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Article publié le 26 septembre 2013 sur l’espace à Zecool
 
L’hiver dernier, à la conférence Clair 2013, nous avons eu le plaisir et le privilège d’entendre Ewan McIntosh qui cette fois-ci, le samedi matin, interpella fortement les participants quand il présental’image ci-dessus.
En fin de compte, elle se résume par le conflit (cognitif surtout) quand on veut mettre de l’avant des initiatives innovantes à partir d’une vision, mais aussi dans un contexte organisationnel souvent ancré dans un paradigme de prudence, de rationalité et de risque calculé. De ce conflit émergera des solutions intéressantes.
 
Alors que je m’engage, dans mon travail professionnel, à avancer des fondements pour une école secondaire transformée (!), voici mon adaptation en français de ce schéma. Je considère qu’il saura être utile dans l’animation d’une vision et dans la mobilisation des gens sur le terrain.
 
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À première vue, on constate que ce n’est pas une traduction directe. C’est en soi la force de ce schéma d’Ewan : on peut le contextualiser selon l’organisation ou la dimension qu’on veut privilégier.
Le schéma que je présente en français ici peut se lire en 6 temps (cercles rouges), chacun caractérisé par un animal… :
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  1. DINOSAURE – Les institutions et organisations du monde moderne sont depuis longtemps caractérisées par des règles, des processus et autres mécanismes qui régissent leurs actions. Le monde de l’éducation ne fait pas exception : des décisions basées sur des données, des études concluantes, du risque calculé, des indicateurs de rendement mesurable, du besoin de reddition de comptes et de la transparence. En soi, ceci est une bonne chose. Il y a (et aura toujours) un besoin pour la prise de décisions « éclairées ». Là où le bât blesse par contre, c’est lorsqu’on reste ancré fortement dans un paradigme qui ne permet pas l’évolution, encore moins la transformation, de l’organisation afin que celle-ci puisse s’actualiser et être de son temps. J’adore cette phrase lue dans le Times de New York (édition en ligne) : "The walls of the box from which we need to think out of are THICKENED by years of EXPERIENCE". Je ne suis pas en train de dire que l’expérience acquise ne sert plus à rien quand on vit le changement, au contraire ! C’est juste qu’il faut avoir (et conserver) l’esprit ouvert : l’importance alors d’être APPRENANT tout le temps. Avoir un poste de responsabilité dans un système n’est pas une finalité, c’est juste le début…
  2.  
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2. LICORNE — Ahhhh, ce la-la-land pédagogique dont on rêve souvent;-) Je sais, je le fais tout le temps, rêveur que je suis. Mais blague à part, on parle ici de VISION du système, caractérisée par nos croyances, principes et valeurs, appuyée parfois par les écrits, la recherche et les innovations d’ailleurs. Et il en FAUT UNE ! C’est essentiellement, pour moi, le phare vers lequel nous sommes appelés à ramer, mais qui recule au fur et à mesure qu’on s’en approche. Mon expérience en éducation m’amène à croire qu’il reste impossible, voire inutile, de générer et de préciser tous les détails d’une vision audacieuse de ce que devrait être l’école de rêve. On peut, on doit la rêver mais faut pas l’imposer. La clé, à mon avis, c’est de la cadrer, d’en dégager les grandes balises et LÀ, on tente, avec d’autres, la traversée à la rame…
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3. L’AUTRUCHE — C’est le 15% (souhaitons de moins en moins) dans une organisation qui ne voit pas comment faire autrement ce qu’on a toujours ‘bien’ fait… Des paradigmes dominants (et parfois figés) qui, dans les pires cas, s’accompagnent d’objections vocales et/ou écrites. Cela met à l’épreuve l’esprit de celles et ceux qui veulent faire autrement. *Je n’ai pu m’empêcher ici de mentionner les usages traditionnels des TIC. Les enseignants au référentiel pédagogique arrêté, fort heureusement qu’on en voit moins… car la société qui vit des transformations profondes envoie des ondes de choc aux écoles. Ça peut vous déloger la tête du sable, ça m’sieur !
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4. ZONE DE TURBULENCE — Avec les zones 5 et 6 (plus loin), cela reste une de mes zones préférées. Le conflit, surtout cognitif, qui s’installe : les débats, les explorations de pistes de solutions, les « Oui, mais… », les explications, les explicitations, le manque de ressources comme justification pour en faire moins, peu, pas, rien… la vision à actualiser en fonction de nouveaux paramètres problématiques apportés à l’avant-scène, les alliances qui se forgent, les réseaux qui se tissent, le partage d’idées et les « Et si on essayait x ou y… » Ce que je trouve d’absolument riche à ce niveau/stade, c’est à quel point les tenants d’une vision sont appelés à revoir, confirmer, ajuster, développer davantage des éléments de la vision quand ils sont confrontés à de la résistance. On est tous vendeurs, à un certain degré. On doit aussi être rassembleurs et mobilisateurs. L’être humain reste un être ‘affectif’ et l’émergence de solutions ne se fera pas en piétinant sur tel ou telle. Au contraire, la mobilisation, locale ou à grande échelle, crée du momentum et alimente l’esprit créatif afin de dégager des solutions originales et innovantes…
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5. L’AIGLE QUI S’ENVOLE — Dans mon milieu, je suis témoin privilégié de gens qui « essaient des choses » avec leurs collègues et élèves. Je vois des partenariats confirmés avec la communauté, je vois des gens qui laissent des traces de leurs essais afin que d’autres en profitent. Je vois des initiatives du terrain s’entrecroiser avec les idées de haut niveau. Mais rien n’est facile ! Il est question d’y croire, de persévérer, d’être résilient et toujours, TOUJOURS rester en mode APPRENANT. La créativité pédagogique, sous toutes ses formes, reste un ingrédient essentiel pour tous les intervenants dans le système. J’aime beaucoup l’expression de Darren Kuropatwa : il importe de toujours rester en mode BÊTA ; c’est le phare qui s’actualise, qui se déplace. On ne sera jamais arrivés à destination et il faudra alors reprendre le travail dans ces zones de dilemmes. Mais le voyage est bien plus intéressant que la destination;-)
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6. La goutte d’eau qui crée des vagues (le ripple effect) –
La mobilisation des gens autour d’un projet éducatif permettant de voir et faire l’école autrement (pour l’amour de nos enfants et petits-enfants) risque de générer un momentum permettant à une masse critique de gens d’y adhérer. C’est un peu en cela que je vois, notamment, le pouvoir — le levier — des médias sociaux en ce monde hyperconnecté. Vous n’êtes pas seuls ! Ainsi, il y aura plus de chances que les changements deviennent systémiques. Oh bien sûr, il y aura des ratées, des insuccès ici et là. Et c’est OK ainsi. Le droit à l’erreur, ce n’est pas juste pour les élèves. (FAIL = FirstAttempt In Learning, dit-on en anglais).
Bon, ce billet semble un peu cri de ralliement mais que voulez-vous, il faut bien qu’on le fasse ensemble car seul, c’est impossible. Vous avez déjà essayé de traverser l’océan, seul, à la rame ? Même Mylène Paquette a son équipe…
Bon voyage !
Dernière modification le jeudi, 13 novembre 2014
Cool Jacques

Jacques est natif du Nouveau-Brunswick où il a travaillé dans le système d’éducation publique pendant 30 ans, à diverses fonctions : enseignant, conseiller en évaluation, responsable de programmes d'études, gestionnaire elearning. Depuis 2015, il dirige le CADRE21 -https://www.cadre21.org/- organisme à but non-lucratif visant le développement professionnel en éducation -- situé à Montréal, Québec