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Priorisation des réponses tutorales et des champs de support à l’apprentissage à investir par étude de criticité des besoins des apprenants - Ingénierie tutorale #3 - Comme nous l’avons vu dans le billet précédent, le concepteur des services tutoraux d’une formation à distance ou hybride doit procéder à une analyse des besoins d’aide des apprenants lui permettant d’aboutir à un inventaire le plus exhaustif possible. Résultat de la confrontation des représentations de l’institution, du concepteur, des tuteurs et des apprenants eux-mêmes, cette liste regroupe différents besoins dont certains ne sont peut-être que des attentes.
La distinction entre besoin et attente n’est pas toujours aisée à établir, et ce d’autant plus qu’en ingénierie, il est fréquent que le terme attente soit utilisé pour désigner un ensemble de besoins. Au-delà de ces considérations sémantiques, il apparait nécessaire de pouvoir s’appuyer sur un outil méthodologique permettant de trier l’indispensable de l’accessoire ou de l’inutile. L’analyse des risques offre un tel outil à travers l’étude de la criticité.
 
 
Etude de la criticité d’un besoin d’aide non satisfait
La criticité d’un risque correspond au produit de sa gravité et de son occurrence. Un risque fatal dont l’occurrence est nulle est bien plus supportable qu’un risque de gravité moyenne mais dont l’occurrence et la répétition sont certaines.
Il s’agit donc, une fois la liste des besoins d’aide des apprenants établie, d’étudier la criticité du risque encouru si aucun service tutoral ne répond à un besoin d’aide repéré. L’échelle de l’occurrence du risque peut comporter les niveaux suivants : i) Peu probable ou improbable, ii) probable, iii) fort probable, iv) certaine alors que l’échelle de la gravité serait la suivante : i) peu ou pas grave, ii) grave, iii) très grave, iv) fatale. Chacun de ces niveaux doit faire l’objet de définitions plus précises qui d’un dispositif à l’autre ne seront pas les mêmes. A titre d’exemple, la gravité fatale d’un risque peut correspondre à l’abandon de l’apprenant.
 
 
Une telle méthode, si elle n’est pas parfaite et peut apparaître un peu trop mathématique, se révèle néanmoins très utile pour hiérarchiser les réponses tutorales à apporter au sein d’une formation. La recherche de l’objectivité est liée d’une part au fait que les représentations des différents acteurs ont été prises en compte et d’autre part, à la définition précise des critères et des indicateurs. Si ceci ne procure pas une garantie absolue d’objectivité, la mise en exergue des biais qui peuvent être ceux du responsable de cette étude sont du moins exposés et les résultats obtenus peuvent donc être situés en toute connaissance de cause.
 
 
Criticité = Occurrence x Gravité
 
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Les besoins d’aide dont la criticité du risque de non réponse tutorale s’établit entre 8 et 16 doivent obligatoirement faire l’objet d’une réponse tutorale. Entre 4 et 6, il est souhaitable d’apporter une réponse tutorale aux besoins concernés ou à défaut d’être très attentifs lors de la diffusion de la formation à leur émergence éventuelle afin d’être en mesure de traiter le cas. Entre 1 et 3, il n’y a pas de nécessité d’apporter une réponse tutorale et il est fort probable qu’il s’agisse davantage d’une attente que d’un besoin.
 
 
D’autres critères de priorisation des interventions tutorales
Outre la criticité des risques, d’autres critères peuvent être mobilisés pour prioriser les champs de support à l’apprentissage à investir : l’approche pédagogique, la durée de la formation, les moyens financiers, la facilité de mise en œuvre, la qualité recherchée du système tutoral…
 
Il est certain que dans un dispositif dont l’approche pédagogique serait académique ou classique, et qui de ce fait porterait l’accent sur la mémorisation et l’assimilation d’un discours porté par les ressources multi-médiatisées de la formation, les plans socio-affectifs et métacognitif peuvent être (ce n’est pas une obligation) ignorés. A contrario, dans un dispositif se revendiquant d’une approche socio-constructiviste, les interventions tutorales relatives à ces plans sont à prendre systématiquement en compte.
 
La durée de la formation est également un paramètre qui est pertinent. Les interventions tutorales et les plans de support à l’apprentissage sur lesquels elles portent ne seront pas les mêmes selon que la formation demande quelques heures à l’apprenant ou qu’il s’agit d’un cursus de plusieurs centaines d’heures s’étalant sur plusieurs mois.
 
Les moyens financiers que l’institution est prête à consacrer à la mise en œuvre des services tutoraux est également un paramètre important mais ne saurait, comme c’est trop souvent le cas, être le seul. Certaines interventions tutorales, comme les entretiens individuels avec les apprenants ou les rétroactions aux travaux des apprenants peuvent être assez chronophages et de ce fait délaissées pour rester dans le budget prévu. A noter, et nous le verrons dans un des derniers billets de cette série, que le tutorat ne peut être considéré uniquement comme un coût, qu’à bien des égards il correspond à des investissements et sous certaines conditions peut même dégager un chiffre d’affaires supplémentaire.
 
La facilité de mise en œuvre, du moins une approche pragmatique de la délivrance des services tutoraux, se révèle être un autre angle d’examen de la priorisation des réponses tutorales. Les tuteurs maitrisent-ils les outils et les méthodologies pour réaliser les interventions tutorales demandées ? Les technologies de communication à mobilisées sont-elles facilement accessibles par les acteurs de la relation tutorale ? Le rapport temps/efficacité de l’intervention est-il optimum ? Voici quelques-unes des questions auxquelles il faut apporter des réponses contextualisées qui sont de nature à influencer les choix réalisés.
Enfin, et peut-être pourrait-on dire, en premier lieu, le niveau de qualité souhaité du système tutoral devrait guider également cette priorisation. La qualité des services tutoraux reste un domaine encore peu documenté mais l’institution et le concepteur devraient là aussi se fixer des objectifs et examiner si telle ou telle intervention tutorale participe, et à quel niveau, à leur atteinte.
 
 
De la priorisation des besoins d’aide à celle des champs de support à l’apprentissage
A partir de l’étude de criticité mais aussi des autres critères de priorisation, il est intéressant d’examiner quels sont les plans de support à l’apprentissage qui sont prévus d’être investis. Pour ce faire, il suffit de rattacher chaque réponse tutorale à un ou plusieurs plans de support à l’apprentissage (cf. billet à http://blogdetad.blogspot.fr/2009/01/un-petit-essai-de-vscasmo-propos-des.html) et dont je reproduis ci-dessous le tableau de synthèse
 
 
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Là encore, un barème peut être utilisé pour déterminer quels sont les plans de support impactés et donc à investir : i) non impacté : 1, ii) faiblement impacté : 2, iii) impacté : 3, iv) fortement impacté : 4.
Pour un besoin étudié, il suffit de prendre son taux de criticité que l’on multiplie par le coefficient affecté à chacun des indicateurs d’impact. Cela revient à constituer un tableau du type ci-dessous.
 
 
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Dans ce tableau, l’intervention tutorale A possède un taux de criticité de 9 et se révèle avoir un impact de 3 sur M2 et de 4 sur Mé1. L’intervention B a un taux de criticité 16 et un impact de 3 sur C2. L’intervention C a un taux de criticité 6 et des impacts 2 sur C1, C3, SA1, SA2, SA3, M1 et Mé1. L’intervention D a un taux de criticité de 3 et un taux d’impact de 3 sur M3 et Mé2 et de 4 sur Mé3.
· Le plan cognitif a un taux d’impact de 12 + 48 +12 = 72
· Le plan socio-affectif a un taux d’impact de 12 + 12 + 12 = 36
· Le plan motivationnel a un taux d’impact de 12 + 27 +9 = 48
· Le plan métacognitif a un taux d’impact de 48 + 9 + 12 = 61
 
Dans cet exemple, il apparait évident que les réponses tutorales aux besoins cognitifs et métacognitifs sont à traiter en priorité.
 
A partir de l’inventaire des besoins et de leur priorisation, il devient possible de définir les profils de tuteurs qui sont à retenir pour le système tutoral.
 
Nous verrons dans le prochain billet les différents profils de tuteurs pouvant être sollicités.
Dernière modification le samedi, 10 janvier 2015
Rodet Jacques

Consultant formateur FOAD — Concepteur pédagogique 
Maître de conférence associé à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines - Laboratoire LAREQUOI 
Enseignant-tuteur à-
- l’université de Rennes 1 au sein du Master MFEG-
- l’université de Limoges au sein des licences pro. Servicetique et iFOAD
- l’université d’Amiens au sein du DURF et du DUFA
- l’ESPE de Toulouse au sein du Master EFE 

Initiateur et facilitateur de t@d, le portail du tutorat à distance http://www.tutoratadistance.fr 
Directeur de publication de la revue Tutorales-https://sites.google.com/site/letutoratadistance/Home/consulter/tutorales