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Article les écoles premières (Partie 1)
Après l'âge primaire vient l'âge secondaire dans l'évolution et la maturation humaine. Développement personnel, développement culturel, développement de civilisation passent par une maîtrise des représentations mentales. La raison y joue un grand rôle pour articuler et structurer les représentations du monde, des choses, des affaires humaines en général.
Ces représentations sont comme des modélisations de la réalité et des phénomènes auxquels nous sommes confrontés. Les sciences, la philosophie, le droit et toutes les disciplines sont devenues pourvoyeuses de représentations et de modèles qui constituent savoirs et procédures, structures et dispositions dans tous les domaines de l’existence.
 
 
Les cultures, les religions, les communautés politiques ou les communautés d’intérêts ont développé leurs modèles de pensée et leurs représentations aussi de leurs valeurs. Ces représentations sont d’abord celles des choses de l’existence tout en pouvant être aussi représentations de représentations. Seulement nous sommes dans un moment particulier où ces représentations ont été prises souvent comme déterminantes, comme la cause des choses elle-mêmes. Alors qu’elles constituent un plus haut niveau de maîtrise des affaires humaines elles sont devenues la substance même des affaires humaines, l’économie financière ne le démentira pas.
 
 
Des spécialistes des représentations constituent des élites qui méconnaissent les choses elles-mêmes et les gens qui y sont confrontés. Des déviances ont ainsi fait de la transmission des représentations l’alpha et l’oméga de l’éducation. L’enseignement linguistique confondu avec l’apprentissage des langues, l’enregistrement des savoirs à la place de la connaissance, la conservation des formes à la place de l’intelligence des choses.
 
 
Or l’école secondaire a effectivement à transmettre des représentations, des modèles mais en tant qu’ils permettent une intellection élargie de l’expérience pratique, de l’expérience culturelle de la communauté de vie au premier chef. Elle permet ainsi un plus grand niveau de maîtrise et de développement au-delà de l’expérience directe, une projection dans le temps et dans l’espace qui forme des projets et permet « des interventions sur les choses » plus conséquentes.
 
 
La transmission des modèles préexistants (savoirs) et encore valides sont un premier enjeu de l’école secondaire avec toute une gamme de domaines et de niveaux d’intellection. Cependant c’est aussi la modélisation, la production de représentations qui dépasse la simple réflexion (réfléchissement de modèles existants) qui est à enseigner. C’est la pensée créatrice qui est indispensable pour participer à l’évolution du monde surtout en période de mutation où l’innovation devient la norme et non plus l’exception inquiétante. Que ce soit pour maîtriser les affaires humaines sur le plan professionnel et tous les plans de la vie individuelle et collective dans chaque communauté culturelle ou que ce soit pour partager des enjeux communs avec d’autres communautés, d’autres pays, l’enseignement secondaire est évidemment indispensable tout au long de la vie surtout quand le monde évolue rapidement.
 
 
Bien évidemment cela a un retentissement sur les méthodes éducatives. S’il ne s’agit plus de simplement reproduire des savoirs déconnectés de l’expérience et des enjeux actuels alors il ne faut plus se contenter de les transmettre comme des entités intellectuelles dogmatiques mais comme des moyens, des médiations, qui permettent d‘acquérir un plus haut niveau de maîtrise. Des pédagogies sont à favoriser et d’autres à mette de côté celles qui ont trop longtemps prédominé celles aussi auxquelles ont été formés un grand nombre d’enseignants.
 
 
Ainsi si l’école secondaire apparait comme la plus familière c’est sous un mode qui réclame une remise en question souvent radicale. Elle est donc à repenser en fonction des enjeux de développement des communautés locales ou nationales à toutes les échelles. Il est vrai qu’en d’autre temps ce type d‘enseignement était destiné à une petite élite et aux enseignants au travers notamment des universités.
 
 
Dans l’avenir il ne s’agit plus de prévoir les formes du futur pour les enseigner selon les modes traditionnels (modernes), pour les reproduire, mais d’enseigner les modèles indispensables dans l’actualité et surtout la capacité de penser et d’élaborer de nouveaux modèles. Les modèles du passé sont-ils à éliminer ? Non, en tant que sources d’inspirations et de création. Oui, en termes d’efficience actuelle. Cela change leur statut dans l’enseignement secondaire.
 
 
Ajoutons que les dispositifs d’enseignement secondaire peuvent prendre des formes très variées selon les cultures, les domaines, les niveaux et l’étendue de leurs enjeux. Surtout leur nécessité tout au long de la vie et les moyens nouveaux de communication et de transmission conduisent à penser à un renouvellement complet des structures d’enseignement et donc aussi de la formation des enseignants.
 
 
Une des expériences les plus communes et des plus inquiétantes est de constater l’impotence d’un grand nombre de diplômés. Ils sont souvent inadaptés aux réalités de terrain pour les raisons que l’on connait : défaillance de l’école primaire et ses leçons de choses, déviance intellectualiste de l’enseignement secondaire et son emprise excessive.
 
 
Ils sont aussi en difficulté pour assumer des responsabilités dans les affaires de la cité, économiques, politiques, sociales, etc. C’est là que vient la question d’un nouveau stade de développement, d’une nouvelle école, celle des responsabilités autant qu’il ne suffit pas de savoir et comprendre pour décider, entreprendre et assumer des responsabilités dans les communautés de vie et d’engagement que l’on partage.
 
 
L’école des responsabilités
 
 
Dans l’évolution humaine après l’âge des représentations et de la raison vient l’âge du Sens et de l’autonomie responsable. C’est un stade de développement en voie d’émergence. Il est moins nécessaire de former des reproducteurs des modèles classiques que des responsables des situations nouvelles à toutes les échelles mais aussi qui associent les vertus humaines avec, l’efficacité collective et la participation des hommes. Le Sens et la raison mais aussi la compétence opérationnelle. L’éducation a là une chantier immense où la maîtrise de soi et la maîtrise des situations vont de pair. Par définition les situations et les affaires humaines ne sont pas disciplinaires ni multi mais trans-disciplinaires. Plus exactement la notion de discipline sont du champ des catégories du savoir pour retrouver son Sens, relatif à la conduite humaine et ses exigences en vue d’une plus grande maîtrise de soi et de ses responsabilités.
 
 
L’école des responsabilités vient à un âge plus avancé mais peut aussi commencer aux âges antérieurs dans sa propédeutique et compléter l’école primaire et l’école secondaire. Par contre il n‘y a pas de limites d’âges dans la vie active.
 
 
L’école des responsabilités doit intervenir pour préparer à toutes les fonctions de responsabilité, quelque soit leur niveau et dans tous les domaines même si on retrouve là une transversalité plus grande. Dans chaque culture on retrouve des traces de telles « écoles de maîtrise » mais pour d’autres temps. Dans la mutation actuelle c’est une question transversale à tous les pays, même si les voies culturelles ne sont pas identiques.
 
 
La responsabilité passe par la capacité d’appréhension des situations humaines et pas seulement matérielles, mécaniques ou systémiques et cela même dans des situations à enjeux techniques. Elle passe aussi par le discernement des Sens et notamment du Sens du bien commun propre à chaque situation ou à chaque communauté d’enjeux. Elle réclame des décisions de Sens, d’orientation pour construire ensuite projets, stratégies et plans d’action, Elle réclame des connaissances et des compétences de gouvernance démocratique à la mesure des parties prenantes. Selon les domaines d’autres compétences peuvent encore être utiles mais dans tous les cas c’est l’implication de la personne et sa « tenue » qui sont décisives.
 
 
Il y a bien sûr toutes sortes de connaissances des phénomènes humains, dynamiques et processus et de méthodes qui sont à acquérir. L’Humanisme Méthodologique en fournit déjà une grande part.
 
 
De cette façon chefs d’entreprises, responsables politiques à tous les niveaux, responsables d’organisation, responsables sociaux, responsables d’équipes, de projets, responsables de communautés de tous ordres, responsables de missions pour le compte de communautés, mais aussi responsables d’écoles d’éducation sont concernés et justifieraient la création de ces écoles, spécialisées pour une part, On le voit bien il s’agit de passer d’une maîtrise du savoir à une maîtrise de l’action en situations, toujours communautaire d’ailleurs.
 
 
L’école des responsabilités ne se soucie pas de compétences techniques mais de compétences humaines, non pas de performance individuelle mais de performance en situation collective. On ne pourra pas dire que la compétence s’oppose au développement de l’être puisqu’il s’agit de la même chose sur le plan éducatif.
 
 
Peut-il y avoir des déviations de l’école des responsabilités ? Oui si elle ignore les autres écoles, si elle instrumentalise son rôle et ses méthodes et si elle méconnait les phénomènes humains en jeu.
 
 
Alors y a-t-il une cinquième école possible. Oui ! celle de la vieillesse et de la déprise de l’existence. Ca c’est pour des sociétés très avancées.
Nifle Roger

69 ans chercheur indépendant.

Fondateur de l’Humanisme Méthodologique

Auteur du livre "Le Sens du bien commun" éditions du Temps Présent. Travaille sur la prospective d’une mutation, sur les plans politique, économique, éducatif, celui de la gouvernance communautaire, du développement approprié etc. sous l’angle d’un humanisme radical à contre courant des anti-humanismes contemporains.