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Huitième article développant ma conférence à Caen, NOUVEAUX PARCOURS POUR S’ORIENTER, Développer la capacité à s’orienter du collège au lycée, et tout au long de la vie. Après avoir vu la préhistoire nous aborderons l’histoire de l’EAO au moment du ministère Bayrou.

Une expérimentation ambiguë

Bayrou lance en 1996 une «Expérimentation sur la mise en place de l’éducation à l’orientation au collège ». L’écriture de la circulaire est confiée à un inspecteur général. En parallèle on demande à l’inspecteur général de l’orientation un rapport sur… l’opportunité de la suppression des procédures d’orientation. Donc déjà à l’époque on se demandait si… et surtout on faisait le lien conflictuel entre éducation à l’orientation et procédures d’orientation. Mais la réponse de l’IG est qu’il ne faut pas les supprimer car les procédures réduisent les effets sociaux. Amusant (si on peut dire) de ce rappeler de cela quand on le rapporte aux constations des dernières enquêtes PISA. Donc on lance l’EAO, mais on maintien les procédures.

 Du coup on reste sur une ambiguïté fondamentale : est-on sur une aide à l’orientation scolaire ou sur l’acquisition de compétences pour l’avenir ? Dès le départ, dans la présentation de la circulaire du 31 juillet 1996, l’inspecteur général Ricaut-Dussarget, qui est chargé de l’affaire, mentionne :

« Il faut dire en premier lieu que la conception de l’orientation a beaucoup évolué.

D’une manière sommaire, on peut estimer qu’en quelques années nous sommes passés d’une vision déterministe à une approche éducative.

On pensait pouvoir définir naguère, avec des outils qu’on croyait fiables, le « profil » de l’élève et faire un pronostic de son avenir scolaire et social. Cette vision correspondait d’ailleurs à une période relativement stable de l’histoire économique et sociale.

Ce n’est plus le cas aujourd’hui, l’avenir est incertain et peu prévisible. Il s’agit alors de donner à l’élève les moyens de faire, tout au long de sa vie, des choix réalistes et adaptés. »

Paul Ricaud-Dussarget, Inspecteur général de l’éducation nationale du groupe établissement et vie scolaire. Propos publié dans le B.O. n° 38, du 24 octobre 1996, p. 2583.

Mais finalement la compréhension en général se fait du côté de l’aide à l’orientation scolaire et non pas sur une éducation pour le futur.

Circulaire et mise en œuvre

 Trois objectifs sont formulés :

  • Connaissance de l’environnement économique et social, représentation des métiers
  • Connaissance des systèmes de formation
  • Construction d’une représentation positive de soi

Ce dernier objectif fait problème. Du côté enseignant on n’est pas près à « faire de la psychologue » et surtout cela remet en cause notre système d’évaluation. Et du côté des conseillers d’orientation-psychologues, cette notion leur semble bien ambiguë.

 Les modalités de mise en place relèvent du principe de l’infusion : tous les enseignants doivent y participer, on doit élaborer un programme local, il n’y a pas d’évaluation des élèves, et le conseiller d’orientation-psychologue est un intervenant comme les autres, mais il est aussi le conseiller technique près des équipes éducatives et du chef d’établissement, ce qui le place dans une autre position que celle qu’il avait jusqu’à présent.

On peut lire le compte-rendu de l’intervention de Ricaut-Dussaget faite à Perpignan le 10 février pour sentir les points de résistance des personnels d’orientation et d’enseignement.

L’autre véritable problème fut le pilotage de l’éducation à l’orientation : pas de responsable national, un simple inspecteur général qui a tenté de parcourir les académies pour convaincre mais pas d’appuis réel du ministère ; sur le terrain les CSAIO se sont chargés de développer le dispositif dans les académies mais sans l’entrée pédagogique véritable via les IA IPR alors que l’EAO est avant tout une activité pédagogique.

La mise en œuvre fut donc très diverse. A l’époque j’avais identifié trois types de politiques académiques :

  • achat par l’académie d’une méthode  et sa diffusion dans les établissements ;
  • construction d’une méthode académique et diffusion dans les établissements :
  • formation des équipes d’établissement à l’élaboration d’un programme.

On pourrait sans doute rajouter une quatrième stratégie proche du laisser-faire.

Le contexte de l’époque

 Pour tout arranger, on met en place ─ ou on cherche à mettre en place ─ deux réformes pédagogiques organisationnelles : les parcours pédagogiques différenciés et l’éducation à l’orientation. Comme il est très difficile de mener simultanément deux réformes pédagogiques, le choix va être vite fait sur le terrain…

Enfin, Il faut aussi se rappeler qu’au milieu des années 1990, le travail est questionné dans ses valeurs. Cette même année 1995 il y a de nombreuses publications sur le thème du travail, par exemple : Méda, Le travail, une valeur en voie de disparition, et Rifkin, La fin du travail. De grandes grèves se sont produites ayant pour thème le basculement dans une nouvelle ère inquiétante, incertaine : les métiers vont-ils disparaître ? Un métier pour la vie entière est-il encore envisageable ? Les jeunes y croient-ils encore ?

On peut se rapporter à un petit article sur ce blog Les causes de l’échec de l’EAO  et surtout à mon article L’éducation à l’orientation en tant qu’innovation, in Perspectives documentaires en éducation, n° 60, 2003, L’éducation à l’orientation, pp 19-32.

Une extension et une relance ratée

 Pour clôturer cette étape il faut rappeler qu’une circulaire a étendu l’EAO au LGT. Je ne pense pas que vous ayez pu voir à l’époque une mise en œuvre réelle de celle-ci. Une autre circulaire va être préparée pour le lycée professionnel ainsi qu’une « relance ». Une Université d’été est organisée à Montpellier pour la soutenir, mais des élections provoquent un changement de gouvernement, circulaire et relance restent dans les tiroirs du ministère.

Le compte rendu de cette Université d’été se trouve toujours sur le net https://www.ac-montpellier.fr/sections/orientation/preparer-orientation/ressources-references/5c-universites-d-ete/downloadFile/file/Universite_ete_2002.pdf chose très exceptionnelle. Ce document est sans doute toujours d’actualité.

La prochaine fois nous verrons l’apparition de l’Europe sur ce terrain.

Bernard Desclaux

Article publié sur le blog de Bernard Desclaux : http://blog.educpros.fr/bernard-desclaux/2015/06/06/apprendre-a-sorienter-dhier-a-aujourdhui-viii-vers-linstitutionnalisation-de-leao/

Dernière modification le samedi, 20 juin 2015
Desclaux Bernard

Conseiller d’orientation depuis 1978 (académie de Créteil puis de Versailles), directeur de CIO à partir de 90, je me suis très vite intéressé à la formation des personnels de l’Education nationale. A partir de la page de mon site ( http://bdesclaux.jimdo.com/qui-suis-je/ ) vous trouverez une bio détaillée ainsi que la liste de mes publications.
J’ai réalisé et organisé de nombreuses formations dans le cadre de la formation continue pour les COP, , les professeurs principaux, les professeurs documentalistes, les chefs d’établissement, ainsi que des formations de formateurs et des formations sur site. Dans le cadre de la formation initiale, depuis la création des IUFM j’ai organisé la formation à l’orientation pour les enseignants dans l’académie de Versailles. Mes supports de formation sont installés sur mon site.
Au début des années 2000 j’ai participé à l’organisation de deux colloques :
  • le colloque de l’AIOSP (association internationale de l’orientation scolaire et professionnelle) en septembre 2001. Edition des actes sous la forme d’un cd-rom.
  • les 75 ans de l’INETOP (Institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle). Edition des actes avec Remy Guerrier n° Hors-série de l’Orientation scolaire et professionnelle, juillet 2005/vol. 34, Actes du colloque : Orientation, passé, présent, avenir, INETOP-CNAM, Paris, 18-20 décembre 2003. Publication dans ce numéro de « Commentaires aux articles extraits des revues BINOP et OSP » pp. 467-490 et les articles sélectionnés, pp. 491-673
Retraité depuis 2008, je poursuis ma collaboration de formateur à l’ESEN (Ecole supérieure de l’éducation nationale) pour la formation des directeurs de CIO, ainsi que ma réflexion sur l’organisation de l’orientation, du système éducatif et des méthodes de formation. Ce blog me permettra de partager ces réflexions à un moment où se préparent de profonds changements dans le domaine de l’orientation en France.
Après avoir vécu et travaillé en région parisienne, je me trouve auprès de ma femme installée depuis plusieurs années près d’Avignon. J’y ai repris une ancienne activité, le sumi-e. J’ai installé mes dernières peintures sur Flikcr à l’adresse suivante : http://www.flickr.com/photos/bdesclaux/ .