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La maison-atelier de Jean Arp et Sophie Taeuber-Arp à Clamart a été un lieu de vie et de création, des années 1926 à 1939. Jean Arp y revient en 1945. Marguerite Hagenbach-Arp, sa seconde épouse, crée en 1978 la Fondation Arp pour valoriser une collection de près de mille cinq cents pièces.
L’exposition Esprit d’atelier montre les subtilités et la richesse de cette maison-atelier d’un couple d’artistes du XXe siècle.

Vue de la Fondation Arp. Photo Sébastien Tardy droits Fondation ArpL’art est au cœur de la vie quotidienne

Sophie Taeuber-Arp (1889-1943) et Jean Arp (1886-1966) ont créé avec des influences réciproques et réalisé des œuvres communes. Les plans de cette maison au volume compact ont été dessinés par Sophie Taeuber. Formée aux arts appliqués, cette femme artiste est restée longtemps méconnue malgré le soutien de Jean Arp pour faire reconnaître son talent protéiforme. Le premier espace en rez-de-jardin rend compte de l’histoire de la maison et de la vie du couple, pionnier du Dadaïsme et de l’Art concret.

Le terrain est acheté en 1926. Sophie Taeuber et Jean Arp avec Theo van Doesburg (1883-1931) viennent de rénover le Café de l’Aubette à Strasbourg. Les travaux commencent en 1927 et s’achèvent en 1929 ; le couple a près de quarante ans. Un geste artistique se manifeste dans les plans et coupes, la distribution des pièces pourrait être retranscrite sur gouache avec un jeu de couleurs. Pour Sophie Taeuber, l’art est au cœur de la vie quotidienne et permet d’élever l’intellect, d’améliorer ses créations. Dans l’ancienne cuisine, le mobilier modulable et minimaliste a un rôle fonctionnel, de simples caissons sont combinés et deviennent des étagères. A l’étage, un bureau réalisé par Sophie Taeuber est recouvert d’une laque automobile, pour plus de résistance.

De nombreuses photographies en noir et blanc prises dans le jardin montrent des artistes de l’avant-garde de l’entre-deux-guerres (Tristan Tzara, Max Ernst…).

Les différentes pièces de la maison sont superposées en hauteur, l’ouverture de l’escalier favorise la circulation entre les sphères de la vie quotidienne et de la création. Arp et Taeuber avaient leur propre atelier, le parcours restitue les espaces occupés initialement. Au premier niveau consacré à Arp, le maître-mot est la « constellation ». L’artiste multiplie les idées et assemble des formes. Il crée par essais et puise dans son catalogue d’éléments découpés.

Des motifs récurrents évoluent par déclinaisons comme le thème du nombril de la période Dada appliqué pour des œuvres ou médiums (sculptures, tapisseries, dessins, collages, papiers déchirés, poèmes…). Trois sculptures en résonance montrent comment Arp revisite ses formes : Entité ailée (1961) et Pointé vers les nuages (1962) font éclore Torse enjoué (1965) – œuvre également exposée dans le jardin des sculptures qui mène aux ateliers de plâtres, au cœur de la création foisonnante d’Arp.

Une monographie inédite d’Arp par Taeuber

L’espace de Sophie Taeuber est introduit par la tapisserie Porte d’Oiseaux (1960) d’Arp. L’artiste est décédée prématurément en 1943, alors que le couple s’est réfugié à Zurich. Elle a été asphyxiée par les émanations toxiques d’un poêle. Au début de la Seconde Guerre mondiale, le couple s’est d’abord installé dans le Sud de la France, en zone libre. Le contexte n’était pas favorable pour les artistes de « l’art dégénéré ». La maison n’a jamais été visitée. Une dame passait faire le ménage et tous les jours ses deux fils venaient prendre un bain – la gestapo se basait sur l’absence de factures pour contrôler des maisons. Il y a une dizaine d’années pendant les Journées du Patrimoine, un monsieur très âgé s’est présenté, il était l’un des deux garçons et connaissait parfaitement cette maison devenue musée et centre de recherche. Il a rappelé à l’équipe de la Fondation Arp comment étaient distribuées les pièces, l’état du jardin - toujours rangé pour ne pas attirer l’attention des Occupants.

Le mouvement dans le travail de Sophie Taeuber est à repérer avec l’enchevêtrement de lignes, des jeux de diagonales, des contrastes de couleurs. Elle a travaillé le textile, a fait de la décoration et conçu des marionnettes, elle a été enseignante, danseuse et peintre.

Vue de lexposition. Photo Sébastien Tardy droits Fondation Arp

Le dernier étage correspond à la chambre. Sont évoquées les œuvres nées de leurs influences et celles attribuées au couple comme Jalon (1938) en bois tourné. Dans une vitrine, la maquette d’une monographie inédite d’Arp par Taeuber est composée de treize dessins d’Arp. D’autres livres ont des couvertures peintes et contiennent des dédicaces. Dans une continuité en miroir, les citations des deux artistes semblent se répondre.

Fatma Alilate

Exposition Esprit d’atelier, Arp et Taeuber, vivre et créer
La maison-atelier de Jean Arp et Sophie Taeuber-Arp
Commissaires : Mirela Ionesco, Chiara Jaeger, Sébastien Tardy
Jusqu’au 24 novembre 2024

Vue de l'exposition. Photo Sébastien Tardy, droits Fondation Arp
Sophie Taeuber-Arp. Carnet d'esquisses, 1939-1940, crayon et crayon de couleur sur papier. Photo Jean-Paul Pichon, droits Fondation Arp
Vue de la Fondation Arp. Photo Sébastien Tardy, droits Fondation Arp

Dernière modification le mardi, 16 avril 2024