tisseron)[1]. Le désir de se rencontrer soi-même en s’exposant aux autres permet la construction de l’estime de soi.

Les ados sont dans un monde collectif et la construction de l’image passe par là. Les réseaux permettent de reprendre de la confiance en soi avec le soutien du groupe (likes). Ils peuvent offrir un espace de refuge, à condition de ne pas se couper de la vie réelle.

On n’a pas relevé de phénomène d’addiction aux réseaux sociaux.

En ce qui concerne le cyberharcèlement, on consultera l’ouvrage de Bérangère Stassin « Cyberharcèlement : sortir de la violence, à l'école et sur les écrans » C&f Eds).

Le cyberharcèlement ne reste pas impuni : exemple de la « Ligue du Lol », un groupe de journalistes se moquant de femmes qui ont été condamnés 10 ans après. La cyberviolence prolonge ou déclenche la violence hors ligne, avec toutes ses conséquences : exclusion, violence verbale, usurpation d’identité, violence physique filmée (happy slapping). Ceci n’est pas anodin, car il est très compliqué de sortir des traces de cyber harcèlement.

Tous accros ?

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La captation de l’attention est bien mise en lumière par la websérie Dopamine visible sur Arte[2].

On y décrit les mécanismes physiologiques de l’attention utilisés à des fins économiques. Pour nous maintenir sur les plateformes, les algorithmes nous enferment dans une bulle de filtre qui prend en compte toutes les données nous concernant. Il est facile de vérifier ce principe en recherchant sur Google un même mot avec deux comptes différents : les deux tris proposés sont très différents, car ils s’appuient sur les données relatives à nos recherches précédentes.

Le défi pour les éducateurs est de s’intéresser aux pratiques des jeunes, de les accompagner en confiance et en leur faisant confiance. Le but est de développer leur esprit critique vis à vis de leur utilisation des réseaux (littératie numérique) et des contenus qu’ils vont rencontrer (voir à ce propos le rapport Bronner : Les lumières à l’ère numérique dont Educavox s’est fait l’écho).

Un élément fondamental pour la construction d’une véritable citoyenneté numérique des jeunes est l’implication des adultes. Celle-ci doit être engagée, qu’ils soient parents, éducateurs ou enseignants, il est indispensable qu’ils accompagnent les jeunes vers une pratique raisonnée réseaux sociaux.


[1]Après Lacan, l’extimité, par opposition à l'intimité, est, tel qu'il a été défini par le psychiatre Serge Tisseron, le désir de rendre visibles certains aspects de soi jusque-là considérés comme relevant de l'intimité. Wikipédia

[2] A voir également la web série d’Arte « Dans mon tel » Ma vie sur les réseaux sociaux.

Dernière modification le samedi, 10 septembre 2022
Pérez Michel

Président national de l'An@é de 2017 à 2022. Inspecteur général honoraire de l’éducation nationale (spécialiste en langues vivantes). Ancien conseiller Tice du recteur de Bordeaux, auteur de nombreux articles et rapports sur les usages pédagogiques du numérique et sur la place des outils numériques dans la politique éducative.