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Appel de l’association Ecole, changer de cap.

Le Collège est le niveau le plus malade de l’institution scolaire. Il est indispensable de le faire évoluer sans tarder. Le « Collège version 2016 » introduit un ensemble d’aspects favorables qui ont été testés avec intérêt et efficacité depuis plus de trente ans dans divers établissements, en France et à l’étranger.

Cette réforme du collège, qui entre en vigueur en cette rentrée, accorde une marge d’autonomie accrue aux établissements pour mieux répondre aux besoins de leurs élèves. Les équipes pédagogiques disposent d’une plus grande marge de manœuvre.

D’autres dispositifs favorables sont également cités : l’accompagnement personnalisé des élèves, des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), des groupes à effectifs réduits, la différenciation pédagogique, la pédagogie de projet ou encore les usages pédagogiques du numérique. Autant d’éléments favorables pour faire bouger les lignes dans la direction souhaitable.

De plus, le nouveau Socle commun de connaissances, de compé́tences et de culture qui prend date également à cette rentrée met enfin au programme de l’école obligatoire « les méthodes et outils pour apprendre » (domaine 2). Cet objectif est bienvenu et peut amorcer un « vrai » changement… L’école fait un grand pas pour le bénéfice des élèves quand elle ne limite plus ses programmes aux seuls contenus notionnels.

Alors pourquoi autant de réactions dans les médias et une grève des enseignants en prévision ?

Certes, il en est toujours ainsi en matière de transformation du système scolaire. Les conservatismes de tous bords, associés aux corporatismes, ont saboté les diverses tentatives pour faire évoluer l’institution scolaire : le plan Langevin Wallon, la réforme Legrand-Savary issue de la grande expérience des « collèges expérimentaux », le collège unique voulu par René Haby entre autres.

Et nous voyons actuellement comment ses opposants déversent des torrents de mensonges éhontés pour discréditer la réforme aux yeux du public. Ce qu'ils attendent : c'est son abrogation par le prochain gouvernement.

Et parce que nous sommes attachés aux ouvertures que devrait permettre la réforme en cours, nous insistons pour que soient mises en œuvre les conditions de sa réussite et non son abrogation. Et celles-ci reposent avant tout sur une réforme de la gouvernance comme de la formation des enseignants.

Car elle comporte aussi des aspects problématiques. Depuis 50 ans, les ministres décrètent « d’en haut » des réformes, sans tirer partie des innovations précédentes. Pressés de laisser leur nom, ils imposent sans préparation, sans formation, des transformations qui sont aussitôt oubliées par le ministre suivant !

Pas évident de mettre en place des activités interdisciplinaires quand les professeurs ne sont pas préparés à travailler en équipe, quand ils sont recrutés sur des critères académiques disciplinaires.

Délicat de faire un suivi personnalisé quand on n’a aucune connaissance sur les conceptions mentales des divers élèves.

Impossible d’apprendre à apprendre à un élève en difficulté quand on a été un « bon » élève et qu’on n’a jamais travaillé sur les diverses difficultés rencontrées par un élève d’un milieu moins favorable. Et que dire de l’autonomie des établissements quand leurs cadres ont reçu une culture hiérarchique !

Ces insuffisances, héritées de notre longue histoire scolaire, sont appelées à évoluer, non par une opposition frontale faite de refus mais grâce au travail patient qui se fait déjà à la base et que nos collectifs soutiennent car il redonne à nos jeunes le désir d’apprendre.

C’est  la réflexion sur les exigences d’un collège pour les jeunes d’aujourd’hui[i], mais non un retour en arrière, qui permettra à la nécessaire réforme en cours de ne pas s’enliser à mi-course. C’est la volonté d’agir qui anime les signataires de cet appel.

Pour contact/Information

Maridjo Graner, Ecole changer de cap, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Premiers signataires

André Giordan

Maridjo Graner

Georges Hervé

Marie-Françoise Bonicel

Vincent Roussel

Alain Sotto

Marc Héber-Suffrin

Claire Héber-Suffrin

Brigitte Prot

Jean-Charles Léon

Bernard Gouze

 


[i]  E. Morin, Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, UNESCO, 2000

A. Giordan, S. Saltet, Changer le collège c’est possible, Playbac, 2010

A. Giordan, Une autre école pour nos enfants ? Delagrave, 2002

A. Tarpinian et coll., Ecole changer de cap. Contributions à une éducation humanisante, Chronique sociale, 2013

L. Legrand, Pour un collège démocratique : rapport au ministre de l' Éducation nationale, Documentation Française, 1982.

 

Dernière modification le vendredi, 09 septembre 2016
Giordan André

André Giordan est le fondateur et directeur du Laboratoire de Didactique et Épistémologie des Sciences de Genève. Ancien instituteur, professeur de collège, animateur de banlieue, il  est l’auteur d’un nouveau modèle de l’apprendre (modèle d’apprentissage allostérique) et l’initiateur de nombreuses innovations scolaires, muséologiques et médiatiques.