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Il y a eu beaucoup d’agitation en France autour de l’acronyme MOOC et du mouvement lié aux États-Unis.
Rappelons d’abord que c’est bien le nombre d’inscrits à ces cours (par milliers ou dizaines de milliers par cours) qui a retenu l’attention. Notons également que le mouvement pour décoller est passé par quelques étapes clés : d’abord l’initiative d’enseignants qui ont choisi d’ouvrir l’inscription à leur cours sur Internet, ensuite ces mêmes enseignants ont créé des portails suscitant et regroupant une offre visible, chaque cours étant accessible en 1 clic, avec comme affichage : 1 sujet attirant, 1 vidéo de présentation, 1 professeur et/ou un nom d’université.
Ces cours ouverts s’appuient donc sur un cours, souvent existant, présentés pour encourager l’adhésion, et mis à disposition de manière visible pour être trouvés facilement. Cette approche propose un mouvement nouveau d’offre de cours rendant l’accès à la connaissance plus facile que jamais à tous les internautes.

Où en sommes nous donc de ce coté de l’Atlantique ? (Je me concentre ici sur ce que je connais mieux, à savoir la France, mais les tribunes de Mario Asselin me laissent penser que la situation n’est pas très différente au Québec)

Du coté des enseignants, nous avons eu trois MOOCs proposés  : ITyPA (Internet Tout y Est Pour Apprendre) dans lequel les promesses étaient de mieux maîtriser les dynamiques du Web pour apprendre et de découvrir une modalité appelée connectivisme, GdP (Gestion de Projet) dans lequel la promesses était d’obtenir un certificat lié à la maîtrise des techniques de gestion de projet, et l’introduction aux réseaux cellulaires proposé avant tout à des élèves ingénieurs (de Télécom Bretagne) sur une plateforme dédié aux MOOCs hébergée localement et permettant aux participants de partager ce cours d’école. Bref, on trouve ici une poignée d’innovateurs, tous d’accord sur cette volonté de diffusion de la connaissance.

Ces trois cours ont suscité l’intérêt mais pas encore un mouvement, peut être parce que ces cours n’émanaient pas directement d’établissement aussi emblématiques que Stanford ou le MIT. Peut-être aussi parce qu’il fallait être attentif pour apprendre leur existence, et les retrouver sur leurs sites respectifs sur Internet.

Deux écoles, nos amis suisses de l’EPFL et des collègues de l’école Polytechnique ont choisi de profiter des portails/plate-formes américaines pour se faire la main. L’EPFL a ainsi acquis une expérience sur des cours de quelques dizaines de milliers d’inscrits. Pour Polytechnique, rendez-vous à la rentrée. Passer par un tel portail/plate-forme facilite le montage d’un MOOC, et surtout garantit une audience importante. C’est donc une bonne tactique pour démarrer un mouvement de MOOCs francophone, mais intimement liée aux visions des hiérarchies américaines. Coursera a comme politique de choisir les 5 meilleures universités par pays (selon quel classement ? Je n’aimerais pas être dans la 6ème). C’est un modèle de développement cohérent pour une entreprise, pas pour une zone linguistique. Parmi les autres limites, citons : être lié à une solution de plate-forme non choisie, accord par université, et surtout non contrôle des données d’apprentissage.

Coté portail, du coté de l’Europe, on a l’impression d’une main mise des Open-university : FutureLearn coté anglais a été initié par l’Open-University et OpenUpEd est finalement principalement un regroupement des ces universités ouvertes, à tel point qu’on se demande pourquoi le ministère de l’enseignement supérieur de la recherche y participe. Quel est le problème me direz-vous ? Eh bien, on assiste à une mise en coupe des MOOCs par les spécialistes de l’enseignement à distance, qui ne font qu’essayer de récupérer le mouvement en reproduisant leurs règles : des contenus libres et une inscription payante. Pour rappel, c’est justement parce que les cours étaient issus de cours d’universités présentielles, et que l’inscription est gratuite que le mouvement s’est déclenché. Je ne dirai rien sur l’ergonomie du site, ne permettant pas de recherche particulière (pas de date, de catégorie …), tout en anglais pour présenter des cours dans de nombreuses langues européennes.

Et pourtant de nombreuses annonces de MOOCS d’universités mériteraient d’être rendues visibles, fédérées pour permettre aux différentes initiatives d’être connues.

Mais surtout le problème reste d’inviter de futurs participants francophones à apprendre. C’est le prérequis indispensable qui semble souvent oublié. Chaque professeur qui voudra créer son cours sous forme de MOOC devra se poser la question de ce qui donnera envie à quelqu’un de l’extérieur de son établissement de suivre son cours. La multitude des participants à des MOOC francophones reste à créer

Et aujourd’hui pour recueillir des participants, soit il faut faire une grosse campagne de publicité (les innovateurs de ITyPA et GdP ont fait cet effort), soit faire partie des happy few admis par Coursera ou edX. Il n’y a pas encore d’alternative.

Jean-Marie Gilliot

Publié sur le blog Techniques innovantes pour l’Enseignement supérieur

Crédit photo : Grabbing some sushi in Vegas – par Stuck in Customs – licence CC-by-nc-sa

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Gilliot Jean-Marie

Enseignant chercheur au département informatique de Télécom Bretagne
Persuadé que le futur de l’école est numérique, je publie sur mon blogTechniques Innovantes pour l’Enseignement Supérieur. Vous pouvez également me retrouver sur Tiwtter : @jmgilliot
Thot Cursus a publié un interview "l’apprentissage passe par la réutilisation" qui me parait assez juste.